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Actualités - CHRONOLOGIE

Un millier de perrsonnes à la rencontre-cri de révolte organisée par Roucheid El-Khazen Le meeting de Mayrouba se transforme en manifestation d'allégeance au pouvoir

S’il n’y a pas d’affamés au Kesrouan — du moins selon cheikh Roucheid el-Khazen — il y a en tout cas beaucoup de mécontents. Et c’est cette grogne quasi généralisée dans la région que le député a tenté hier de récupérer dans ce qui se voulait un impressionnant meeting à l’amphithéâtre de Mayrouba.
Devant un millier de personnes, cheikh Roucheid — qui devait en principe lancer un mouvement de revendication — a surtout cherché à dénigrer la «Révolte des affamés» de cheikh Sobhi Toufayli, afin d’éviter qu’elle ne trouve des oreilles attentives dans la région. Sa «grande rencontre-cri de révolte» s’est révélée en définitive un serment d’allégeance au pouvoir «que nous appuyons et respectons», a-t-il dit, devant un public à la moyenne d’âge élevée, plus soucieux de connaître les derniers potins que de mener une lutte pour des revendications. Et si, à la fin de son discours, cheikh Roucheid a réclamé «une loi d’amnistie générale, permettant à ceux qui sont en exil et à ceux qui sont en prison de reprendre leurs activités», cela semblait surtout destiné à susciter l’enthousiasme de la foule.
Comme l’a bien souligné cheikh Roucheid lui-même, aucune comparaison n’est possible entre la rencontre du 4 juillet à Baalbeck et le meeting d’hier à Mayrouba. Si, au départ, l’idée de ce meeting lancée quelques jours après «la Révolte des affamés» prêtait à équivoque — cheikh Roucheid affirmant à qui voulait l’entendre qu’il pourrait bien recourir à la désobéissance civile, voire aux armes pour que soient satisfaites les revendications de la région — il a fallu assister à son déroulement pour comprendre de quoi il en retournait réellement. Cela commence par les forces de sécurité, qui semblent déployées pour le principe, n’entravant nullement le passage des arrivants et assistant avec bienveillance au meeting, et se poursuit avec l’atmosphère de la rencontre. Chaque délégation s’installe et commence à échanger les dernières nouvelles du village, s’enquérant de l’absence d’untel, du mariage du fils du voisin ou du menu au déjeuner dominical. Bref, le public évoque tous les sujets habituels à une rencontre sociale, mais nul ne parle de revendications, ou ne critique l’Etat. Les gens sont plus soucieux de voir et d’être vus que de protester contre une situation donnée.

«Le cri de tout le Liban»

La plupart des villages du Ftouh ont envoyé des délégations et certaines sont plus applaudies que d’autres, notamment celles de Ghodrass et de Hrajel, en raison de leur nombre. Bickfaya, Kahalé, Akoura et Tannourine sont aussi représentées. Ce qui donne l’occasion au présentateur du meeting de lancer, des trémolos dans la voix: «Le cri du Kesrouan est celui de tout le Liban».
Le ministre des Affaires étrangères, M. Farès Boueiz, se fait représenter par le Dr Elie Boueiz et les candidats malheureux aux élections législatives, Mme Gilberte Zouein, M. Joseph Aboucharaf et M. Charbel Azar sont présents. Les autres places du premier rang réservé aux officiels sont occupées par des présidents de municipalité et des moukhtars du Ftouh. Mais aucun député du Kesrouan (à l’exception de M. Roucheid el-Khazen), aucun parti ou courant ne participent à cette rencontre.
Le public, qui a plutôt l’air bon enfant, n’est ni tendu, ni agressif et le simple témoin comprend immédiatement que l’on est très loin de «la Révolte des affamés» et de son atmosphère de fronde.
En principe, le rendez-vous est fixé à 17 heures. Mais c’est à 17h30 qu’arrive M. el-Khazen, qui accorde aussitôt des entretiens aux télévisions présentes. Finalement, le meeting ne commence qu’à 18h30 et c’est le chef de la municipalité de Hrajel qui prend la parole en premier pour déclamer un poème inspiré par l’occasion. Dans un texte rimé, M. Antoine Zogheib évoque les problèmes de la région qui se résument ainsi: «Nous payons nos taxes et impôts et nous ne recevons presque rien en échange. Eau, électricité, téléphones, grands projets, nous sommes les oubliés de la République, alors que nous sommes la seule région à n’avoir jamais failli à nos devoirs et à avoir toujours appuyé la légalité et l’Etat».
Cheikh Roucheid el-Khazen s’approche ensuite du micro, prenant tout son temps, alors que les deux fanfares de Ghosta et Jeïta jouent des rythmes entraînants.
Le premier souci du député est de préciser qu’il n’a rien à voir avec «la Révolte des affamés». «Au Kesrouan, crie-t-il, nous brisons les rochers et nous les mangeons mais nous ne disons jamais que nous avons faim. De plus (cheikh) Toufayli veut changer le régime, alors que nous sommes avec le pouvoir et l’Etat, avec les lois et les institutions. Nous ne sommes pas contre le gouvernement. Le chef de l’Etat a des positions très courageuses et le président du Conseil a accompli de grandes choses». A la mention du président du Conseil, la foule se met à huer. Ce sera sa seule manifestation de protestation.
A plusieurs reprises, cheikh Roucheid réaffirme son allégeance au pouvoir, se contentant de préciser qu’il veut simplement obtenir pour la région les droits qui doivent généralement accompagner les devoirs.
Son long discours n’est plus ensuite que l’occasion de se défendre des accusations portées contre lui, le soupçonnant d’organiser ce meeting pour obtenir des acquis personnels. M. el-Khazen répète ainsi qu’en ce qui le concerne, tous ses intérêts personnels sont assurés, mais son action est destinée à l’ensemble de la région, car il veut être à la hauteur de la confiance que lui ont accordée ses électeurs. Il répond aux journalistes qui l’ont attaqué, affirmant que ses affaires se portent bien et «que toute la fortune du président Hariri» (de nouveau la foule se met à huer) ne le fera pas renoncer à ses revendications qui se résument à réclamer un développement équilibré et au refus du Kesrouan de payer des taxes à la place des autres régions.

Une loi d’amnistie

Il a réclamé aussi une loi d’amnistie permettant aux exilés et aux prisonniers de revenir sur la scène locale, avant d’appeler les participants au meeting à demander des comptes à leurs représentants. «C’est votre droit. N’attendez pas l’échéance des élections législatives...», lance-t-il, tout en précisant que les autres députés de la région approuvent son action. A part le ministre des Affaires étrangères, les trois autres députés du Kesrouan (Camille Ziadé, Mansour el-Bone et Elias el-Khazen) n’ont toutefois pas envoyé de représentants à ce meeting et n’ont fait aucune déclaration à son propos...
La rencontre se termine sans qu’aucune mesure concrète (à part la formation de commissions pour étudier chaque revendication) n’ait été décidée. Mais pour cheikh Roucheid, l’essentiel a été dit: il n’est pas et ne sera pas un second cheikh Toufayli et le Kesrouan demeure dans le giron de la légalité. Quant à la liste de revendications, elle permet simplement de dédramatiser le malaise et la sensation d’abandon qu’éprouvent les habitants de la région. Reste la question cruciale: pourquoi cheikh Roucheid a-t-il entrepris son action maintenant? A ce stade, on ne peut s’empêcher d’évoquer la révolte de cheikh Toufayli et la réaction qu’elle a provoquée au sein du pouvoir.
Ne pouvant la combattre ouvertement pour des raisons locales et régionales, celui-ci a cherché par tous les moyens à la court-circuiter, en empêchant les gens d’y participer, en faisant circuler de fausses rumeurs et en voyant d’un bon œil la multiplication de mouvements de revendication régionaux, destinés à banaliser celui de cheikh Toufayli, jugé bien plus menaçant. Le meeting de Mayrouba s’inscrit-il dans ce cadre? Hier, ceux qui le pensaient étaient nombreux. Mais le problème du Kesrouan demeure entier.

S. H.
Scarlett HADDAD
S’il n’y a pas d’affamés au Kesrouan — du moins selon cheikh Roucheid el-Khazen — il y a en tout cas beaucoup de mécontents. Et c’est cette grogne quasi généralisée dans la région que le député a tenté hier de récupérer dans ce qui se voulait un impressionnant meeting à l’amphithéâtre de Mayrouba.Devant un millier de personnes, cheikh Roucheid — qui devait...