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Actualités - CHRONOLOGIE

Escalade au Liban-sud sur fond de malaise politique

Est-ce le début d’une escalade de grande ampleur au Liban-Sud? On est tenté de le croire, puisqu’en politique, comme dans le domaine militaire, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Avec la multiplication des attaques israéliennes, qui ne ménagent plus la population civile, c’est tout l’édifice de l’arrangement d’avril dernier qui pourrait donc être compromis.
Deux nouvelles roquettes, tirées par le Hezbollah, ont explosé vers 2 heures du matin, hier, en territoire israélien, huit autres s’abattant près de positions israéliennes à Blatt et Dimachkiyé, en territoire libanais.
Les deux premières roquettes portent à trois le nombre de ces engins s’abattant en Israël au cours des deux derniers jours. Mardi, une roquette s’était abattue déjà sur la région côtière, dans le nord israélien. Le Hezbollah, qui avait revendiqué ce tir, avait déclaré qu’il entendait riposter contre les agressions israéliennes, qui n’épargnent pas les civils. Trois d’entre eux ont trouvé la mort, en une semaine, dans des bombardements israéliens contre des villages et des zones résidentielles.
Tandis que le président de l’Assemblée nationale, M. Nabih Berry, évoque sérieusement, à nouveau, la possibilité d’un recours au Conseil de Sécurité (VOIR AUSSI PAGE 3), le comité de l’arrangement d’avril 96 s’est réuni hier au siège de la FINUL, à Nakoura, pour examiner les deux plaintes libanaises et les deux plaintes israéliennes consécutives à l’escalade de violence de ces derniers jours.
Le Liban a saisi une première fois le comité au lendemain de la mort d’un agriculteur de 70 ans tué par un boulet de char israélien, et une seconde fois lundi après la mort de deux civils palestiniens, une femme et son fils, tués dans un bombardement de Barty, loin de toute base de la résistance.
Pour sa part, Israël a déposé deux plaintes après la chute d’une roquette Katioucha en territoire israélien, et les blessures infligées à deux civils libanais au cours d’un bombardement de la zone frontalière par le Hezbollah.
L’escalade actuelle date du début du mois de juillet, et est considérée comme la plus grave depuis la fin de l’opération israélienne «Raisins de la colère», en avril dernier. Elle est marquée, après six mois d’interruption, par la reprise, le 6 juillet, des tirs de Katioucha sur le nord d’Israël, après une escalade déclenchée par la mort d’un officier israélien lors d’une opération de la résistance.
Depuis, et à chaque affrontement qui fait des victimes civiles, le Hezbollah renouvelle ses tirs rapprochés de la frontière internationale.
Pour sa part, l’armée israélienne réplique de plus en plus violemment aux attaques du Hezbollah, en bombardant des bases de la résistance, mais aussi des zones civiles.
Les réactions politiques à cette escalade de violence ne sont pas unanimes. Un dirigeant du Hezbollah a averti mardi que «l’été allait être très chaud», estimant que l’escalade israélienne de ces trois derniers jours dépasse les limites habituelles, ce qui annonce des développements dangereux.
«Le Hezbollah ne gardera pas longtemps le silence face à ces violations et sa riposte est connue et prête», a ajouté ce même dirigeant, qui a tenu à garder l’anonymat.
L’attitude de cheikh Mohammed Hussein Fadlallah est plus nuancée. Pour lui, «il n’existe pas de données laissant penser qu’une opération de grande envergure se prépare, car les circonstances politiques en Israël ne l’autorisent pas. Mais Israël tente de créer un climat propice à une telle opération, pour le cas où des circonstances favorables se produiraient».
Toutefois, a ajouté cheikh Fadlallah, «Israël fait pression sur les civils, afin de les monter contre la résistance, et de leur faire croire que ce sont les résistants qui sont à l’origine de tous leurs maux». L’Etat hébreu exploite ces opérations pour calmer l’opinion israélienne, et lui montrer qu’il peut mener la vie dure aux Libanais, en cas de poursuite de la résistance, a-t-il conclu.
Le président de l’Assemblée nationale, M. Nabih Berry, n’est pas loin de partager les vues de cheikh Fadlallah à ce sujet.

Hariri critiqué

Ce sont ces développements au Liban-Sud et d’autres délicats sujets de politique interne que le chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, aura à affronter, la semaine prochaine, à son retour d’Europe (VOIR PAR AILLEURS).
L’opposition au président du Conseil prend en effet de l’ampleur. Curieusement, les paroles cavalières prononcées par le chef du gouvernement, lors de l’inauguration des Jeux panarabes, semblent avoir été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, irritant des personnalités aussi diverses que le ministre des Affaires étrangères, M. Farès Boueiz et M. Tammam Salam (VOIR PAGE 2), encore qu’à cette irritation, des considérations électoralistes ne soient pas étrangères.
D’ailleurs, la controverse sur l’appellation de la Cité sportive, apparemment tranchée par le chef de l’Etat, n’est pas tout à fait retombée. Ainsi, les médias contrôlés par M. Hariri, qui ont l’exclusivité de la couverture des Jeux panarabes, évitent toujours d’appeler la Cité sportive Camille Chamoun par son nom. Des banderoles tendues dans les rues par les thuriféraires continuent de glorifier la «Cité sportive de Beyrouth». C’est au point où beaucoup exigent que l’appellation légale soit confirmée non plus verbalement, mais par écrit, sur les murs de la Cité sportive, ou par un décret.
Sur un autre plan, les milieux économiques sont profondément outrés par l’humiliation gratuite infligée à l’Irak, interdit de Jeux et dont les athlètes ont été refoulés à la frontière, ce qui a — momentanément? — compromis une reprise des échanges économiques avec un pays qui a toujours été un des meilleurs clients du Liban.
Par ailleurs, les ennuis de M. Hariri seront certainement appelés à durer, au cas où une session extraordinaire de la Chambre s’ouvrait en août, conformément aux vœux exprimés hier par M. Berry, à l’issue d’un entretien avec le président Hraoui. Au cours de cette session devront être examinées, en particulier, deux propositions de loi hostiles à des décisions prises par le Conseil des ministres, la première au sujet de la distribution des fréquences radio, la seconde au sujet des taxes sur les voitures neuves et d’occasion.
Un autre sujet de friction pourrait provenir des divergences entre le chef de l’Etat et le président du Conseil sur un projet de réorganisation des Forces de sécurité intérieure qui porterait un coup à la présence de la communauté maronite au niveau du commandement des FSI.
Mais ce ne sont pas les sujets de mécontentement qui manquent. De la «révolte des affamés» à la politique d’endettement de l’Etat, de l’échelle des salaires dans le secteur public aux biens-fonds maritimes, de la nouvelle crise avec l’Irak aux doléances des commerçants, une véritable crise de confiance entre le pouvoir et l’opinion se manifeste, dont on ne sait pas encore très bien comment le pays sortira.
Est-ce le début d’une escalade de grande ampleur au Liban-Sud? On est tenté de le croire, puisqu’en politique, comme dans le domaine militaire, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Avec la multiplication des attaques israéliennes, qui ne ménagent plus la population civile, c’est tout l’édifice de l’arrangement d’avril dernier qui pourrait donc être...