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Actualités - CONFERENCES DE PRESSE

"Ils ne réussiront pas à me terroriser" , affirme le député Berry opposé à la procédure engagée contre le parlementaire accusé de diffamation et d'appel à la désobéissance armée


Un moment accusé de faiblesse — ou de clémence? — à l’égard des divers mouvements de contestation qui prolifèrent dans le pays, le gouvernement a décidé de réagir en affirmant sa détermination à appliquer les lois.
Il a aussi choisi sa cible, Najah Wakim. Une cible qui est déjà dans sa ligne de mire depuis des années, mais qu’il n’arrive toujours pas à abattre. Cette fois, l’affaire est sérieuse.
Un nouvel épisode de l’éternel bras de fer qui oppose le gouvernement au député de Beyrouth a donc commencé hier. Et nul n’est en mesure d’en prédire l’épilogue. Najah Wakim doit comparaître ce matin devant M. Fouad Geagea, juge d’instruction de permanence à Beyrouth, pour diffamation envers de hauts responsables de l’Etat et «appel à la désobéissance armée». Il risque une peine allant, de six mois de prison au bannissement. Dans une conférence de presse organisée à la hâte, M. Wakim a fait un pas en arrière et deux pas en avant. Il a affirmé que certains des propos qui lui sont attribués ont été «déformés ou tout simplement inventés» et a accusé «le gang au pouvoir de vouloir terroriser le peuple et les opposants. Mais en vain, ils ne nous obligeront pas à nous taire», a-t-il dit.
Le président du Parlement, M. Nabih Berry, a rapidement réagi en qualifiant d’«anticonstitutionnelles» les poursuites engagées contre M. Wakim. Il a toutefois précisé qu’il n’était «pas d’accord» avec les propos attribués au député.La nouvelle-affaire-Wakim a commencé samedi dans la localité de Hoch el-Rafeha à Baalbeck. Lors d’un meeting oratoire organisé par le chef de la «Révolte des affamés», cheikh Soubhi Toufayli, le député de Beyrouth a tenu devant des milliers de personnes des propos très sévères à l’égard du président Elias Hraoui, du premier ministre Rafic Hariri, et des ministres de l’Intérieur, Michel Murr, et des Ressources hydrauliques et électriques, Elie Hobeika. Le procureur près la Cour d’appel de Beyrouth, M. Jihad el-Wadi, a jugé qu’il s’agissait d’attaques personnelles et de propos injurieux. Mais chaque média a rapporté une version différente du discours de M. Wakim. A-t-il réellement appelé à la révolte armée? Lui, assure que non, en précisant qu’il a toujours insisté sur le caractère pacifique de la contestation populaire. A-t-il lancé des accusations contre le chef de l’Etat? M. Wakim précise a ce sujet qu’il a seulement déclaré que «si M. Hraoui possède des dossiers sur chaque ministre, comme l’ont rapporté les médias en citant ses propos, son devoir est de les transmettre au parquet». A-t-il enfin qualifié M. Hariri d’«(Elie) Cohen du Liban» (en allusion à l’espion israélien démasqué et pendu à Damas en 1965 après avoir infiltré les plus hautes sphères du pouvoir syrien) et accusé MM. Murr et Hobeika d’être des «voleurs»? M. Wakim préfère garder le silence sur cette question, en indiquant qu’il présentera les clarifications nécessaires en temps voulu. De toute façon, c’est au juge d’instruction de trancher en dernier ressort.
Quoi qu’il en soit, cette affaire pose une nouvelle fois le problème de l’opportunité d’engager des poursuites contre un député. M. Wakim dispose en effet d’une immunité parlementaire qui ne peut être levée que lors d’un vote à la Chambre. Cependant, cette immunité peut être ignorée en cas de flagrant délit. «Or, les faits reprochés à M. Wakim constituent un flagrant délit», ont estimé des sources judiciaires citées par les agences de presse .Dans son commentaire, M. Berry (qui est aussi avocat) a réfuté cette thèse, en soulignant qu’en cas de flagrant délit, les poursuites doivent avoir lieu 24 heures tout au plus après les faits incriminés. Le chef du Parlement est entré en contact avec M. Adnane Addoum, procureur général près la Cour de cassation, pour lui exposer son point de vue. Il a eu aussi plusieurs entretiens téléphoniques avec M. Wakim

«Machination
maladroite»

C’est par des journalistes que M. Wakim a appris qu’il faisait l’objet de poursuites judiciaires. A l’issue d’un entretien dans la matinée avec M. Berry consacré à des questions de procédures parlementaires, le député de Beyrouth a été interrogé par la presse sur les faits qui lui sont attribués. Visiblement surpris, il s’est montré hésitant et évasif dans ses réponses. Lorsqu’il a été informé des développements, il a rapidement organisé une conférence de presse à son domicile de Mar-Elias (Beyrouth). Devant les journalistes dépêchés à la hâte, M. Wakim, entouré de sa famille et de sympathisants, a déclaré qu’il confirmait «chaque mot prononcé lors du meeting de Baalbeck». Il a cependant affirmé que ses propos ont été «sciemment déformés dans le but de monter cette machination maladroite».
«Deux points ont attiré mon attention dans cette affaire, a-t-il dit. D’abord, ont m’a attribué des propos incitant à la rébellion armée. Mais tout le monde sait parfaitement que j’ai toujours appelé à une action populaire pacifique. Et quand j’ai répondu au ministre de l’Intérieur, je lui ai bien dit que la loi interdit le recours aux armes. Le citoyen a le droit de s’exprimer dans le cadre de la loi, c’est-à-dire sans avoir recours à la violence. C’est d’ailleurs le contenu de la recommandation adoptée par le Parlement en 1993 et qui qualifiait d’illégale la décision du gouvernement d’interdire les manifestations».
«Le deuxième point concerne ce que j’ai déclaré au sujet du président de la République, a poursuivi M. Wakim. J’ai littéralement dit que, si le chef de l’Etat possède des dossiers sur chaque ministre, comme l’ont rapporté les médias en le citant, son devoir est de les transmettre au Parquet qui doit entamer des actions judiciaires contre ceux qui volent les biens du peuple».
Le député de Beyrouth a rappelé que ce n’est pas la première fois qu’il se trouve dans une situation similaire. «En 1992, ils ont essayé de me terroriser en brandissant le spectre de la levée de mon immunité parlementaire, a-t-il indiqué. Le bureau de la Chambre avait rejeté la demande. Ils ont récidivé en 1995 avec l’affaire du procès que m’a intenté le ministre de la Justice en dépit des avis émis par les grands juristes sur l’illégalité de cette procédure».
Pour M. Wakim, la décision de le traduire en justice reflète l’impasse dans laquelle «le pouvoir a poussé le pays». «Il n’y a plus de vie politique au Liban et les divisions confessionnelles n’ont jamais été aussi profondes, a-t-il estimé. Nous nous dirigeons vers une explosion généralisée de la situation interne. Et au lieu de s’atteler à la tâche de régler les problèmes, les autorités ont choisi la voie de la répression en essayant de terroriser la population et les opposants. Nous avons à faire à un pouvoir hors-la-loi (...). Quoi qu’il arrive, j’exhorte les citoyens à œuvrer pacifiquement pour le changement. Il faut rester dans le cadre de la loi, car le pays ne supporterait pas un nouveau cycle de violence. C’est nous qui sommes responsables de la patrie et non pas la clique qui est au pouvoir». Entre deux phrases, M. Wakim répond aux appels téléphoniques de personnalités lui exprimant leur soutien. Il s’entretient notamment avec MM. Nassib Lahoud, Soubhi Toufayli, Elias Abou Rizk, Bahjat Ghaith et Oussama Saad, le frère du député Moustapha Saad.

Discours d’adieu

A un certain moment, les propos de M. Wakim ont l’air de ressembler à un discours d’adieu: «Je lutte pour une cause que je n’abandonnerai jamais. Je resterai celui qui milite pour le bien du peuple. Quoi qu’il arrive, je ne m’abriterai jamais derrière le sectarisme». Mais le député se ressaisit rapidement pour souligner le «caractère illégal» des poursuites dont il fait l’objet. «L’article 39 de la constitution est clair, dit-il. Il stipule qu’aucun membre de la Chambre ne peut être poursuivi à l’occasion des opinions ou votes émis par lui, pendant la durée de son mandat».
M. Wakim réfute aussi la thèse du parquet qui a invoqué l’article 40 de la constitution qui stipule: «Aucun membre de la Chambre ne peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ni arrêté pour infraction à la loi pénale qu’avec l’autorisation de la Chambre, sauf en cas de flagrant délit». Le député précise à cet égard qu’en cas de flagrant délit, les poursuites doivent être engagées moins de 24 heures après les faits incriminés. Il ajoute aussi qu’il n’a pas commis «un vol, un meurtre, ou un autre crime pour être traduit en justice».
Le sourire aux lèvres, le député invite les journalistes jeudi prochain à la réunion constitutive d’un rassemblement national qu’il compte lancer avec des amis et alliés, dont les députés Pierre Daccache et Moustapha Saad, ainsi que plusieurs autres personnalités de diverses régions et communautés. Il demande à l’ancien député, M. Fouad el-Saad, venu assister à la conférence de presse, d’être là. «Si je ne suis pas au rendez-vous, vous tiendrez la réunion sans moi», déclare M. Wakim avec une lueur étrange dans les yeux.

P. Kh.
Un moment accusé de faiblesse — ou de clémence? — à l’égard des divers mouvements de contestation qui prolifèrent dans le pays, le gouvernement a décidé de réagir en affirmant sa détermination à appliquer les lois.Il a aussi choisi sa cible, Najah Wakim. Une cible qui est déjà dans sa ligne de mire depuis des années, mais qu’il n’arrive toujours pas à abattre....