Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Onze projets et propositions de loi votés hier à la chambre Au nom de la démocratie, le parlement proroge de deux ans le mandat des conseils municipaux (photos)

Au nom de la démocratie et de la participation des citoyens à la vie publique, le Parlement a décidé hier de... proroger jusqu’au 30 avril 1999 le mandat des conseils municipaux et des moukhtars. Elle est bien bizarre, l’argumentation mise en avant par le chef du Législatif, M. Nabih Berry, et par plusieurs autres députés pour expliquer cet excès de zèle. Le projet de loi 10211 transmis par le gouvernement prévoyait en effet la prorogation du mandat jusqu’au 30 avril de l’année prochaine. Mais M. Berry se voulant réaliste a déclaré que ce délai n’est pas suffisant pour permettre au Parlement d’examiner dans les détails les projets de loi qui pourraient éventuellement lui être transmis au sujet des municipales. C’est donc par «souci pratique» que les pouvoirs exécutif et législatif se sont accordé une année supplémentaire pour avoir le temps d’élaborer des lois «modernes et efficaces». Et les citoyens, qui ont su attendre 34 ans depuis les dernières élections municipales, n’auront qu’à patienter deux ans de plus.
Dix autres projets et propositions de loi ont été approuvés lors de la séance parlementaire d’hier qui a succédé à deux jours de débats de politique générale. Parmi les projets votés, figure le remboursement à plusieurs sociétés étrangères d’une dette de la municipalité du Metn d’une valeur de 47 millions de marks allemands pour une usine détruite pendant la guerre. Le projet prévoyant la prolongation des années de service d’une certaine catégorie de fonctionnaires a par ailleurs été renvoyé aux commissions.
De tous les textes examinés au Parlement, la prorogation du mandat des conseils municipaux est celui qui a suscité le débat le plus animé. Les discussions ont une nouvelle fois montré que les députés sont divisés en trois courants: ceux qui réclament l’organisation des élections le plus rapidement possible et qui rejettent tous les arguments affirmant que la tenue du scrutin est impossible dans les conditions actuelles, ceux qui prônent la désignation des membres des conseils municipaux, et enfin ceux qui demandent la prorogation du mandat en attendant l’élaboration et le vote des projets de loi adéquats.
Les tenants du premier courant sont notamment représentés par MM. Hussein Husseini, Boutros Harb, Nayla Moawad, Moustapha Saad et les députés du Hezbollah.
Après la lecture du projet 10211, M. Boutros Harb demande si le gouvernement s’engage à respecter le délai s’achevant le 30 avril 1998. A son tour, M. Husseini souligne que jusqu’à présent, aucun projet concernant la décentralisation administrative et l’amendement de la loi sur les municipalités n’avait été transmis à la Chambre. «Il nous importe que le gouvernement assume ses responsabilités et affirme être sérieux dans sa volonté d’organiser ce scrutin avec la fin du délai», dit-il.
M. Ammar Moussaoui brosse pour sa part un tableau sombre des municipalités du pays dont «90% sont paralysées ou en faillite». Il souligne que le projet de loi 10211 ne fait pas état de l’intention du gouvernement d’organiser des élections municipales ou d’élaborer les textes de loi adéquats. «L’Exécutif compte-t-il réellement transmettre prochainement un projet sur les municipalités?», s’interroge le député du Hezbollah.

La contre-attaque
de Ferzli et de Berry

Devant la pression de ces députés, le vice-président de la Chambre, M. Elie Ferzli, passe à la contre-attaque. Après avoir mis l’accent sur l’importance de la tenue des municipales «qui sont une revendication populaire», il propose le report du scrutin jusqu’au lendemain de l’élection présidentielle prévue en octobre 1998. «C’est pour éviter que les municipales soient ajournées une nouvelle fois pour une raison ou pour une autre que je propose qu’elles soient organisées après l’échéance présidentielle», explique-t-il.
Le président Berry s’engouffre rapidement dans la brèche ouverte par M. Ferzli et prend le relais. Il affirme que les élections municipales doivent être organisées coûte que coûte si le but est de renforcer le régime démocratique au Liban. «La démocratie, comme dans toutes les systèmes pyramidaux, se construit à partir de la base. C’est pour cela que nous devons organiser les municipales pour pouvoir arriver au sommet», précise-t-il.
Dans le passé, le gouvernement et le Parlement se rejetaient actuellement la balle, se faisant assumer réciproquement la responsabilité du report de ce scrutin. «Aujourd’hui, nous devons tenir des propos réalistes, ajoute le chef du Législatif. Lorsque le projet sur les municipales avait été transmis la dernière fois au Parlement, le ministère (de l’Intérieur) n’était pas en mesure d’organiser ces élections même si le texte avait été voté (...). La loi dit que les localités de plus de 3000 habitants ont plusieurs moukhtars. Nous avons fait des recherches et il est apparu qu’au Liban-Sud, 70 ou 80% des villages ont une population supérieure à ce chiffre. Cela veut dire qu’il faut un découpage électoral dans chacune de ces localités. En effet, à Beyrouth, le fils de Bachoura n’élit pas le moukhtar de Basta. Comment se pourrait-il alors que Ghaziyé (Sud) ou Bednayel (Baalbeck) aient 4 moukhtars qui sont élus en même temps par tous les habitants? Ce raisonnement s’applique aussi aux conseils municipaux. Il faut que nous examinions dès maintenant au Parlement les projets de loi relatifs aux municipales mais aussi aux élections législatives et au découpage administratif (...) Si tous ces projets ne sont pas devant moi, je ne peux pas assurer que les élections auront lieu».
Après l’intervention de M. Berry, le débat reprend de plus belle. M. Mohammed Youssef Beydoun et Mme Nouhad Soueïd demandent au gouvernement de transmettre à la Chambre le plus rapidement possible les projets de loi concernant les municipales et ne veulent pas entendre parler d’un ajournement. D’ailleurs, il plane déjà dans l’hémicycle comme un air de report du scrutin. Mme Nayla Moawad s’y oppose catégoriquement. «Si nous n’avons pas l’intention de mettre en application les lois que nous approuvons, ce n’est pas la peine de les examiner», dit-elle.
Les partisans du report des élections jusqu’au lendemain de la présidentielle accentuent leur pression. MM. Talal Merhébi et Ali el-Khalil demandent au gouvernement d’envoyer rapidement les projets de loi relatifs aux municipales et affirment que le Parlement ne doit pas être lié par des délais. «Nous appuyons la proposition de M. Ferzli», concluent-il. «La question est de savoir si les élections municipales vont réellement être organisées et si nos institutions demeurent crédibles aux yeux de l’opinion publique», réplique M. Mohammed Fneich. Se sentant visé par cette flèche, M. Berry rétorque: «Le président du Parlement est avant toute autre chose partisan de la tenue de ce scrutin». «C’est au gouvernement que nous nous adressons», précise le député du Hezbollah visiblement satisfait d’avoir embarrassé le chef du Législatif. M. Hariri explique alors que l’organisation du scrutin est liée à la préparation du ministère de l’Intérieur et reste une responsabilité commune du Parlement et du gouvernement. «Je n’essaye pas de rejeter la responsabilité de cette question sur la Chambre», précise-t-il. M. Berry déclare que si les projets de loi relatifs aux municipales sont transmis au Parlement pendant qu’il est occupé à examiner le budget de l’année prochaine, «les élections municipales n’auront pas lieu» à la date prévue.

Pas d’élections
pendant
cette législature

Le bras de fer se poursuit entre les tenants des deux options. M. Mahmoud Awad, député de Jbeil, annonce son appui à la proposition de Ferzli. M. Nazih Mansour, membre du bloc du Hezbollah, riposte immédiatement: «Pourquoi serait-il impossible d’organiser des élections municipales alors que le scrutin partiel de Jbeil à bien eu lieu?».
M. Marwan Hamadé choisit aussi son camp. «Fixer dès aujourd’hui la date du 30 avril 1998 équivaut à signer un chèque sans provision. Il est inopportun de faire coïncider ce scrutin avec l’élection présidentielle», dit-il. M. Jamil Chammas va plus loin et propose carrément de désigner pour une période de deux ans des membres de Conseils municipaux et des moukhtars.
Les partisans de la prorogation estiment alors que le terrain est propice pour augmenter leur pression et c’est M. Issam Farès qui s’en charge. Il propose un amendement qui consiste à proroger les mandats jusqu’au vote des lois adéquates. M. Ghassan Matar prend la relève et avance la date du 30 avril 1999. Le scénario commence à prendre forme... pour les quelques naïfs qui ne l’avaient pas encore deviné.
MM. Chaker Abou Sleimane et Boutros Harb tentent une dernière fois de renverser la vapeur. Le député du Metn déclare que si les projets sont transmis immédiatement, la Chambre est disposée à les examiner dans un délai de deux mois. M. Harb propose pour sa part d’organiser des élections conformément à loi actuelle (votée en 1977). M. Abdallah Kassir (Hezbollah) ajoute que personne «ne peut assumer une nouvelle fois la responsabilité d’un ajournement supplémentaire».
Mais en vain. Rien ne semble pouvoir arrêter l’avancée du bulldozer. M. Berry développe une nouvelle fois les arguments qu’il avait déjà soulevés au début du débat et soumet au vote le projet de la loi amendé selon la proposition de MM. Farès, Matar, Khalil et Merhébi. Le texte est approuvé par la majorité des députés. Une vingtaine de parlementaires votent contre.
M. Harb est furieux. «Il n’y aura pas d’élections municipales pendant cette législature», dit-il sur un ton amer.
Le projet de loi 10212 concernant la prorogation des mandats des moukhtars et des conseils de moukhtars est ensuite voté sans peine.
Les députés poursuivent l’examen de l’ordre du jour de la séance qui est expédiée rapidement. Un projet de loi concernant l’intégration des allocations provisoires des fonctionnaires au salaire de base est renvoyé à la commission de l’Administration et de la Justice pour un examen plus approfondi.

L’examen des autres
projets

Deux projets de loi portant sur la promotion des investissements et visant à évitant la double imposition entre le Liban et la Syrie sont ensuite approuvés.
Un décret-loi (112) portant sur la prolongation de l’âge de retraite d’une certaine catégorie de fonctionnaires suscite un débat animé. Plusieurs députés, dont M. Harb, estiment que ce texte (proposé par le député Abdo Bejjani) a été confectionné sur mesure pour servir les intérêts de quelques fonctionnaires. MM. Ferzli, Husseini, Bejjani et Hariri prennent la parole à tour de rôle. Le ministre d’Etat chargé des Finances, M. Fouad Siniora, partage—curieusement—l’avis de M. Harb. M. Berry épouse aussi leur point de vue. «Il est inconcevable de légiférer pour servir des intérêts privés», dit-il. Le projet est finalement renvoyé aux commissions concernées.
Les députés votent ensuite un projet de loi qui consiste à ouvrir un crédit pour le ministère de la Culture afin de payer un mois supplémentaire à un groupe de fonctionnaires. Evidemment, le ministre Siniora est opposé à ce projet qui le contraint à délier les cordons de la bourse. Le ministre de la Culture et de l’Enseignement supérieur, M. Fawzi Hobeiche, précise que le projet avait été préparé du temps de son prédécesseur. Les bénéficiaires sont des fonctionnaires mutés du ministère de l’Information, où ils touchaient un mois supplémentaire à titre de bonus, au département de la culture.
Un projet de loi non inscrit à l’ordre du jour concernant les associations de handicapés est aussi rapidement voté en fin de séance.
Avant l’examen de la question des municipales, les députés avaient approuvé quatre projets concernant l’indexation des bourses scolaires aux indemnités des fonctionnaires décédés, l’adhésion du Liban à la convention douanière pour les transports internationaux, l’organisation des transports des hommes et des marchandises entre le Liban et la Jordanie et la réglementation des services aériens entre le Liban et le Brésil.
Les députés s’attaquent ensuite au décret 8777 autorisant le gouvernement à débloquer un crédit pour payer la dette de l’Union des municipalités du littoral du Metn (47 millions de marks). Ce projet provoque un long débat avant d’être approuvé sans amendement.
Par contre, une proposition de loi avancée par M. Mohammed Fneich permettant aux topographes inscrits à l’ordre des ingénieurs de ne pas s’inscrire à l’ordre des topographes récemment créé est rejetée.
Enfin, un projet de loi portant sur la création d’une mutuelle pour les médecins dentistes de Beyrouth et du Nord est renvoyé aux commissions après avoir suscité une discussion animée. Des divergences sont apparues au sujet du mode de financement de ces caisses.
La séance doit reprendre aujourd’hui à 11h. Treize projets de loi sont inscrit à l’ordre du jour, dont notamment l’annulation de la décision du gouvernement d’augmenter les tarifs douaniers sur certaines voitures, la création de la maison de l’enseignant, le remplacement du nom «minorité» par celui de «communautés chrétiennes orientales» (dans les lois électorales), le déblocage d’un crédit pour financer des projets de développement à Baalbeck-Hermel et l’amnistie pour certains crimes liés aux trafics de drogue.

Paul KHALIFEH
Au nom de la démocratie et de la participation des citoyens à la vie publique, le Parlement a décidé hier de... proroger jusqu’au 30 avril 1999 le mandat des conseils municipaux et des moukhtars. Elle est bien bizarre, l’argumentation mise en avant par le chef du Législatif, M. Nabih Berry, et par plusieurs autres députés pour expliquer cet excès de zèle. Le projet de loi...