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Actualités - ANALYSE

Dossier régional : Beyrouth reste sur la touche

Nul n’est prophète en son pays et encore moins dans sa région: en s’entretenant avec les responsables libanais, on s’aperçoit vite qu’ils analysent d’une façon confuse la situation issue du blocage des négociations et les perspectives qu’elle dégage. Leurs prévisions sont contradictoires et ils donnent nettement l’impression d’être déconnectés entre eux aussi bien que par rapport aux données du dossier dont ils semblent mal informés.
On réalise ainsi que ces responsables ne savent pas s’il faut ou non prêter à Israël l’intention d’un brusque retrait «unilatéral», entendre sans préparation de relève du Sud. Qu’ils ne savent pas non plus si les propositions israéliennes de nouvelle force-tampon multinationale sous commandement français ne sont pas des ballons d’essai destinés à tester les réactions libanaises et syriennes. Qu’ils se demandent s’il faut prendre au sérieux les informations sur un conflit au sein du gouvernement israélien au sujet d’un départ accéléré du Sud commençant par Jezzine. Qu’ils s’inquiètent en somme tout autant des perspectives de retrait que des menaces du ministre israélien de la Défense M. Yitzhak Mordehaï qui affirme qu’au Liban «il n’y a pas de trêve, mais une guerre constante».
Certains gouvernants locaux estiment que le statu quo va se prolonger, émaillé de propositions pacifistes israéliennes trompeuses, destinées à l’opinion mondiale ou israélienne. Dès lors ces dirigeants relèvent que le Liban n’a qu’à rester attaché à la 425 sans jamais prêter l’oreille au chant des sirènes sionistes. Ils soulignent que l’Etat hébreu ne «lâchera jamais le morceau tant qu’il n’aura pas imposé ses conditions sur le dispositif de sécurité et sur le partage ou l’exploitation de nos ressources hydrauliques. Si Israël voulait vraiment réaliser une percée sur le front libanais, pour le dissocier du volet syrien, il aurait déjà pris l’initiative de se retirer du Sud et de la Békaa-Ouest sans poser de conditions, en précisant qu’il faisait assumer à l’Etat libanais la responsabilité d’empêcher toute action contre la Galilée à partir du territoire libanais, avec nouvelle invasion en cas de défaillance. Mais, affirment ces responsables, Israël ne tient pas à séparer le volet libanais du volet syrien, à preuve que durant les pourparlers de Washington comme du Maryland, il a toujours tenté de faire fondre la 425 dans la 242, de lier le retrait du Sud au retrait du Golan et vice versa. Il faut donc comprendre, déplorent implicitement ces responsables libanais, que lorsque le président Hraoui répète qu’on ne saurait dissocier les deux dossiers et que Damas de son côté affirme qu’aucun règlement de paix ne saurait être concrétisé avant la libération du Sud, Tel-Aviv n’en est pas fâché, bien au contraire car cela répond très exactement à ses souhaits. A savoir qu’il ne veut pas lâcher le Sud tant qu’il ne s’est pas entendu avec les Syriens sur la question du Golan et sur les garanties qu’ils peuvent lui offrir en ce qui concerne la question libanaise elle-même. Cela signifie donc que le Sud va rester captif très longtemps car si le retrait en est facile, il n’en va pas de même pour le Golan. On sait en effet qu’Israël lui-même affirme n’avoir pas de visées territoriales au Liban, envahi sans déclaration de guerre, mais n’en dit pas de même du Golan, conquis selon lui «régulièrement» par suite de la guerre de 1967 et d’ailleurs «annexé officiellement» en 1981 à l’Etat hébreu par une loi de la Knesset. Sur le plan pratique, Israël, même s’il consentait à rendre le Golan, voudrait négocier pour en garder une partie alors qu’en ce qui concerne le Sud il est d’accord pour tout redonner, le cas échéant».
Pour ces sources locales «Israël va continuer à occuper le Sud et la Békaa-Ouest jusqu’au jour où il pourra imposer «sa» paix à la Syrie et au Liban. D’ici là il est prêt à continuer à payer le prix de l’occupation en pertes occasionnées par les opérations de la résistance, d’autant que les Israéliens pensent que dans cette guerre d’usure c’est le Liban qui resterait le plus gros perdant. Ils estiment donc que le temps joue en leur faveur et ils se réjouissent de voir que l’Administration U.S. leur lâche les brides sur le cou et laisse la situation pourrir...».
Mais d’autres responsables libanais soutiennent qu’Israël ne recherche pas le statu quo et craignent qu’il ne prépare une attaque d’envergure, ses propositions actuelles, tout comme les différends au sein du Cabinet Netanyahu n’étant que de la poudre aux yeux pour détourner l’attention. Pour ces Cassandre «l’Etat hébreu se lancerait dans une guerre généralisée soit pour imposer son hégémonie après conclusion de la paix soit pour faire voler en éclats toute la carte de la région et disloquer les Etats, sur des bases ethniques ou confessionnelles. Il est vrai qu’un tel plan, ajoutent ces personnalités, va à l’encontre des vues de Washington qui ne veut pas qu’on touche à cette carte, mais il n’est pas impossible qu’avec un Likoud frappé de mégalomanie Tel-Aviv passe outre à tout interdit pour réaliser ses desseins... Seule une solide cohésion arabe, concluent ces responsables, peut contrer les visées israéliennes et il faut ressusciter le pacte de défense commune, tout en s’abstenant de participer au congrès économique de Doha, véritable cheval de Troie offert aux Israéliens...».

E.K.
Nul n’est prophète en son pays et encore moins dans sa région: en s’entretenant avec les responsables libanais, on s’aperçoit vite qu’ils analysent d’une façon confuse la situation issue du blocage des négociations et les perspectives qu’elle dégage. Leurs prévisions sont contradictoires et ils donnent nettement l’impression d’être déconnectés entre eux aussi...