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Actualités - CHRONOLOGIE

Première manifestation demain à Baalbeck du Mouvement des affamés Toufayli intraitable face à l'état qui compose

Pleins feux sur Baalbeck-Hermel! Raillée au départ, la «révolte des affamés» est désormais prise très au sérieux par les responsables, qui s’emploient à la circonscrire par des mesures conciliatoires, policières, économiques et politiques. C’est au point que, renonçant à passer quelques jours de repos en Europe, ce qui aurait eu un effet désastreux sur l’opinion en la circonstance, le président du Conseil a décidé d’être présent au rendez-vous des affamés, et de rentrer au Liban dès ce soir.
Entre-temps, la dynamique du mouvement se poursuit, plusieurs syndicats, parlementaires et personnalités politiques lui apportant leur appui. Embarrassé par ce mouvement populiste qui le déborde, le Hezbollah a pris une attitude de principe: ne pas ramer à contre-courant, tout en empêchant ce qui peut conduire à une situation d’anarchie. Il a en tout cas expliqué qu’il est hostile à un traitement policier d’un problème qui est, fondamentalement, d’ordre socio-économique.
Les efforts officiels se sont concentrés, hier, sur la journée de demain vendredi 4 juillet, coup d’envoi du mouvement de désobéissance civile de cheikh Sobhi Toufayli, ancien secrétaire général du Hezbollah, qui, pour sa part, demeure intraitable. Tout est fait pour empêcher la foule appelée à se masser devant le sérail de Baalbeck de se heurter aux forces de l’ordre (armée et FSI), chargées de la sécurité. «Nous ne savons rien, et nous nous attendons à tout», a cru pouvoir déclarer hier le mohafez de la Békaa, M. Farid Corm, qui a participé à une réunion du Conseil de sécurité de la Békaa.
En attendant, les permis de port d’armes seront suspendus à partir de ce matin, et jusqu’à dimanche, sur toute l’étendue du mohafazat de la Békaa. On apprend par ailleurs que l’endroit choisi pour le rassemblement de vendredi pourrait être déplacé du sérail de Baalbeck à Ras el-Aïn. Cette décision serait sage à un double titre: elle empêcherait d’éventuelles provocations en direction du bâtiment du sérail, d’une part. Elle permettrait d’autre part l’accueil d’un plus grand nombre de manifestants, étant donné l’exiguïté de la place du sérail de Baalbeck et les 100.000 manifestants escomptés par les organisateurs de la manifestation!
Le ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr, a présidé hier au bureau du mohafez de la Békaa, à Zahlé, une réunion de sécurité à laquelle ont notamment participé le commandant de la région de la Békaa au sein des FSI, le brigadier Hassan Hallak, et le commandant de la gendarmerie de Zahlé, le colonel Joseph Chidiac.
A l’issue de cette réunion, M. Murr a eu des mots conciliateurs à l’égard de la «révolte des affamés», affirmant par exemple que l’Etat «compâtit aux souffrances des citoyens» et assurant que les forces de l’ordre «ne réprimeront pas ce mouvement revendicatif». Ce mouvement est «accepté, a-t-il dit, à condition qu’il n’aboutisse pas à des heurts avec les forces de sécurité».
M. Murr a toutefois affirmé que «les forces de sécurité ne permettront aucune atteinte à l’ordre et à la tranquillité publiques» ou tout acte de vandalisme contre des bâtiments publics, sérail, station électrique ou autre. Le Conseil de sécurité de la Békaa se considère en session ouverte pour suivre le déroulement des événements, a-t-il précisé.
Au sujet des constructions sans permis que cheikh Toufayli encourage, comme partie du mouvement de désobéissance qu’il conduit, M. Murr a déclaré qu’un «règlement» est possible. Mais il a répondu évasivement au sujet de la reprise de la culture du pavot et du cannabis dans la Békaa, affirmant que «rien ne la confirme» et que «les instructions pour l’interdire restent en vigueur».
Les brigadiers Hallak et Chidiac se sont rendus hier au domicile de cheikh Sobhi Toufayli, pour parler sécurité, en prévision de la journée de demain. «Cheikh Toufayli est pleinement conscient de la nécessité du maintien de l’ordre», a déclaré à l’issue de la visite le brigadier Hallak.
Pour sa part, cheikh Toufayli reste toujours aussi caustique et sûr de lui. Il a même estimé que ceux qui envisageraient de réprimer la manifestation de vendredi «ne songent certainement pas à rester au Liban», et a critiqué la décision d’interdire toute manifestation prise par le gouvernement, que les responsables ont invoquée pour réprimer toutes les manifestations de la CGTL, l’an dernier.

La désobéissance civile

Cheikh Toufayli a jugé «intolérable» la situation actuelle, notamment que l’on tente de museler les médias, d’asservir le pouvoir judiciaire, de démembrer la CGTL et de transformer le Parlement en un théâtre de marionnettes. Toutes tentatives qui, a-t-il dit, «plongent les gens dans le désespoir».
L’ancien secrétaire général du Hezbollah a déclaré qu’il poursuivrait son mouvement de désobéissance civile, qui s’exprime pour le moment par l’abstention du paiement de certaines taxes, comme les taxes sur la propriété bâtie. Dans ses vues, ce mouvement pourrait même conduire à un appel aux fonctionnaires à ne plus se rendre au travail, comme à une marche sur Beyrouth. Cheikh Toufayli s’est félicité de l’effet contagieux de son mouvement, affirmant que plusieurs régions songent à reprendre cette dynamique à leur propre compte.
Sur le plan économique, le déblocage de 150 milliards de L.L. pour le développement de la Békaa reste une vue de l’esprit, en attendant de se concrétiser par des projets précis, dont l’exécution s’étalerait sur plusieurs années. Au-delà de cet aspect des choses, le mouvement de cheikh Sobhi Toufayli charrie également un ensemble de significations et de signaux politiques, aussi bien aux responsables qu’aux décideurs internationaux.
Pour les décideurs internationaux, la «révolte des affamés», c’est le renflouement des radicaux, une façon de faire comprendre aux Etats-Unis les dérapages qui risquent de se produire, au cas où le processus de paix resterait bloqué.
Pour nos responsables, le mouvement des affamés sonne l’heure des bilans, c’est-à-dire de la nécessité d’une nouvelle transparence, d’une moralisation de la vie publique, comme le souhaite d’ailleurs le chef de l’Etat en personne. Le monde des passe-droits, des combines, des commissions, des ruses, du clientélisme, des gros contrats et des taux d’intérêts où le gouvernement Hariri a plongé le Liban est devenu irrespirable. La reconstruction ne saurait être un substitut à l’Indépendance, pas plus que le Liban ne saurait se limiter à n’être qu’un paradis pour les investisseurs, ou sa population une masse à distraire par des jeux sportifs. En haut lieu, on semble être sensible à ce ras-le-bol; et l’on parlait hier soir, dans certains cercles politiques, de l’éventualité d’un sommet bilatéral libano-syrien, au cours duquel la leçon des événements serait tirée.

F. N.
Fady NOUN
Pleins feux sur Baalbeck-Hermel! Raillée au départ, la «révolte des affamés» est désormais prise très au sérieux par les responsables, qui s’emploient à la circonscrire par des mesures conciliatoires, policières, économiques et politiques. C’est au point que, renonçant à passer quelques jours de repos en Europe, ce qui aurait eu un effet désastreux sur l’opinion en...