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Actualités - CHRONOLOGIE

Alors même que le chef de l'état présidera ce soir la cérémonie d'ouverture des jeux Hraoui et Hariri divergent toujours sur le nom de la cité Camille Cahmoun (photos)

Malgré l’éclat dont on cherche à les entourer, malgré l’exploit de la construction de la Cité sportive en un temps record, mais au prix d’un labeur éreintant et d’une pression inhumaine à laquelle ont été soumis des centaines d’ingénieurs et d’ouvriers, travaillant jour et nuit, ces 8es Jeux panarabes resteront ternis de plusieurs manières. D’abord, par la polémique au sujet de l’appellation de la Cité sportive entre des Libanais en désaccord sur leur passé. Ensuite par l’interdiction faite aux athlètes irakiens de participer aux Jeux, résultat d’un manque flagrant de coordination attribuable au ministère de l’Education nationale et à la direction générale de la Jeunesse et des Sports, et qui pourrait retarder la normalisation des rapports économiques entre le Liban et l’Irak.
Le suspense au sujet de l’appellation de la Cité sportive aura duré jusqu’au bout. Mais, en fait, ce suspense n’en est plus un. Il est désormais clair que le président de la République et le président du SUITE DE LA PAGE 1
Conseil sont en désaccord sur l’appellation de la Cité sportive. Pour M. Hraoui, la Cité construite en 1957, détruite en 1982, enfin reconstruite à l’initiative de M. Rafic Hariri, demeurera, au nom de l’histoire, la Cité sportive Camille Chamoun. Pour M. Hariri, qui a jeté tout son prestige dans la balance et visitait quotidiennement le chantier en construction, il s’agit de la Cité sportive de Beyrouth, faute d’être sans doute la Cité sportive Rafic Hariri. Dans les cercles de Baabda, on assure que, dans son discours d’ouverture des Jeux (VOIR AUSSI PAGE 13), le président de la République, M. Elias Hraoui, appellera les choses par leur nom. Cette assurance a été fournie jeudi par le chef de l’Etat à plusieurs parlementaires, qui menaçaient de boycotter la cérémonie d’ouverture si le label de la Cité sportive était modifié. Mais, dans le mot improvisé que prononcera le chef du gouvernement, le nom de Camille Chamoun sera absent. On le voit, on touche là à un symbole, celui d’un passé qui garde tout son aura pour certains, mais qui pour d’autres ne représente plus qu’un Liban aujourd’hui disparu.

Les griefs de Joumblatt

La Cité sportive est également un symbole pour M. Walid Joumblatt, mais d’un autre genre. Pour le ministre des Déplacés, il s’agit du symbole de la résistance à la progression de l’armée israélienne, lors de son entrée dans la partie Ouest de la Capitale, en 1982. M. Joumblatt a demandé hier à ceux qui participeront demain, à «la cérémonie d’hébétement sportive, et donc intellectuelle», de se souvenir de l’héroïsme dont fut témoin le site de la Cité sportive, et de déposer une fleur à n’importe quel endroit de la Cité, avant d’y pénétrer.
M. Joumblatt a considéré que, par ce geste, les spectateurs seront «ramenés à une juste mémoire de l’histoire, telle que les bulldozers ici, les routes là, ne pourront l’effacer, ni d’ailleurs aucun des projets de construction somptuaires improductifs...» Cette déclaration résume en fait les griefs qui sont faits à la politique de reconstruction de M. Rafic Hariri, qui n’a pas su, ou n’a pas voulu, se fixer des priorités au départ, et se retrouve aujourd’hui en train de mettre au point, en toute hâte, des projets de développement par lesquels il aurait fallu commencer. Et alors que la dette de l’Etat est désormais égale au produit intérieur brut.

Une «occasion unique»

Pour les responsables, en revanche, les 8es Jeux panarabes sont une occasion unique de montrer au monde le visage d’un pays en pleine reconstruction et apparemment pacifié.
Pour le Liban, ces Jeux sont d’autant plus importants qu’il s’agit aussi de la première manifestation sportive internationale à se dérouler dans le pays depuis la fin de la guerre en 1990.
Alors que le pays est en pleine reconstruction, tente de faire redémarrer une activité touristique qui représentait près du cinquième de son PIB avant la guerre, et est toujours mis en quarantaine par les Etats-Unis depuis 1985 pour des raisons de sécurité, cette manifestation présente de nombreux atouts.
Les Jeux devraient tout d’abord attirer des dizaines de milliers de visiteurs à un moment où le Liban lance une grande opération de charme en direction des touristes arabes, notamment ceux du Golfe.
L’organisation de ces compétitions, qui va attirer plus de 3.000 athlètes de 19 pays arabes, représente également un défi personnel pour Rafic Hariri.
Depuis cinq ans qu’il est au pouvoir, Rafic Hariri a multiplié les voyages à l’étranger avec une idée en tête: convaincre les étrangers que le Liban n’est plus un pays dangereux, qu’il est en voie de normalisation, qu’on peut y investir sans crainte, et même y passer des vacances.
Le coût de l’extension (50.000 places) du stade et de la reconstruction de la Cité est estimé à environ 112,5 millions de dollars. L’Arabie Séoudite et le Koweit ont respectivement fourni à eux seuls 20 et 6,35 millions de dollars.
Devant le peu d’empressement des «frères arabes», le Liban a débloqué le reste en accordant la priorité à la construction du stade et des tribunes, dont le coût est estimé à 46,9 M USD.
La Cité sportive avait été édifiée en 1957 et inaugurée lors des deuxièmes Jeux panarabes qui avaient eu lieu la même année à Beyrouth. Le complexe devait ensuite être détruit par l’aviation israélienne lors de l’invasion du Liban en 1982.
Les bâtiments d’accueil des athlètes et plusieurs autres infrastructures — piscine olympique, salle couverte, terrain d’équitation — restent à construire.
Pour ces raisons, plusieurs des 21 épreuves au programme des Jeux panarabes ont été délocalisées en province.

L’Irak interdit

Les huitièmes Jeux panarabes se dérouleront, par ailleurs, en l’absence des athlètes irakiens. La nouvelle n’aurait pas, en soi, beaucoup d’importance, si ces athlètes ne campaient, depuis hier matin, au poste-frontière de Masnaa, après s’être vu interdits d’entrée en territoire libanais. L’incident est d’autant plus regrettable que les Irakiens ont été officiellement invités aux Jeux par la Ligue arabe et la direction de la Jeunesse et des Sports. C’est pour ne pas provoquer la défection des délégations koweitienne et séoudienne, qui ont menacé de quitter les Jeux, si les athlètes irakiens y sont admis, que Beyrouth a agi.
En désespoir de cause, les 95 athlètes irakiens bloqués à la frontière ont décidé hier d’organiser un sit-in.
«Si le Liban nous refuse des visas d’entrée et nous prive de notre droit de participer aux Jeux, nous organiserons un sit-in à la frontière», a déclaré le chef de la délégation Acil Tabra.
M. Tabra a «regretté» l’attitude du Liban «d’autant plus que nous avons reçu une invitation officielle de la Ligue arabe».
«Nous attendons que les autorités libanaises nous notifient officiellement leur refus de nous accorder un visa car nous ne nous contenterons pas d’un refus verbal», a-t-il ajouté après un entretien avec des responsables de la Sûreté générale à la frontière libano-syrienne.
L’attente risque de se prolonger car, selon une source des services de sécurité, les autorités ne comptent pas signifier leur décision par écrit.
Les athlètes irakiens étaient arrivés à l’aube à Masnaa, après avoir traversé le poste-frontière syrien de Jdaidet Yabbous.
Les autorités les ont mis au secret dans un hangar, empêchant tout contact avec les journalistes et photographes. L’interdiction à la presse a été levée pendant deux heures puis rétablie.
Un groupe d’athlètes a été autorisé, à contre-cœur, à aller acheter de la nourriture dans un restaurant en territoire libanais. Tous n’avaient rien mangé depuis jeudi soir.
Des sportifs irakiens ont confié à l’AFP être déçus de l’attitude libanaise.
La Syrie avait refusé la participation des athlètes irakiens aux 7es Jeux panarabes qui s’étaient tenus à Damas en 1992, en raison de l’invasion du Koweit par l’Irak en août 1990.

Le rapprochement
avec l’Irak compromis

L’affaire des athlètes irakiens interdits risque de torpiller les efforts déployés par Beyrouth pour normaliser ses relations avec Bagdad, rompues depuis 1994.
Depuis le début de l’année, le Liban avait pourtant émis plusieurs signaux en direction de l’Irak pour normaliser ses relations avec ce pays, toujours au ban des nations pour son invasion du Koweit le 2 août 1990.
Le geste le plus symbolique a été la libération le 25 janvier, puis l’expulsion via la Syrie, de trois diplomates irakiens impliqués par Beyrouth dans l’assassinat d’un opposant irakien Taleb Souheil le 12 avril 1994.
A la suite de cet assassinat, Beyrouth avait arrêté ces diplomates et rompu ses relations diplomatiques avec Bagdad.
Leur libération a été perçue comme un prélude à une reprise des relations diplomatiques. Mais le ministre libanais des Affaires étrangères Farès Boueiz avait tempéré les espoirs d’une normalisation rapide.
Néanmoins, le processus d’ouverture et de rapprochement s’est poursuivi par le biais des hommes d’affaires. En avril, le président de l’Association des industriels libanais, Jacques Sarraf, s’était rendu à Bagdad à la tête d’une importante délégation, la première depuis 1994.
M. Sarraf s’était alors dit persuadé d’une reprise prochaine des relations diplomatiques, indispensable au redémarrage des liens commerciaux.
L’enjeu est loin d’être négligeable pour Beyrouth, surtout qu’avant l’embargo imposé par l’ONU à Bagdad en août 1990, l’Irak absorbait 20% des exportations totales du Liban.
Cette semaine encore, une délégation commerciale libanaise se trouvait à Bagdad pour tenter de conclure des contrats dans le cadre de l’accord «pétrole contre nourriture», tandis qu’une délégation d’hommes d’affaires irakiens est attendue à Beyrouth le 19 août.
Mais, même s’il a obtenu le feu vert de la Syrie pour amorcer ce rapprochement avec l’Irak, le Liban doit malgré tout compter avec les riches monarchies du Golfe, Arabie Séoudite et Koweit en tête, qui maintiennent une ligne dure à l’égard du maître de Bagdad.
«Malheureusement nous sommes encore prisonniers de la polarisation née de la guerre du Golfe» en 1991, a déclaré le secrétaire général de la Ligue arabe, Esmat Abdel Meguid, qui a tenté vainement mercredi d’infléchir la position libanaise pour ne pas gâcher les Jeux panarabes, alors que l’Irak avait reçu une invitation officielle de la Ligue arabe.

Le Koweit se félicite

Le président du Comité olympique koweitien s’est félicité hier du refus du Liban d’accueillir des athlètes irakiens aux Jeux panarabes.
«Nous nous félicitons de la position du Liban. Cette décision (...) est la plus importante médaille que les Libanais peuvent nous accorder», a déclaré cheikh Ahmed al-Fahd al-Sabah à son arrivée à Beyrouth à la tête d’une délégation de 277 personnes.
«La ruse irakienne a échoué», a affirmé cheikh Ahmed, dont les propos sont rapprochés par l’agence officielle koweitienne KUNA, dans une allusion au sit-in des athlètes irakiens bloqués depuis vendredi à la frontière syro-libanaise.
Cheikh Ahmed, qui avait averti que son pays boycotterait les Jeux si l’Irak y était admis, a indiqué que les athlètes koweitiens défileront lors de la cérémonie d’ouverture avec des photos de Koweitiens disparus lors de l’occupation irakienne de son pays (août 1990-février 1991).
Malgré l’éclat dont on cherche à les entourer, malgré l’exploit de la construction de la Cité sportive en un temps record, mais au prix d’un labeur éreintant et d’une pression inhumaine à laquelle ont été soumis des centaines d’ingénieurs et d’ouvriers, travaillant jour et nuit, ces 8es Jeux panarabes resteront ternis de plusieurs manières. D’abord, par la...