«AILLEURS»
L’information la plus innocente, par exemple l’inauguration, dans quelques jours, de la gare routière Charles Hélou, est aussitôt diabolisée par le commentaire qui l’accompagne: «On prévoit une transformation des embouteillages en chaos». Longtemps, en France, on a été d’accord pour ne pas «désespérer Billancourt». Jamais, apparemment, au Liban, on ne se soucie de ne pas «désespérer le citoyen». S’en soucierait-on même, au train où vont les choses, qu’on n’y parviendrait pas tant la situation est grave, tant les excès sont flagrants, tant l’argent des riches s’exhibe dans le luxe, tant la fortune indûment acquise par les hommes publics alimente les conversations dans les taxis-service eux-mêmes. La sinistrose étant néfaste, qui attente au moral de la nation et, aussi important, de l’individu, il faut prendre les choses à la légère. Que les membres du comité Gebrane soient constitués des «sept grandes familles de Bécharré», il faut trouver cela éminemment folklorique plutôt que de faire triste mine au nom de la «concentration tribale» et de la science infuse des seuls bécharriotes quant à un écrivain qui appartient à son pays tout entier. Même un rire de dérision reste libérateur dans une société qui étouffe ses membres sans même le faire exprès.
*
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Hors de toute allusion précise aux très riches Libanais — compare qui voudra — la similitude entre le comportement des milliardaires du tiers monde, surtout ceux d’Afrique Noire et d’Amérique latine, cette ostentation qui va, chez eux, avec la fortune, cette innocence joyeuse qu’ils éprouvent à posséder et à exhiber ce qu’ils possèdent, cette euphorie de l’argent-roi, est-elle plus ridicule que l’hypocrisie de leurs pairs occidentaux, Wasps ou européens qui le vivent presque comme un péché et se hâtent pour se donner bonne conscience de le ventiler dans des fondations, donations, dations et autres? Surtout ne mêlons pas le critère de l’éthique à cette comparaison, cela nous ramènerait, de fil en aiguille, directement chez nous. Et il faut à tout prix éviter la sinistrose, la stérile désespérance, surtout pour des questions de sous. Comme Michel Jobert, situons-nous résolument «ailleurs», ne serait-ce que pour préserver une certaine hygiène mentale. Le salut par la «distance»...
Amal NACCACHE
L’information la plus innocente, par exemple l’inauguration, dans quelques jours, de la gare routière Charles Hélou, est aussitôt diabolisée par le commentaire qui l’accompagne: «On prévoit une transformation des embouteillages en chaos». Longtemps, en France, on a été d’accord pour ne pas «désespérer Billancourt». Jamais, apparemment, au Liban, on ne se soucie de ne pas «désespérer le citoyen». S’en soucierait-on même, au train où vont les choses, qu’on n’y parviendrait pas tant la situation est grave, tant les excès sont flagrants, tant l’argent des riches s’exhibe dans le luxe, tant la fortune indûment acquise par les hommes publics alimente les conversations dans les taxis-service eux-mêmes. La sinistrose étant néfaste, qui attente au moral de la nation et, aussi important, de l’individu, il faut prendre les choses à la légère. Que les membres du comité Gebrane soient constitués des «sept grandes familles de Bécharré», il faut trouver cela éminemment folklorique plutôt que de faire triste mine au nom de la «concentration tribale» et de la science infuse des seuls bécharriotes quant à un écrivain qui appartient à son pays tout entier. Même un rire de dérision reste libérateur dans une société qui étouffe ses membres sans même le faire exprès.
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Hors de toute allusion précise aux très riches Libanais — compare qui voudra — la similitude entre le comportement des milliardaires du tiers monde, surtout ceux d’Afrique Noire et d’Amérique latine, cette ostentation qui va, chez eux, avec la fortune, cette innocence joyeuse qu’ils éprouvent à posséder et à exhiber ce qu’ils possèdent, cette euphorie de l’argent-roi, est-elle plus ridicule que l’hypocrisie de leurs pairs occidentaux, Wasps ou européens qui le vivent presque comme un péché et se hâtent pour se donner bonne conscience de le ventiler dans des fondations, donations, dations et autres? Surtout ne mêlons pas le critère de l’éthique à cette comparaison, cela nous ramènerait, de fil en aiguille, directement chez nous. Et il faut à tout prix éviter la sinistrose, la stérile désespérance, surtout pour des questions de sous. Comme Michel Jobert, situons-nous résolument «ailleurs», ne serait-ce que pour préserver une certaine hygiène mentale. Le salut par la «distance»...
Amal NACCACHE
«AILLEURS»L’information la plus innocente, par exemple l’inauguration, dans quelques jours, de la gare routière Charles Hélou, est aussitôt diabolisée par le commentaire qui l’accompagne: «On prévoit une transformation des embouteillages en chaos». Longtemps, en France, on a été d’accord pour ne pas «désespérer Billancourt». Jamais, apparemment, au Liban, on ne...
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