Un ouvrage indispensable à qui s'intéresse à la capitale libanaise "Beyrouth, regards croisés", une autre lecture de la ville

Malgré les travaux qui lui ont été consacrés, Beyrouth demeure une ville du Proche-Orient encore insuffisamment observée et comprise. On ignore jusqu’au nombre de sa population: est-ce un million, un million et demi ou deux millions? Où et comment est-elle répartie? On ne peut même pas répondre à des questions somme toute simples: jusqu’où s’étend le cadre bâti, jusqu’où l’influence de la ville se fait-elle sentir? Comment se constituent ou se défont ses réseaux d’échanges, de transports ou de sociabilité? Comment se représente-t-on la ville, son rôle, ses activités? Quelles sont les différentes étapes de son histoire? Comment voit-on la ville du troisième millénaire, c’est-à-dire dans cinq ans à peine? C’est une urbs encore largement incognito, une ville qui n’a été souvent saisie et présentée qu’à travers des clichés, d’images qui ne cernent, en fin de compte, que certains espaces ponctuels et des histoires tronquées de quelques-unes de ses nombreuses populations.
Un ouvrage sur Beyrouth s’imposait, ne serait-ce que pour offrir une autre lecture de la ville au lecteur qui, depuis les premiers jours de la guerre libanaise, débutée voici vingt ans, a été saturé de descriptions et d’images, de descriptions lyriques des guides touristiques, de témoignages crus, froids et macabres de la guerre elle-même, ou de brochures exaltant les fantasmes et les promesses de la reconstruction de l’après-guerre. Cet ouvrage a enfin vu le jour sous le litre: «Beyrouth, regards croisés» paru aux Editions Urbana, dans la collection «Villes du monde arabe» (Tours 1997). Il s’agit d’un collectif publié sous la direction de Michael F. Davie. Il est disponible à la Librairie Tarazi, rue Monot. Les diverses contributions livrées au public — et aux chercheurs dans cet ouvrage particulièrement intéressant — ont l’ambition de présenter à la fois des éléments de réflexion sur l’espace urbain beyrouthin et quelques points d’ancrage pour baliser des pistes pour des recherches futures.
Ouvrage collectif, il offre des regards, souvent croisés; ses auteurs proviennent de disciplines différentes, mais suffisamment proches pour que l’espace soit toujours au centre de leurs préoccupations: ils sont géographes, certes, mais aussi sociologues, anthropologues et ethnologues, démographes, architectes et urbanistes.
Outre un avant-propos rédigé par Michael Davie, «Beyrouth, regards croisés» comporte les quatorze contributions suivantes:

l Michael F. Davie: «Beyrouth-Est» et «Beyrouth-Ouest»: territoires confessionnels ou espaces de guerre?
l Marlène Ghorayeb: De l’art urbain à l’urbanisme progressiste, dess(e)ins pour une ville levantine sous mandat français.
l Cynthia Ghorra-Gobin: Beyrouth ou les conditions d’émergence de l’espace public.
l Chérine Naffah Chot-Plasot: Réseaux de sociabilité et de voisinage: le quartier Baydoun à Beyrouth (1986-1988).
l Eliane Gebrane: Réfugiés et résidents anciens dans deux quartiers de Beyrouth: Ramlet el-Baïda et Raouché.
l Nathalie Attar: Roueissât el-Metn: une forme de sous-intégration de la banlieue de Beyrouth.
l Robert Saliba et Yasser Abunnasr: Development of the Informal Sector during the Lebanese War.
l Salma Husseini: La redistribution des communautés chiite et sunnite dans le grand Beyrouth (1975-1988).
l Myriam Khlat, Youssef Courbage et Marlène Deeb: Beyrouth 1984: profil socio-économique à l’échelle des quartiers.
l Nabil Beyhum: Petit manuel de la reconstruction de Beyrouth.
l Jade Tabet: Trois plans pour une ville: lectures d’un projet pour la reconstruction du centre-ville de Beyrouth (1991).
l Robert Saliba: The Mental Image of Downtown Beirut, 1990.
l Nabil Beyhum: «Ne me tuez pas une seconde fois».
l Sawsan Awada-Jalu: Le désir de ville.