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Actualités - REPORTAGE

La chambre n'a pu aborder l'examen des propositions de loi concernant les tarifs douaniers, l'audiovisuel et l'amnistie pour les trafiquants de drogue Réunion parlementaire écourtée pour éviter les questions embarrassantes (photos)

En quatre mots et un coup de maillet, le vice-président de la Chambre Elie Ferzli a accompli l’exploit de tirer de leur torpeur, lors de la séance parlementaire d’hier, députés et journalistes qui somnolaient depuis un certain temps. Mais ce n’était que pour les congédier sans autre forme de procès avant même que les trois principales propositions de loi inscrites à l’ordre du jour aient été examinées. Il s’agit de l’annulation de la décision du gouvernement d’augmenter les tarifs douaniers sur l’importation des voitures, de l’amnistie pour des auteurs de crimes liés au trafic de drogue et de la distribution des fréquences des radios et des télévisions ce qui aurait sans doute remis en cause le rapport technique adopté par le gouvernement et fixant à cinq le nombre de chaînes télévisées autorisées à émettre à partir du Liban.
Avant que ce développement spectaculaire se produise, les députés avaient amendé, après trois heures de débats, le règlement interne du Parlement, approuvé des propositions de loi concernant la création d’une caisse mutuelle pour les enseignants du secteur privé et l’unification des échelles des salaires dans ce secteur et le déblocage de crédits pour l’exécution de projets urgents de développement dans les régions de Baalbeck, Hermel et Akkar. Ils avaient aussi renvoyé en commission d’autres textes concernant notamment les enseignants et la banque du crédit agricole.
L’événement le plus important s’est donc passé les cinq dernières minutes. «La séance est levée»: la phrase, prononcée sur un ton autoritaire par M. Ferzli, tombe comme un couperet. Apparemment, la décision de lever la séance avant l’examen des trois principales propositions particulièrement embarrassantes pour le gouvernement avait été prise d’un commun accord entre MM. Nabih Berry et Rafic Hariri et son exécution, minutieusement préparée, a été confiée à M. Ferzli. Le chef du Législatif avait en effet cédé quelques minutes plus tôt sa place au vice-président de la Chambre avant de quitter la salle. Après avoir dirigé les débats pendant une dizaine de minutes, M. Ferzli annonce la fin de la séance sans fixer une nouvelle date.

Brouhaha dans
l’hémicycle

La phrase du vice-président du Parlement est suivie de quelques secondes de silence. Comme par enchantement tout semble figé dans l’hémicycle. Soudain, les cris de protestation fusent de toutes parts. Comme sortis de leur torpeur, des députés refusent de se retirer avant que la date d’une autre séance ne soit fixée. Des groupes de parlementaires s’agglutinent autour de M. Ferzli qui entame une discussion animée avec M. Boutros Harb. Le ton monte et les membres du Groupe parlementaire national (qui comprend MM. Sélim Hoss, Mohammed Youssef Beydoun, Hussein Husseini, Nassib Lahoud, Omar Karamé en plus de M. Harb) appuyés par d’autres députés insistent pour qu’une nouvelle séance soit fixée immédiatement. D’ailleurs, plusieurs membres du Groupe national sont signataires de deux des propositions de loi en question: la révision des décisions portant sur les tarifs douaniers et la distribution des fréquences radio et TV. La discussion tumultueuse se poursuit pendant quelques instants avant que M. Berry, vêtu de blanc, ne fasse de nouveau son apparition sans la salle. Il jette un coup d’œil rapide et souligne, qu’en tout cas, la séance ne peut pas reprendre faute de quorum et en raison de l’absence des membres du gouvernement. Effectivement, le président Hariri et ses ministres, ainsi que plusieurs autres députés, s’étaient vite éclipsés après l’annonce de la levée de la séance.
Les concertations se poursuivent dans les coulisses du Parlement. M. Harb précise à la suite de ces contacts que le président Berry a promis d’œuvrer pour l’ouverture dans les dix prochains jours d’une session extraordinaire pour l’examen des «propositions de loi qui intéressent l’opinion publique libanaise». «Il faut approuver ces textes avant qu’il ne soit trop tard», dit-il. Toutefois, de source parlementaire, on indique que «les pôles d’influence n’ont pas usé de ce subterfuge, pour être amenés ensuite à voter ces propositions lors d’une autre séance».
Cette remarque est d’autant plus pertinente que, dès le début de la séance d’hier, il apparaît clairement que M. Berry n’est pas enclin à examiner ces propositions de loi. Le texte concernant les tarifs douaniers portait en effet le numéro 1 dans l’ordre du jour. Mais le chef du Législatif l’a ignoré en passant immédiatement au point suivant.

L’amendement du
règlement interne

Les cinq dernières minutes qui étaient tellement riches en développements avaient donc été précédées par trois heures de débats. Dès l’ouverture de la séance vers 11h30, M. Berry annonce son intention d’introduire des amendements au règlement interne du Parlement conformément à des décisions prises lors de séances précédentes.
M. Berry propose pour l’article 136 la formule suivante: «Après quatre séances parlementaires lors de sessions ordinaires ou extraordinaires, une séance est consacrée aux questions et aux réponses ou à un débat de politique générale».
M. Husseini souligne que le gouvernement doit présenter, avant la séance de débat de politique générale, un bilan de son action comme cela avait été convenu lors de la séance de mardi dernier.
Le premier ministre intervient alors pour faire valoir que le gouvernement a besoin d’un délai de deux semaines au moins pour préparer ce bilan. invoquant l’article 37 de la Constitution, M. Husseini précise que ce délai ne peut pas dépasser les cinq jours. M. Hariri estime que cette période est insuffisante. A juste titre, M. Berry, indique que la prolongation de ce délai nécessite un amendement constitutionnel.
La discussion se poursuit pendant une heure. M. Robert Ghanem estime que cette question ne nécessite pas un débat aussi long «parce que les séances ont pris pour l’opinion publique un air folklorique». Il est interrompu par M. Berry qui refuse de qualifier les séances parlementaires de folkloriques. Il souligne que les débats de politique générale ont été organisés de manière à ne pas durer plus que deux jours. Il ne manque pas de critiquer «certains médias que nous connaissons très bien» et qui tentent de relever les aspects négatifs de la pratique parlementaire dans le pays.
M. Berry propose finalement une formule-compromis qui est votée par la Chambre. L’article 136 devient comme suit: «Après quatre séances parlementaires (...) une séance est consacrée aux questions et aux réponses ou à un débat de politique générale qui doit être précédé d’un bilan de l’action gouvernementale».
La présidence du Parlement passe ensuite à l’ordre du jour. La proposition de loi revêtue du caractère de double urgence concernant la création d’une caisse mutuelle pour les enseignants du secteur privé préparée par Mme Bahia Hariri est votée en dépit des tentatives de M. Ibrahim Bayan d’obtenir son renvoi en commission. Selon M. Bayan du Hezbollah la plupart des textes élaborés par Mme Hariri au sujet de l’éducation (il y en avait quatre inscrits à l’ordre du jour) «sont parvenus à la Chambre par une «voie militaire» sans être passés par la commission de l’Education», d’ailleurs présidée par Mme Hariri. «Les propositions parviennent au bureau de la Chambre conformément à la procédure légale», réplique M. Berry.

Les régions déshéritées

Une autre proposition visant à considérer la mutuelle des enseignants comme institution publique (également préparée par Mme Hariri) est renvoyée en commission après que les députés eurent estimé qu’il est injustifié qu’elle soit revêtue du caractère de double urgence.
Par contre, la proposition visant à unifier les échelles des salaires des enseignants est votée. Mme Hariri précise que cette proposition n’implique pas des dépenses supplémentaires pour le Trésor.
Deux propositions visant à réduire les taxes imposées aux étrangers désirant acheter des terrains et des biens immobiliers au Liban (élaborée par M. Mohammed Youssef Beydoun) et de simplifier le recrutement pour la faculté de pédagogie (présentée par Mme Hariri) sont renvoyées en commission.
Un texte de M. Jamil Chammas visant à remplacer le mot «minorités» par «communautés chrétiennes orientales» est par contre retiré. M. Ghassan Matar souligne à cet égard que toutes les communautés chrétiennes au Liban sont orientales.
Les députés passent ensuite à l’examen de deux propositions de loi sensiblement similaires (présentées respectivement par M. Mohammed Abdel Hamid Beydoun et MM. Hussein Husseini et Sélim Hoss) visant à débloquer des crédits pour l’exécution de projets urgents de développement dans les régions de Baalbeck-Hermel et du Akkar après la décision du gouvernement de consacrer la somme de 150 milliards de livres pour ces régions.
Cette question délie visiblement les langues de plusieurs députés qui avaient gardé jusqu’à là le silence. M. Abdallah Kassir du Hezbollah, précise que cette somme est insuffisante. M. Hariri prend alors la parole pour rappeler que le Conseil des ministres avait décidé lors de sa réunion mercredi dernier le consacrer un milliard de dollars pour des projets s’inscrivant dans le cadre du développement. Il ajoute que cette somme sera partagée comme suit: 400 millions de dollars pour les régions déshéritées, 200 millions pour payer les factures dues aux hôpitaux, 150 millions pour les déplacés, 50 millions pour le Conseil du Sud, 100 millions pour construire des écoles publiques et une somme similaire pour construire des écoles techniques.
Paul KHALIFEH
En quatre mots et un coup de maillet, le vice-président de la Chambre Elie Ferzli a accompli l’exploit de tirer de leur torpeur, lors de la séance parlementaire d’hier, députés et journalistes qui somnolaient depuis un certain temps. Mais ce n’était que pour les congédier sans autre forme de procès avant même que les trois principales propositions de loi inscrites à...