«Est-ce parce que la chaîne en question appartient au chef du gouvernement ou parce qu’il a plus confiance dans un journaliste égyptien que dans les journalistes libanais et dans leur nationalisme, que le ministre de l’Information» a dispensé la «Future» de ces mesures? C’est en ces termes que le député de Batroun s’est adressé au gouvernement.
D’ailleurs, il ne s’agit pas là du seul reproche qu’il a formulé à l’égard de l’Exécutif: M. Harb a tiré à boulets rouges contre le gouvernement et sa question était davantage une plaidoirie en faveur du respect des libertés et des lois qu’une simple interpellation.
Respecter les règles
et les conditions
Le député de Batroun a rappelé les dispositions de la loi définissant le cadre légal de l’émission par satellite en direction des Etats arabes. Selon ces textes, le média qui obtient une licence du ministère des P. et T. doit s’engager à respecter «les termes de la loi, les règles en vigueur et les conditions de location d’un canal». Il doit aussi formellement s’engager à ne pas diffuser:
— Des nouvelles et des programmes politiques sans autorisation préalable, celle-ci étant accordée par le Conseil des ministres sur proposition du ministre de l’Information.
— Des programmes de nature à porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité de l’Etat, aux bonnes relations du Liban avec les Etats arabes et occidentaux ou à la sécurité de ces Etats.
— Des programmes pornographiques ou susceptibles de provoquer des dissensions confessionnelles, ou encore comportant des critiques visant les croyances religieuses des Etats récepteurs, ou encourageant l’établissement de relations avec Israël.
Etat policier
M. Harb a cité également les textes précisant les cas dans lesquels la licence accordée à un média est retirée, avant de souligner que le gouvernement a «outrepassé ses prérogatives juridiques lorsque le ministre de l’Information a publié le 23 janvier un arrêt imposant le contrôle préalable aux nouvelles, aux programmes et aux matières politiques directes ou indirectes destinées à l’émission par satellite, et a formé un groupe de contrôle habilité à suspendre ou à interrompre la diffusion de toute nouvelle dont il n’approuve pas».
M. Harb a insisté sur l’interruption, mardi, de l’émission du bulletin de la LBCI destinée au monde arabe. Ce journal, rappelle-t-on, laisse peu de place aux nouvelles locales et est axé sur des nouvelles intéressant les téléspectateurs arabes. «Ce jour-là, a indiqué M. Harb, le Liban est apparu au monde arabe et occidental sous un visage auquel personne n’est habitué, celui d’un Etat policier dont le gouvernement interdit la diffusion d’une nouvelle politique, en dépit du jugement du Conseil d’Etat ordonnant la suspension du contrôle préalable sur les nouvelles et les programmes politiques».
M. Harb a enchaîné en dénonçant la politique «discriminatoire» du gouvernement, qui a «resserré l’étau autour de certaines chaînes et n’a exercé aucun contrôle sur d’autres». «C’est ainsi qu’il a autorisé l’une d’elles à diffuser par satellite des programmes politiques en direct ou sans autorisation préalable et suspendu les programmes d’une autre», a-t-il indiqué avant de formuler une série de remarques.
Au nombre de celles-ci:
— «Que le ministre de l’Information ait à approuver le programme général d’une chaîne avant qu’il ne soit retransmis par satellite ne signifie pas que tout programme politique ou d’informations doit être soumis à un contrôle préalable.
— Les sanctions imposées aux contrevenants rendent inutiles le contrôle ou l’autorisation préalables des programmes.
— La Constitution consacre les libertés publiques et notamment la liberté d’expression et d’opinion.
— Une loi en contradiction avec le principe de la liberté d’expression ou limitant cette liberté doit être considérée comme étant exceptionnelle; elle ne peut être appliquée que d’une manière restreinte. Toute interprétation extensive de la loi est anticonstitutionnelle et illégale».
Le cas de la
«Future TV»
Sur base de ces remarques, M. Harb a questionné le gouvernement sur la politique qu’il suit en matière d’information. Il a demandé à connaître «le texte juridique sur lequel il se base pour soumettre la retransmission par satellite à un contrôle préalable». Il s’est aussi interrogé sur le point de savoir si l’Exécutif «a l’intention d’imposer davantage de restrictions sur les libertés publiques, et notamment la liberté d’expression, après avoir porté atteinte aux libertés syndicales et à la liberté de rassemblement et de manifestation, consacrées par la Constitution».
Le député du Batroun a posé une série d’autres questions: «Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas exécuté le jugement avant dire droit du Conseil d’Etat, d’autant qu’il lui a été officiellement communiqué? Pourquoi le ministère a autorisé la «Future Television» à diffuser une série de programmes politiques en direct, sans autorisation et contrôle préalables? Est-ce parce que la chaîne en question appartient au chef du gouvernement ou parce qu’il a confiance dans un journaliste égyptien davantage que dans les journalistes libanais et dans leur nationalisme?» M. Harb faisait allusion à la série d’interviews organisées par la «Future» et «Orbit». Plusieurs hommes politiques et personnalités libanaises avaient été interviewés à cette occasion par le journaliste égyptien Imadeddine Adib.
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