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Actualités - ANALYSE

Une priorité, une urgence : la crise socio-économique

La principale épreuve à laquelle se trouve confronté le gouvernement à l’heure actuelle est certainement cette crise socio-économique dont il a jusqu’à présent éludé tout traitement sérieux, en louvoyant entre reports et palliatifs. Le problème est d’une telle gravité qu’il constitue désormais le nucleus même de la situation politique. Là, les conseilleurs — qui ne sont jamais les payeurs comme dit l’adage — pullulent autant que les contempteurs qui se livrent à toutes sortes de surenchères dans leurs critiques à l’encontre d’un pouvoir qui, question démagogie, leur rend amplement la monnaie de leur pièce par des promesses jamais tenues.
Les Libanais, gens de ressource et d’invention, confiants dans leurs capacités comme dans la dynamique du secteur privé, sont sortis de la guerre en 1990 avec la quasi-certitude qu’ils allaient rapidement retrouver la prospérité d’antan. Ce ne serait, pensaient-ils, que l’affaire de deux ou trois ans, le temps que la paix se mette également en place dans la région et qu’on ait fini de réparer tout ce qui avait été cassé pendant les années noires. Mais ils ont dû déchanter: après des percées sur les volets jordanien et palestinien, le processus régional s’est grippé, les aides attendues ont fait faux bond, faute d’injection de capitaux la production s’est ralentie, la croissance s’est arrêtée après un départ en flèche, les déficits budgétaires se sont creusés au point d’atteindre la cote d’alarme à cause notamment d’une dette publique qui s’accroît sans cesse parce qu’on emprunte pour payer les traites! Par un constant tour de force la Banque centrale parvient certes à maintenir la stabilité de la Livre. Mais le chômage se développe à un rythme effarant (60.000 l’an dernier), en même temps qu’une inflation pernicieuse qui dépasse selon les officiels eux-mêmes les 10%, ce qui affaiblit le pouvoir d’achat des salariés qui poussent dès lors les hauts cris. Un mouvement de revendication dans lequel la politique intervient tout naturellement, au point qu’on ne sait pas toujours si c’est la question syndicale qui se politise ou la politique qui se syndicalise...
Or face à la dégradation, répétons-le, le pouvoir n’a pas su tenir ses promesses. Il n’a ainsi pas réduit les déficits budgétaires, bien au contraire, n’a pas favorisé la production ou les services au lieu de la spéculation, n’a pas initié les prestations sociales qui permettraient aux familles de tenir le coup en l’absence d’une augmentation substantielle des salaires. Les deniers publics continuent à être gaspillés, les projets somptuaires de superstructure sont maintenus, la corruption bat toujours son plein dans l’Administration comme au sein de la caste politique. Faute de contrôle comptable, les contrats douteux, les combines, les bazars, les détournements de fonds foisonnent.

Injustifiable mais
compréhensible...

Un pourrissement qui explique que, sortant du cadre de la stricte légalité, un mouvement de révolte dit des affamés a pu éclater dans la Békaa. Un phénomène mené et exploité par l’aile radicale intégriste que représente cheikh Soubhi Toufayli dont les appels à l’insubordination civile ont rencontré beaucoup d’échos. Des appels très certainement subversifs mais si on met de côté la lettre même de la loi au profit de la logique la plus élémentaire, on peut estimer que lorsqu’un Etat faillit à ses responsabilités de base le citoyen peut en oublier ses devoirs et ses obligations...
Dès lors pour résorber les effets malsains, voire injustifiables, de la crise il faut si l’on a du bon sens en traiter d’abord les causes. Et pour commencer, il faut lutter contre la corruption, à la gabégie et au gaspillage pratiqués à une si large échelle qu’ils font subir une véritable hémorragie aux finances publiques de ce pays, élément qui suffit à lui seul pour accabler une économie nationale déjà chancelante. Mais là, il y aurait de quoi se cogner la tête contre les murs: à qui se fier en effet, comme le note le député Mohammed Youssef Beydoun, pour nettoyer les écuries d’Augias, du moment que de leur propre aveu les gens du pouvoir sont aussi responsables que l’Administration... Comment procéder à une épuration qui doit être aussi, ou même surtout, politique sans changer ni le système ni ses piliers...
C’est apparemment la quadrature du cercle. Et c’est d’autant plus dommage qu’à en croire M. Riad Salamé la relance est techniquement possible. Le gouverneur de la Banque centrale affirme en effet qu’il n’y a pas de marasme puisque la balance des paiements est en excédent. Il ajoute qu’il ne doit pas y avoir au Liban de projet sérieusement productif qui ne trouverait pas de financement, puisque les dépôts en dollars des banques atteignent les 21 milliards. Pour M. Salamé, qui oublie que les bons du Trésor et la spéculation foncière-immobilière pompent toutes les ressources, le Liban est le seul pays non pétrolier de la région capable de s’autofinancer... Le gouverneur reconnaît cependant qu’on ne peut espérer à court terme une réduction du taux d’intérêt sur la Livre mais il met en garde contre une déstabilisation qui rehausserait encore ces taux. Il reconnaît également que beaucoup de fonds ont pris la route de l’étranger sous forme d’importations, que le déficit de la balance commerciale ne cesse de s’accroître et que les liquidités manquent de plus en plus. M. Salamé impute en grande partie cette récession avouée à demi-mots aux agressions israéliennes qui à son avis ont freiné l’afflux de capitaux que le pays attendait. Il assure néanmoins que l’inflation reste inférieure à 10% et que le déficit budgétaire va se réduire...
Comment, personne de sensé ne saurait le dire quand les responsables dépensent à tour de bras, ce qui a porté le déficit budgétaire pour les premiers mois de l’année en cours à plus de 50%, alors qu’ils avaient annoncé un plafond de 37% pour toute l’année...

E.K.
La principale épreuve à laquelle se trouve confronté le gouvernement à l’heure actuelle est certainement cette crise socio-économique dont il a jusqu’à présent éludé tout traitement sérieux, en louvoyant entre reports et palliatifs. Le problème est d’une telle gravité qu’il constitue désormais le nucleus même de la situation politique. Là, les conseilleurs —...