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Actualités - REPORTAGE

Toufayli proclame la désobéissance civile dans la Békaa Prochain rendez-vous à Beyrouth, affirme le chef de la révolte des affamés Murr limoge le commandant p.i. de la gendarmerie pour avoir facilité la manifestation (photos)

Contre vents et marées, et au mépris des précédentes décisions du cabinet Hariri interdisant toute manifestation dans le pays, le rassemblement de Baalbeck a finalement eu lieu hier matin, comme prévu. A l’initiative de l’ancien secrétaire général du Hezbollah, cheikh Sobhi Toufayli, et dans le but de déclencher la «révolte des affamés» et un mouvement de désobéissance civile, plusieurs milliers de personnes (entre 5000 et 7000, selon diverses sources) se sont massées en début de matinée devant le sérail de Baalbeck, faisant fi du rappel, jeudi soir, par le Conseil central de sécurité de l’interdiction d’organiser des manifestations et des rassemblements, conformément à une décision prise par le premier gouvernement de M. Rafic Hariri, le 28 juillet 1993 . Poursuivant son escalade en paroles, Toufayli a annoncé que la prochaine étape consistera en une «marche sur Beyrouth», mais sans fixer de date .
Les imposantes mesures de sécurité prises dans la soirée de jeudi sur la route et autour de Baalbeck par l’armée libanaise et les FSI n’ont donc pas empêché la tenue du meeting populaire. Les multiples barrages sécuritaires qui avaient été érigés sur les principaux axes routiers auront sans doute contribué à juguler et à diminuer sensiblement l’ampleur du rassemblement, sans aller jusqu’à la répression.
Comme il fallait s’y attendre, le déploiement de force décidé jeudi par le Conseil central de sécurité n’a donc été conçu et mis en place que de manière à entraver quelque peu le déclenchement de la «révolte des affamés» sans pour autant la remettre en cause ou la torpiller. Y a-t-il eu, sur ce plan, «coordination» entre les responsables officiels et cheikh Toufayli, et à quel niveau? Cette question se pose avec d’autant plus d’acuité que le ministre de l’Intérieur Michel Murr a adressé hier à la direction générale des FSI une note dans laquelle il lui signifie le limogeage du commandant de la gendarmerie par intérim, le brigadier Mohamed Mrad (qui n’a pris en charge ses nouvelles fonctions que le 2 juillet dernier, après que le commandant de la gendarmerie, le brigadier Théodore Mekari, eut été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juillet).
Dans sa note, M. Murr souligne explicitement que «le brigadier Mrad a entrepris dans la nuit du 3 au 4 juillet ainsi que dans la journée du 4 juillet (hier) d’effectuer des contacts et de prendre des mesures en contradiction avec les décisions du Conseil des ministres et les résolutions du Conseil central de sécurité». Citant des sources officielles, l’Agence nationale d’information indique explicitement que ce limogeage est dû au fait que le brigadier Mrad (originaire de Brital, dans la Békaa) a tenu une réunion avec cheikh Toufayli «afin d’établir une coordination avec lui au niveau sécuritaire, en dépit des décisions claires du Conseil des ministres, interdisant les manifestations et les rassemblements».
Le brigadier Mrad a-t-il réellement agi de son propre chef ou a-t-il plutôt servi de bouc émissaire afin de sauver la face au gouvernement? En clair, la version selon laquelle le commandant de la gendarmerie par intérim aurait pris lui-même l’initiative de coordonner les mesures de sécurité avec cheikh Toufayli serait-elle un simple scénario visant à permettre à l’Etat de sauver la face en faisant preuve d’une fermeté «médiatique» sans que cela n’ait un impact réel sur le terrain, pour éviter un «clash» avec les partisans du chef intégriste? Ce même souci de «fermeté apparente» explique-t-il les arrestations opérées hier par l’armée dans certains secteurs du caza de Baalbeck sous le prétexte de lutter contre les trafiquants de stupéfiants, sans que ces interpellations soient liées au meeting d’hier? Quelle que soit la réponse à ces questions, il est indéniable que la tenue du rassemblement de Baalbeck malgré les mesures d’interdiction constitue incontestablement un camouflet pour le gouvernement et, en tout cas, une nouvelle preuve du profond déséquilibre qui caractérise les pratiques du pouvoir actuel.
Pour l’heure, et au-delà de ces considérations de déséquilibre national, l’important est que cheikh Toufayli a bel et bien proclamé hier une désobéissance civile. Limitée actuellement à la Békaa, celle-ci devrait se traduire, dans la pratique, par le refus de payer les taxes et les factures étatiques, et par l’apparition d’une multitude de constructions illicites dans la plaine de la Békaa. Les conséquences et l’impact réel de cette désobéissance civile — la première du genre dans l’Histoire contemporaine du Liban — sont difficiles à évaluer pour l’instant. Ils seront fonction, en tout état de cause, des éventuelles ramifications non libanaises du mouvement de cheikh Toufayli et du degré de soutien dont bénéficie le chef intégriste sur le plan régional.
Certes, la Békaa échappait déjà, dans une large mesure, au contrôle de l’Etat, et une frange non négligeable de la population de cette région s’abstenait sans doute de régler les factures et les taxes étatiques. La gravité de la fronde proclamée hier réside donc non pas tant dans ce mouvement spécifique, mais plutôt dans le fait qu’il risque fort bien de faire tache d’huile. Compte tenu de la crise socio-économique aiguë que traverse le Liban, et à la lumière du délaissement dont pâtissent plusieurs régions périphériques du pays, l’idée d’une désobéissance civile pourrait séduire plus d’une région et plus d’un pôle d’influence local. Cet effet boule de neige risquerait d’autant plus de se produire qu’un précédent a été créé, hier: un vaste rassemblement populaire a eu lieu en dépit de l’interdiction gouvernementale, et les forces de sécurité, pourtant déployées en masse, ont pratiquement laissé faire.
Cette vulnérabilité d’un genre nouveau auquel est confronté le pouvoir est, en définitive, le fruit d’une gestion et de grandes options économiques qui ont fragilisé dangereusement l’édifice social libanais. Le gouvernement ne peut continuer impunément à axer tous ses efforts sur l’infrastructure de base (aussi importante soit-elle) en négligeant d’une manière exagérée le volet social. La «révolte des affamés» et la désobéissance civile enclenchées par cheikh Toufayli pourraient (ou non) être mues par certaines considérations régionales. Il reste qu’elles constituent, au stade actuel, la principale expression d’un grave malaise socio-économique qui frappe plus d’un secteur et plus d’une région.
nationale d’information indique explicitement que ce limogeage est dû au fait que le brigadier Mrad (originaire de Brital, dans la Békaa) a tenu une réunion avec cheikh Toufayli «afin d’établir une coordination avec lui au niveau sécuritaire, en dépit des décisions claires du Conseil des ministres, interdisant les manifestations et les rassemblements».
Le brigadier Mrad a-t-il réellement agi de son propre chef ou a-t-il plutôt servi de bouc émissaire afin de sauver la face au gouvernement? En clair, la version selon laquelle le commandant de la gendarmerie par intérim aurait pris lui-même l’initiative de coordonner les mesures de sécurité avec cheikh Toufayli serait-elle un simple scénario visant à permettre à l’Etat de sauver la face en faisant preuve d’une fermeté «médiatique» sans que cela n’ait un impact réel sur le terrain, pour éviter un «clash» avec les partisans du chef intégriste? Ce même souci de «fermeté apparente» explique-t-il les arrestations opérées hier par l’armée dans certains secteurs du caza de Baalbeck sous le prétexte de lutter contre les trafiquants de stupéfiants, sans que ces interpellations soient liées au meeting d’hier? Quelle que soit la réponse à ces questions, il est indéniable que la tenue du rassemblement de Baalbeck malgré les mesures d’interdiction constitue incontestablement un camouflet pour le gouvernement et, en tout cas, une nouvelle preuve du profond déséquilibre qui caractérise les pratiques du pouvoir actuel.
Pour l’heure, et au-delà de ces considérations de déséquilibre national, l’important est que cheikh Toufayli a bel et bien proclamé hier une désobéissance civile. Limitée actuellement à la Békaa, celle-ci devrait se traduire, dans la pratique, par le refus de payer les taxes et les factures étatiques, et par l’apparition d’une multitude de constructions illicites dans la plaine de la Békaa. Les conséquences et l’impact réel de cette désobéissance civile — la première du genre dans l’Histoire contemporaine du Liban — sont difficiles à évaluer pour l’instant. Ils seront fonction, en tout état de cause, des éventuelles ramifications non libanaises du mouvement de cheikh Toufayli et du degré de soutien dont bénéficie le chef intégriste sur le plan régional.
Certes, la Békaa échappait déjà, dans une large mesure, au contrôle de l’Etat, et une frange non négligeable de la population de cette région s’abstenait sans doute de régler les factures et les taxes étatiques. La gravité de la fronde proclamée hier réside donc non pas tant dans ce mouvement spécifique, mais plutôt dans le fait qu’il risque fort bien de faire tache d’huile. Compte tenu de la crise socio-économique aiguë que traverse le Liban, et à la lumière du délaissement dont pâtissent plusieurs régions périphériques du pays, l’idée d’une désobéissance civile pourrait séduire plus d’une région et plus d’un pôle d’influence local. Cet effet boule de neige risquerait d’autant plus de se produire qu’un précédent a été créé hier: un vaste rassemblement populaire a eu lieu en dépit de l’interdiction gouvernementale, et les forces de sécurité, pourtant déployées en masse, ont pratiquement laissé faire.
Cette vulnérabilité d’un genre nouveau auquel est confronté le pouvoir est, en définitive, le fruit d’une gestion et de grandes options économiques qui ont fragilisé dangereusement l’édifice social libanais. Le gouvernement ne peut continuer impunément à axer tous ses efforts sur l’infrastructure de base (aussi importante soit-elle) en négligeant d’une manière exagérée le volet social. La «révolte des affamés» et la désobéissance civile enclenchées par cheikh Toufayli pourraient (ou non) être mues par certaines considérations régionales. Il reste qu’elles constituent, au stade actuel, la principale expression d’un grave malaise socio-économique qui frappe plus d’un secteur et plus d’une région.

M.T.s
M.T.
Contre vents et marées, et au mépris des précédentes décisions du cabinet Hariri interdisant toute manifestation dans le pays, le rassemblement de Baalbeck a finalement eu lieu hier matin, comme prévu. A l’initiative de l’ancien secrétaire général du Hezbollah, cheikh Sobhi Toufayli, et dans le but de déclencher la «révolte des affamés» et un mouvement de...