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Actualités - CHRONOLOGIE

La crise des déchets dans la Banlieue-sud s'aggrave "Pas de solution avant 3 mois", annonce Chehayeb "Nous demanderons aux ministres représentant la région de démissionner", répond Haraké

D’un problème écologique, l’affaire des milliers de tonnes d’ordures ménagères entassées dans les quartiers populeux des banlieues sud et sud-est de Beyrouth prend toute la dimension d’une crise nationale, qui risque même de remettre en question la composition du Cabinet Hariri. Alors que M. Salah Haraké déclarait que les ministres représentant la région de la banlieue seront invités à présenter leur démission du gouvernement, au cas où les détritus ne seraient pas ramassés dans les délais les plus brefs, le ministre de l’Environnement, M. Akram Chehayeb, annonçait que le problème ne pourra pas être résolu avant... trois mois: incroyable mais vrai.


Impossible de pouvoir obtenir davantage de précisions du ministre qui était injoignable tout au long de la journée, pour éviter peut-être les questions embarrassantes auxquelles il n’a sans doute pas de réponse. L’une d’elles était sur toutes les lèvres hier: est-il possible que le gouvernement ne réalise pas l’ampleur de la catastrophe écologique dans la capitale?
Pour toutes explications, et comme pour minimiser le problème et dissiper les craintes de la population, M. Chehayeb a indiqué qu’un site où les ordures peuvent être rassemblées et traitées a été trouvé non loin de l’usine de traitement des ordures de Amroussieh, mais loin des quartiers résidentiels. Il a indiqué que les plans du lieu sont en train d’être préparés et a exprimé le souhait que le CDR parvienne à exproprier le terrain, tout en laissant entendre que le choix de ce morceau de terre n’est pas définitif. Le reste de ses explications est tombé comme un couperet: en tout état de cause, la solution ne saura intervenir avant trois mois, a-t-il dit, puisque les équipements d’une usine de traitement ne peuvent pas être installés avant.

Un ramassage partiel
des ordures

Pire encore: le ministre a fait valoir, sans états d’âme, que d’ici là, son département «essaiera» en collaboration avec Sukleen de ramasser «une partie» des ordures, mais seulement de «quelques» secteurs de la banlieue, dans la mesure où l’usine de traitement des déchets de la Quarantaine ne peut pas contenir les 600 tonnes d’ordures ménagères que la banlieue-sud produit tous les jours. Et de rappeler de nouveau qu’il n’est pas question de rouvrir le dépotoir de Bourj Hammoud ou de créer une nouvelle décharge publique. La solution réside, selon lui, dans le recours à des règlements provisoires. Oui, mais lesquels? Voici une autre question à laquelle le gouvernement, par la voix de son ministre de l’Environnement, n’a pas été en mesure de répondre.
De tout ce qui précède, et en dépit des efforts déployés par M. Chehayeb pour brosser un tableau clair d’une situation qui lui échappe et dont il n’est pas directement responsable, on peut tirer une seule conclusion: on baigne toujours dans le noir le plus total, surtout que le mohafez du Mont-Liban, M. Mohamed Souheil Yamout, a contredit le ministre en soulignant dans la journée qu’aucune solution n’a pu encore être trouvée au problème de la banlieue. La seule certitude est qu’aujourd’hui, la banlieue beyrouthine, côté sud et sud-est, est noyée sous non moins de 4200 tonnes d’ordures ménagères qui font la joie des rats et autres rongeurs, d’autant que depuis sept jours que la crise a éclaté, les détritus ont eu le temps de se décomposer. A la fin de la semaine prochaine, il y en aura 8400, 16.800 dans trois semaines et ainsi de suite. Logiquement, on ne devrait pas en arriver là, mais au train où vont les choses, tout paraît possible. A moins toutefois d’un soulèvement populaire dont la menace a été brandie une nouvelle fois hier.
Car, le sentiment général qui s’est accru au fur et à mesure que le temps passait, est qu’à travers le ministère de l’Environnement le gouvernement souhaite infliger une «punition collective» aux habitants de la banlieue après la destruction des installations de l’usine de Aamroussieh par un groupe d’habitants de Hay el-Sellom. Le porte-parole de «Greenpeace», M. Fouad Hamdane, était le premier à mettre en garde contre ce genre de réactions à l’affaire de Aamroussieh. Depuis, les députés du Hezbollah, d’Amal et les forces actives dans la banlieue répètent la même mise en garde et menacent de recourir à l’escalade. M. Salah Haraké, proche d’Amal, a effectué dans la matinée une tournée à Hadeth, Laylaki, Ghobeyri, Ouzaï, Aamroussieh, Wadi Chahrour et Chiyah qui lui a laissé cette certitude: «La situation est tellement dangereuse qu’elle risque de provoquer une explosion (de colère populaire) qui peut anéantir toutes les réalisations de l’Etat». Ce que M. Haraké a vu, c’est des centaines de mètres carrés d’ordures, obstruant les rues et dégageant des relents pestilentiels. Choqué, le député de Baabda a affirmé avoir aussitôt sollicité un entretien urgent avec le chef de l’Etat, M. Elias Hraoui, pour l’informer de la situation «qui peut commencer par un problème d’ordures mais qui peut déboucher sur quelques chose de plus grave». Parce qu’au cours de sa tournée, M. Haraké a pu aussi prendre conscience de l’ampleur du ressentiment et du ras-le-bol populaire dans les régions qu’il a visitées.
M. Haraké s’est insurgé contre le fait que «le cinquième de la population libanaise vit dans une prison d’ordures» et a estimé que «cette tranche de Libanais mérite d’être traitée dignement». «Si aucune solution n’est trouvée à cette catastrophe, nous appelons les représentants de cette région au sein du gouvernement à présenter leurs démission et c’est le moins de ce que le peuple libanais peut accepter». Ces ministres sont au nombre de deux, MM. Bassem el-Sabeh et Elie Hobeika, mais il faut également compter les ministres proches d’Amal, MM. Mahmoud Abou Hamdane et Ayoub Hmayed, qui se rallieront au mouvement de protestation contre lequel Amal et le Hezbollah avaient mis en garde jeudi.
D’autres voix indignées ont fait écho à celle du député de Baabda. Le président du Conseil supérieur chiite, cheikh Mohamed Mehdi Chamseddine, a fustigé l’Etat qu’il a accusé de mettre en danger la vie de «dizaines de milliers d’inocents rien que pour punir quelques vandales». Virulent, cheikh Chamseddine a crié au scandale et a sommé l’Etat de nettoyer la région, au moment ou l’ancien secrétaire du Hezbollah, cheikh Sobhi Toufayli, appelait les habitants de la banlieue a jeter leurs ordures dans les secteurs «qui porteraient préjudice aux dirigeants et les pousseraient à réagir», si l’Etat continue à tergiverser dans le règlement du problème de la banlieue. Un des députés du Hezbollah, M. Hussein Hajj Hassan, a réaffirmé que le problème qui se pose est celui de l’Etat qui est tenu de le résoudre «même s’il doit pour cela envoyer les ordures à l’étranger».
Selon des sources informées, si l’Etat essaie de gagner du temps dans cette affaire, même au prix de la santé d’un million de personnes, c’est pour amener la population de la banlieue-sud à accepter que les déchets de leur région soient traités dans le centre de tri de Aamroussieh qui est toujours fonctionnel. Il s’agit là d’une perspective qui n’est près de se concrétiser étant donné l’intransigeance des représentants de la région. Selon les mêmes sources, même le chef du Parlement, M. Nabih Berry, dont l’intervention avait été sollicitée par M. Chehayeb, mercredi, s’était opposé à l’utilisation du centre de tri de Aamroussieh parce qu’il se trouve à proximité des quartiers résidentiels. Le ministre se trouve dans une impasse, d’autant qu’il faut aussi résoudre le problème des dépotoirs parsemés sur l’ensemble du territoire national. Faut-il attendre le retour du chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, de son week-end à Paris où il se repose après une visite officielle de deux jours à Athènes pour espérer une ébauche de solution... à la libanaise?
D’un problème écologique, l’affaire des milliers de tonnes d’ordures ménagères entassées dans les quartiers populeux des banlieues sud et sud-est de Beyrouth prend toute la dimension d’une crise nationale, qui risque même de remettre en question la composition du Cabinet Hariri. Alors que M. Salah Haraké déclarait que les ministres représentant la région de la...