Le village de Sannine est comme oublié du monde. Il y règne un calme parfait. Des vieillards se promènent tranquillement, des enfants jouent sur le pas de leur porte. La route — qui aurait besoin d’être réasphaltée — est bordée de huttes-boutiques en paille et en bois. C’est là que s’entassent les cageots. Cependant, depuis la mi-juillet, on ne trouve presque plus de cerises. Et les plus chanceux doivent payer le prix fort. «Mauvaise année», disent les habitants...
Charbel Louis Medawar, la trentaine bien sonnée, habite avec sa famille une petite maison de deux chambres, en pierre. On y accède par un sentier de sable très inégal qui borde un canal approvisionné par l’eau de Sannine, la source.
Entourant la maison, un verger dont l’entrée est «bloquée» par une nuée de moustiques, que Medawar traverse sans ciller. «Ici, dit ce fils et petit-fils d’agriculteur, chacun possède son verger, et des cerises». Pour sa part, il soigne le sien depuis 15 ans: 300 cerisiers, 100 pommiers aux fruits tachetés et quelques poiriers. «Je m’en occupe seul durant toute l’année», précise-t-il. «Maintenant, la période la plus dure est passée. La saison des cerises va du premier juin à la mi-juillet. Mais c’est à partir du 20 juin que la cueillette a vraiment commencé. Il a fallu mettre les fruits dans des caisses en cartons et les porter à «la ville». A Beyrouth, au marché, les cerises les plus appréciées sont les nôtres».
Déception
«La cueillette 97 ne nous a pas rassasiés», affirme-t-il ensuite. «Le printemps a été très froid et le climat a «brûlé» les fruits et affaibli les cerisiers. Je n’ai pu en tirer qu’une demie tonne, toutes variétés confondues, alors qu’en général mon verger produit jusqu’à 3,5 tonnes». Et de disparaître entre les branches vertes pour en rapporter une poignée de grosses cerises noires, très sucrées. «Cette variété est appelée «banné» (de «café») ou «alb el tayr» (cœur d’oiseau)», explique-t-il. «C’est la plus tardive (la moins précoce) et il m’en reste un peu».
Il énumère les différentes sortes de cerises qu’il cultive, par ordre de maturation: «nouwwéré», «succaré», «faraoné», «zaher», «mkahhal» et enfin le «banné». «Mes fruits sont tous roses ou rouges», dit-il. «Je n’ai pas de cerises blanches».
«Un verger a continuellement besoin de soins, et de patience», ajoute Charbel Medawar. «Il faut couper les branches sèches et pulvériser. Quand les cerisiers sont en fleur, il ne faut plus rien faire, mais attendre que les fruits se forment. Lorsqu’ils sont verts, on laboure la terre, on arrose, on pulvérise à nouveau».
«Les parents de mon grand-père ne cultivaient que le blé et l’avoine», poursuit Charbel. «Ce n’est que du temps de mon grand-père que nous avons commencé à planter des arbres fruitiers. Aujourd’hui, il pousse aussi dans mon jardin des concombres, des choux-fleurs, du maïs... Quant à l’arbre le plus vieux, il a 40 ans».
«La terre de mon verger («delghén») doit être changée tous les 12 ou 13 ans, sinon le verger meurt. Cette terre a aujourd’hui 11 ans. Il existe dans la région une autre qualité de sol, le «Khechkhéch», qui dure plus longtemps», indique le cultivateur.
«Avec mes cerises, je fais aussi de la compote. J’en garde également en réserve, au réfrigérateur, pour les salades de fruits, appréciées en toutes saisons. Et pour la confiture, j’utilise les cerises «zaher»», dit Charbel. «Je vis de mon verger», conclut-il. «Je m’y consacre donc totalement, et plus qu’un métier, c’est une nature: je suis né agriculteur».
L’agriculture dans la peau... de cerise.
Natacha SIKIAS
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