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Actualités - CHRONOLOGIE

La cohabitation commence à battre de l'aile Passe d'armes Chirac-Jospin Le premier ministre français rappelle ses prérogatives, en réponse aux critiques du chef de l'état

Annoncée comme devant être «tranquille», «constructive» même, la cohabitation Chirac-Jospin commence à se porter mal. Et à être mal supportée par les deux hommes. Le président et le premier ministre français ont eu une passe d’armes mercredi en Conseil des ministres, montrant qu’au-delà de leurs prérogatives institutionnelles, ils se plaçaient dans le cadre du combat politique gauche-droite.
Resté silencieux depuis les critiques du chef de l’Etat, le 14 juillet, sur plusieurs initiatives du gouvernement, M. Jospin a choisi le cadre solennel du Conseil des ministres pour lui répliquer fermement.
Dans une courte déclaration à la fin de la réunion à l’Elysée, il a insisté sur ses «prérogatives». Jacques Chirac l’a aussitôt prévenu qu’il n’était pas question pour lui de rester muet. Cet échange a été rapporté par leurs porte-parole respectifs.
«A la suite des déclarations du président le 14 juillet, le premier ministre a rappelé les prérogatives qui incombent, en vertu des articles de la Constitution, respectivement au président de la République et au premier ministre. Il a marqué nettement la responsabilité institutionnelle et politique que lui confèrent, à la lettre, ces dispositions», a dit Catherine Trautmann depuis Matignon, où elle rendait compte des travaux du Conseil.
«Le président de la République a rappelé son souhait d’une cohabitation constructive et, parce que c’est son devoir, il continuera de dire aux Français, quand il le juge utile, ce qu’il pense des grandes questions qui intéressent l’avenir de la France», a répliqué depuis l’Elysée Catherine Colonna.

Pas de domaine réservé

Un mois et demi après le début d’une coexistence prévue pour durer cinq ans, les deux hommes ont rappelé en filigrane qu’ils n’étaient pas seulement président de la République et premier ministre.
Lionel Jospin a souligné qu’il était le patron de la majorité issue des urnes du 1er juin, et Jacques Chirac a affiché clairement ses convictions politiques, quitte à se voir reprocher de se comporter en chef de l’opposition.S’il s’appuie sur des prérogatives de la Constitution (articles 5 et 20), Lionel Jospin se place clairement sur un plan politique. Après avoir remporté des élections législatives que le président avait provoquées, et perdues, il semble considérer que Jacques Chirac n’a pas à commenter l’action quotidienne du gouvernement.
S’attribuant lundi un champ très large d’intervention, le chef de l’Etat avait critiqué tour à tour la mise sous condition de ressources des allocations familiales, l’arrêt de Superphénix, la politique à l’égard des sans-papiers, le projet de contrôle des licenciements, et le coup d’arrêt aux privatisations totales.
Jacques Chirac s’était fait ironique pour affirmer que le gouvernement Jospin n’avait pas encore vraiment commencé à gouverner. Il s’était réservé le droit, lorsque le gouvernement aurait pris ses premières mesures, «de donner des conseils, des mises en garde, d’informer l’opinion publique».
Il avait adopté un ton incisif pour épingler la régularisation de sans-papiers, la mise sous condition de ressources des allocations familiales ou l’arrêt de Superphénix.

Les précédents

Depuis le début, Jacques Chirac comme Lionel Jospin estiment d’ailleurs qu’il n’y a pas de domaine réservé et que leurs relations sont régies par la lecture à la lettre de la Constitution, et non selon l’esprit qui a pu être donné depuis 1958.
De part et d’autre de la Seine, on a assuré mercredi que l’échange s’était fait dans «une grande courtoisie». Au cours de leur entretien hebdomadaire avant le Conseil, le premier ministre avait fait part au président de son intention de s’exprimer sur ce sujet et le chef de l’Etat lui avait donné son accord.
Mais des proches du président rejetaient sur le premier ministre la responsabilité d’un durcissement de la cohabitation. Ils estimaient que, «piqué au vif» par les propos de Jacques Chirac le 14 juillet, Lionel Jospin avait «réagi exagérément». «Personne ne conteste les prérogatives du premier ministre, et il n’est pas question de les usurper», a-t-on ajouté en assurant que l’on ne voulait «pas rentrer dans une querelle».
En 1986, lorsque Jacques Chirac était le premier ministre de cohabitation du président socialiste François Mitterrand, c’est déjà l’intervention du chef de l’Etat le 14 juillet qui avait donné lieu à un premier bras de fer: François Mitterrand avait marqué sa volonté de ne rien céder de ses prérogatives en annonçant son refus de signer l’ordonnance préparée par le gouvernement sur les privatisations.
Cinq ans plus tard, le 14 juillet 1993, au début de la cohabitation avec le gouvernement RPR-UDF d’Edouard Balladur, François Mitterrand avait de nouveau rappelé les règles du jeu.
«Si j’avais le sentiment que les intérêts de la France sont gravement compromis, je le dirais», avait-il notamment dit.
Le refus de François Mitterrand de signer l’ordonnance sur les privatisations, en 1986, avait donné le ton de deux ans de cohabitation houleuse avec Jacques Chirac. (Reuter, AFP)
Annoncée comme devant être «tranquille», «constructive» même, la cohabitation Chirac-Jospin commence à se porter mal. Et à être mal supportée par les deux hommes. Le président et le premier ministre français ont eu une passe d’armes mercredi en Conseil des ministres, montrant qu’au-delà de leurs prérogatives institutionnelles, ils se plaçaient dans le cadre du...