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Actualités - CHRONOLOGIE

De Amroussiyé à Bourj Brajneh Toufayli poursuit les préparatifs de la grande marche sur Beyrouth

Comme il l’avait promis à Baalbeck, le 4 juillet, devant la foule de ses partisans, cheikh Sobhi Toufayli se rapproche dangereusement de Beyrouth. En dépit des arrestations qui avaient suivi le déclenchement de la «révolte des affamés» et les multiples manœuvres d’intimidation de certaines parties qui, selon les proches de «l’uléma moujahed», auraient contacté les députés et les syndicalistes pour les empêcher de participer au meeting du 4 juillet, en une semaine, Toufayli a organisé deux rencontres dans la banlieue sud, afin de «préparer le terrain à la grande marche vers la capitale» et, hier, il a prononcé son sermon du vendredi à la mosquée de Bourj Brajneh.
Un premier meeting dans une husseyniyé à Haret Hreik au début de la semaine a été suivi, jeudi soir, d’une «petite marche» de Hay el-Sellom jusqu’à l’incinérateur de Amroussiyé, auquel «des inconnus» avaient mis le feu il y a deux semaines. A l’époque, certains avaient même affirmé que les fauteurs de troubles étaient des partisans du cheikh. Sans aller jusqu’à le reconnaître, cheikh Toufayli, devant le bâtiment calciné, à deux pas de la rivière «Ghadir», transformée en dépotoir de fortune, a lancé un véritable ultimatum aux responsables: «S’ils ne s’occupent pas des ordures dans la banlieue sud, nous remplirons leurs palais de détritus et nous avons nos moyens pour humilier les dirigeants».
C’est donc un cheikh Toufayli plus virulent et plus déterminé que jamais à mener jusqu’au bout «la révolte des affamés» qui s’est adressé jeudi soir à quelques centaines de personnes qui l’ont accompagné durant sa marche dans les rues sordides de Hay el-Sellom et qui a parlé hier devant un impressionnant parterre de fidèles dans la vaste mosquée de Bourj Brajneh.

Une lutte sans merci

D’ailleurs, «le cheikh des affamés» a de nombreux adeptes dans certains quartiers de la banlieue sud, notamment à Hay el-Sellom, particulièrement déshérité. Ici, non seulement la rue est le prolongement de la maison — si on peut appeler ainsi les taudis qui servent d’abris aux familles de ce quartier tellement peuplé qu’on a l’impression que les gens surgissent du sol —, mais elle est aussi un lieu de rencontres, de loisirs, de travail, mais rarement de rêve ou de bonheur. Très tôt, les enfants apprennent ici que la vie est une lutte sans merci, non pas pour un avenir meilleur, ou simplement décent, mais parce qu’il n’y a pas d’autre moyen d’exister.
Comment s’étonner, dans ces conditions, que ces oubliés du «monde dit civilisé», qui hantent des quartiers dignes d’un film d’horreur, accueillent cheikh Toufayli comme un sauveur. «Au moins, il nous redonne un peu de dignité et, à lui seul, il fait trembler les responsables», lance fièrement Hussein. Zahra, toute rougissante sous son foulard, est elle aussi une fervente partisane du cheikh. Pour elle, il est le seul à s’occuper réellement des pauvres. «C’est d’ailleurs pourquoi tout le monde le combat. Mais avec lui, nous nous sentons forts...»
Pour tous ces abonnés à la misère et au malheur, cheikh Sobhi Toufayli est une bouffée d’espoir, la preuve qu’ils existent vraiment et qu’ils ont des droits. Certes, depuis belle lurette et bien avant que le cheikh ne proclame la désobéissance civile, ils ont cessé de payer les impôts et taxes et les percepteurs ont renoncé à leur rendre visite, mais maintenant, ils ont une nouvelle conscience de leur force. Dès qu’il parlent de l’Etat et de ses symboles, ils sont désormais ouvertement agressifs, comme si, avec la couverture du cheikh, plus rien ne pouvait leur arriver.

Des vivats

D’ailleurs, jeudi soir, à peine la Mercedes de cheikh Toufayli s’était-elle garée devant une station d’essence à Hay el-Sellom que des centaines de jeunes se sont précipités pour l’accueillir par des vivats. La petite procession s’est ensuite engagée dans les ruelles du quartier, grossissant sans cesse jusqu’à atteindre près d’un millier de personnes à l’arrivée devant le bâtiment calciné de l’incinérateur de Amroussiyé.
Des femmes, des enfants et des hommes jeunes et moins jeunes ont commencé à scander des slogans de fidélité au cheikh alors que lui s’est contenté de sommer les dirigeants de ramasser les ordures de la banlieue sud, «sinon nous remplirons leurs palais de détritus».
Cheikh Toufayli a bien choisi son timing pour lancer ces menaces, puisqu’à la veille de l’ouverture des huitièmes Jeux panarabes, les responsables veulent éviter le moindre incident...
Hier encore, pour la prière du vendredi à la mosquée de Bourj Brajneh, Toufayli a répété sa détermination à mener jusqu’au bout «la révolte des affamés». Il a aussi stigmatisé les arrestations à la suite du meeting du 4 juillet, précisant «qu’elles n’étaient pas dirigées contre des hors-la-loi, mais contre des citoyens innocents. C’est d’ailleurs un crime qui ne se reproduira pas car nous y veillerons».
Les rafles dans la région de Baalbeck avaient suscité une vive protestation de la part des députés membres du Hezbollah qui, selon certains observateurs, cherchaient ainsi à reprendre l’initiative, après avoir été plus ou moins marginalisés par cheikh Toufayli. D’ailleurs, simple coïncidence ou non, au moment où le «cheikh des affamés» marchait vers Amroussiyé, le Hezbollah organisait un meeting à Bir el-Abed, devant le siège de son bureau politique...
Tout en répétant ses menaces à l’égard des responsables, leur enjoignant de ramasser les ordures de Hay el-Sellom qui «fait l’objet d’une négligence inexplicable de la part de l’Etat» cheikh Toufayli a assuré à ses partisans, toujours dans le cadre du prêche du vendredi, que les préparatifs de «la grande marche sur Beyrouth» se poursuivent. «La révolte des affamés n’est pas un nuage d’été comme l’ont déclaré certains, et notre grande rencontre dans la capitale sera une tempête contre les gouvernants, s’ils ne s’occupent pas rapidement des problèmes des citoyens, non seulement à Baalbeck mais dans tout le Liban».
Simple cri de révolte ou menace réelle, le «phénomène Toufayli» est encore, pour beaucoup, une grande énigme.

S.H.
Comme il l’avait promis à Baalbeck, le 4 juillet, devant la foule de ses partisans, cheikh Sobhi Toufayli se rapproche dangereusement de Beyrouth. En dépit des arrestations qui avaient suivi le déclenchement de la «révolte des affamés» et les multiples manœuvres d’intimidation de certaines parties qui, selon les proches de «l’uléma moujahed», auraient contacté les...