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Actualités - REPORTAGE

Verdict dans l'affaire japonaise Les 5 membres de l'armée rouge condamnés à 3 ans de prison et Oumayya Abboud acquittée Le parquet et la défense se pourvoient en cassation (photos)

Ouvert le 15 février dans des circonstances rocambolesques — qui avaient soulevé de nombreuses questions sur l’action de la police judiciaire et notamment du service de la Sûreté de l’Etat — le feuilleton japonais s’est terminé — momentanément — hier avec le verdict de la Cour d’assises de Beyrouth, présidée par le juge Souheil Abdelsamad.

Après avoir acquitté la Libanaise Oumayya Abboud — accusée d’abord de complicité dans la falsification de pièces d’identité puis d’exercice illégal de la médecine — la cour a estimé que les charges retenues contre les 5 membres de l’Armée rouge sont des délits — et non des crimes comme l’avait affimé le procureur Abdallah Bitar —, mais elle les a toutefois condamnés à la peine maximale dans ce cas: trois ans de prison, tout en exigeant leur expulsion du pays après l’achèvement de leur peine. Les autorités politiques — qui, entre les pressions japonaises et certaines convictions nationalistes arabes, ne savaient plus comment sortir de ce guêpier — ont ainsi gagné trois ans de répit, au bout desquels il leur faudra décider soit d’accepter la demande d’extradition présentée par le Japon, soit d’accorder l’asile politique «à ces héros de la cause arabe», comme l’ont réclamé leurs nombreux avocats. A moins que le feuilleton ne connaisse quelques prolongations puisque déjà, aussi bien le parquet que les avocats de la défense, ont décidé de se pourvoir en cassation, le premier pour obtenir une peine plus lourde et les seconds pour exactement le contraire...

Brouhaha et
bousculade

«Après l’opération de Lod (en 1972), je croyais être le bienvenu dans tous les pays arabes». Par cette petite phrase — la seule que son élocution rendue difficile par les 13 années passées dans les prisons israéliennes lui a permis de formuler — Kozo Okamoto avait exprimé devant la cour son étonnement de se retrouver dans le box des accusés. Mais le tribunal, tout en rendant hommage «à sa lutte contre l’ennemi israélien», l’a quand même condamné, ainsi que son compagnon, Haro Wako, à trois ans de prison pour usage de faux. Les trois autres, Masao Adachi, Kazuo Tohira et Mariko Yamamoto, accusés de falsification de cachets officiels, ont aussi été condamnés à trois ans de prison, mais ils doivent en plus payer chacun une amende de 600.000 L.L.
L’un des procès les plus médiatisés du Liban — en raison de l’intérêt que lui portent les organes de presse étrangers — s’est ainsi achevé au bout de la quatrième audience, dans un brouhaha de commentaires, de crépitements de flashs et de bousculade. Les journalistes étaient si nombreux dans la salle qu’ils avaient occupé l’angle réservé au représentant du parquet et M. Abdallah Bitar a dû s’asseoir à côté des membres de la cour. Les cameramen avaient aussi investi le box des accusés, puisque ceux-ci n’ont pas assisté à l’audience, comme il est de coutume lorsqu’un tribunal rend un jugement.
Pendant les 50 minutes de la lecture du verdict, toutes les étapes de ce feuilleton qui a tenu les Libanais en haleine pendant plusieurs mois ont défilé devant les présents. Qui ne se souvient, en effet, de l’arrestation le 15 février dernier par les hommes de la Sûreté de l’Etat — sur ordre de leur chef, le brigadier Ali Makki — d’un «réseau asiatique qui se charge de falsifier les cachets officiels et les passeports avec la complicité d’une infirmière libanaise, Oumayya Abboud»? C’était du moins la version officielle, vite démentie par les médias japonais qui, la nouvelle de l’arrestation à peine connue au Liban, avaient déjà publié les photos des personnes arrêtées et révélé leur appartenance à l’Armée rouge japonaise. D’ailleurs, la plupart des quotidiens libanais avaient aussitôt repris les informations publiées au Japon, alors que les responsables, complètement dépassés, ne savaient plus comment camoufler les faits, d’autant que les Syriens n’avaient pas été préalablement informés de l’ampleur de la rafle... On se souvient aussi, à cet égard, des déclarations contradictoires des responsables sur l’existence ou non de détenus «asiatiques» et surtout de la découverte, parmi les détenus, de trois Japonais n’ayant rien à voir avec l’Armée rouge dont deux auraient même servi d’indicateurs aux autorités nippones et qui ont été relâchés avant l’ouverture du procès.

Un jugement
de 12 pages

Pourtant, dans son jugement (de 12 pages), la cour, présidée par M. Abdelsamad ayant pour assesseurs MM. Georges Rizk et Oussama Ajouz, n’a pas évoqué ces détails, se contentant de la version contenue dans l’acte d’accusation. La cour n’a pas dit s’il y a eu des irrégularités dans l’arrestation et elle n’a pas cherché à savoir si les membres de la police judiciaire connaissaient dès le début l’identité des détenus. Elle s’est plutôt longuement étendue sur les charges retenues dans l’acte d’accusation contre les inculpés.
Selon le jugement, les 5 inculpés ont reconnu avoir utilisé de faux passeports «pour des raisons de sécurité» et avoir décliné de fausses identités devant les membres de la police judiciaire qui les interrogeaient. Kozo Okamoto et Haro Wako ont déclaré avoir reçu les fausses pièces d’identité par le biais de l’Armée rouge, alors que les trois autres ont participé à la falsification en utilisant des cachets officiels, notamment des tampons des ambassades du Liban à Athènes et à Stockholm. La définition du Code pénal pour les sceaux officiels précise que ceux-ci représentent les symboles de l’Etat et portent la signature du président de la République. Or, selon la cour, les tampons utilisés par les membres de l’Armée rouge ne correspondent pas à cette définition, par conséquent leur action n’est plus un crime, mais un délit, passible par conséquent d’une peine maximale de trois ans de prison.

Le 15 février 2000

De même, la cour a estimé qu’il ne s’agissait pas d’un délit politique — ce qui aurait permis d’alléger la peine — précisant que les 5 membres de l’Armée rouge ont utilisé de fausses identités pour des motifs personnels, afin de garantir leur propre sécurité, indépendamment de leurs convictions et de leur action contre l’ennemi israélien. Pour la cour, il aurait été préférable pour eux de demander l’asile politique au Liban, plutôt que de violer les lois libanaises, en utilisant de faux papiers. Rappelons toutefois qu’au cours de leur interrogatoire par le président Abdelsamad, les inculpés avaient déclaré qu’ils n’avaient pas demandé l’asile politique parce qu’ils craignaient à la fois d’être officiellement localisés et d’essuyer un refus de la part du gouvernement libanais.
Finalement, la cour a condamné Masao Adachi, Mariko Yamamoto et Kazuo Tohira à trois ans de prison et au paiement d’une amende de 600.000 LL chacun. Quant à Kozo Okamoto et Haro Wako, ils doivent seulement purger une peine de 3 ans de prison. La cour a décidé de soustraire la période de détention préventive de la peine. Ce qui fait qu’en principe, les 5 Japonais devraient être libérés le 15 février de l’an 2000.
Ce jour-là, et selon le verdict de la cour, ils devront être expulsés du territoire libanais, comme le prévoient les dispositions de la loi, en cas d’infractions commises au Liban par des étrangers.
Toutefois, cette ultime disposition laisse la porte ouverte à toutes les spéculations. Les autorités japonaises ont déjà préparé le dossier de la demande d’extradition des 5 membres de l’Armée rouge. Et, dans trois ans, lorsque ces derniers auront purgé leur peine et qu’ils devront quitter le territoire libanais, leur délit n’ayant pas été jugé politique, ils pourraient très bien être livrés aux autorités nippones.
En somme, l’épilogue attendu s’est révélé un répit de trois ans. Le 15 février de l’an 2000, les autorités japonaises auront peut-être oublié les 5 membres de l’Armée rouge, ou alors le Liban aura décidé soit de les livrer, soit de leur accorder l’asile politique.
De toute façon, les avocats des Japonais, notamment Me Béchara Abou Saad, ont annoncé qu’ils comptent préparer d’ores et déjà le dossier de la demande d’asile politique. Me Abou Saad a aussi estimé que la peine décidée par la cour est trop lourde et qu’il a l’intention de présenter un pourvoi en cassation pour obtenir une peine plus légère. De son côté, le procureur général près la Cour de cassation, M. Adnane Addoum, a annoncé que le parquet présentera lui aussi un pourvoi, car, selon lui, les charges imputées aux condamnés sont des crimes qui justifient une peine plus lourde.
Si la Cour de cassation décide d’accepter les pourvois, il y aura un nouveau procès, qui devrait se dérouler au cours de la prochaine année judiciaire. C’est dire que le feuilleton japonais est loin d’être clos et que le gouvernement — qui décide l’extradition ou l’octroi de l’asile politique — a encore le temps de «parer à toutes les éventualités»...
Reste encore à rappeler le cas d’Oumayya Abboud à laquelle la cour a rendu justice. Arrêtée le 16 février dernier, emprisonnée pendant 21 jours dans l’isolement le plus total, au point que sa famille croyait qu’elle avait été «enlevée», elle avait d’abord été accusée de complicité dans la falsification des faux papiers avant que le juge d’instruction ne retienne contre elle le crime d’exercice illicite de la médecine. Dans son jugement, la cour a estimé que la pratique de l’acupuncture ne constitue pas un acte médical et, par conséquent, la jeune femme a été déclarée innocente. Sitôt le jugement entendu, sa mère et sa sœur tout émues se sont précipitées chez l’avocat Hani Sleimane afin qu’il entreprenne les démarches nécessaires à sa libération. De fait, elle a quitté dans l’après-midi la prison des femmes à Verdun, après y avoir passé plus de 5 mois. Presque une éternité, surtout quand il n’y a pas de faute commise...

Scarlett HADDAD
Ouvert le 15 février dans des circonstances rocambolesques — qui avaient soulevé de nombreuses questions sur l’action de la police judiciaire et notamment du service de la Sûreté de l’Etat — le feuilleton japonais s’est terminé — momentanément — hier avec le verdict de la Cour d’assises de Beyrouth, présidée par le juge Souheil Abdelsamad.Après avoir acquitté...