Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

L'acte d'accusation dans l'affaire Raafat Sleimane publié hier Dagher requiert la peine de mort à l'encontre de Tayyar et de Harmouche

M. Fawzi Dagher, premier juge d’instruction du Mont-Liban, a requis la peine de mort contre Tony Tayyar et Mohammed Harmouche pour implication dans le meurtre de Raafat Sleimane, fonctionnaire au ministère des Finances assassiné le 25 septembre dernier par Farid Moussalli, lui-même tué le 17 novembre 1996 par la Sûreté de l’Etat lors d’une descente dans un chalet à Achkout (Kesrouan).
L’acte d’accusation rendu public hier retrace dans les moindres détails cette affaire restée en tête de l’actualité pendant des semaines. C’est l’histoire d’une association de malfaiteurs qui ont détourné pendant des mois des centaines de millions de livres des caisses du ministère des Finances avant de se disputer à cause du partage du butin et de régler leurs comptes à coups de revolver.
L’acte d’accusation du juge Dahger (en 33 pages dactylographiées) est digne des plus célèbres séries noires policières. L’histoire commence il y a huit ans, lorsque Raafat Sleimane est muté du ministère de l’Education à celui des Finances où il est chargé de la vente des timbres fiscaux en contrepartie d’une marge de gain de 5%. Quelques temps plus tard, Sleimane fait la connaissance de Tony Tayyar, trésorier dans le même département. Très vite, les deux hommes deviennent des amis et commencent à utiliser les milliards de livres qui leur passent entre leurs mains pour faire des affaires personnelles. Ils ont commencé par acheter des voitures en «empruntant» dans la caisse des sommes qui étaient restituées quelque temps plus tard. Ils ont aussi prêté de l’argent pour des périodes relativement courtes, notamment au changeur Kamel Abou Nader. C’est chez ce dernier que Tayyar rencontre en 1995 Farid Moussalli, connu dans le «milieu» pour être spécialisé dans la falsification des billets de banque. Il faisait d’ailleurs l’objet d’un mandat d’arrêt en Arabie Séoudite.
Très vite, Tayyar et Moussalli (qui est Palestinien) se lient d’amitié. Souvent, Moussalli rend visite à son ami au ministère et en observant les fonctionnaires, notamment Raafat Sleimane, une idée diabolique prend forme dans son esprit: pourquoi ne pas vendre des timbres falsifiés, le profit grimpera ainsi de 5% à 100%. Il achète auprès d’un fonctionnaire, Nabil Kasti, pour deux millions de livres de timbres qu’il s’empresse de montrer à des complices spécialistes dans la falsification: l’entreprise n’est pas impossible, elle peut être réalisée sans grande peine, lui répondent-ils. Raafat Sleimane n’est pas difficile à convaincre et le réseau se met rapidement en place. Moussalli achète de puissants ordinateurs qu’il confie à Jean Rahmé. Les timbres falsifiés sont produits dans l’imprimerie Karah.
Début 96, l’opération commence. Chaque semaine, Moussalli fournit à Sleimane une enveloppe contenant des timbres falsifiés. Une fois par semaine, le fonctionnaire remet au faussaire le fruit des ventes: à peu près 35 millions de livres, selon Tayyar: Celui-ci reçoit une petite somme alors que les deux autres se partagent le gros du magot.
Tout semble rouler à la perfection jusqu’au jour où, par pur hasard, les services de sécurité trouvent des timbres falsifiés dans une voiture accidentée appartenant à des membres de la famille Karah. De fil en aiguille, la police découvre l’imprimerie qui est placée sous scellé. Moussalli est obligé de prélever des timbres sur son stock et le réseau se trouve contraint de travailler au ralenti. Le doute commence à s’installer entre Moussalli et Sleimane. Ce dernier se réserve la part de lion dans le partage du butin. Tayyar tente plusieurs médiations qui échouent. Ne se sentant pas en sécurité, Moussalli va en Syrie pendant quelques jours avec son ami, complice et garde du corps, Mohammed Harmouche lui même de nationalité syrienne. Les deux hommes s’installent dans une villa louée à Homs. Régulièrement, Tayyar fait des rapports, par téléphone, à son patron qui lui demande si Raafat Sleimane lui a remis de l’argent. Mais même entre Tayyar et Sleimane, les relations se détériorent.
Moussalli rentre au Liban avec la ferme intention d’en finir «une fois pour toute» avec Raafat. En dépit de plusieurs gestes de bonne volonté de Sleimane qui remet à ses complices des sommes d’argent, Moussalli ne change pas d’avis. Patiemment, il prépare le plan du meurtre parfait. Un soir de septembre 1996, il fait une partie de carte avec Harmouche dans son appartement de Ballouné. Vers minuit, il se rend dans la cuisine et revient avec un bocal de Nescafé à l’intérieur duquel flotte un étrange magma blanchâtre rougeâtre. «C’est ce qu’il reste d’un os avec de la viande après l’avoir trempé dans de l’acide», explique-t-il à son compagnon, un sourire mauvais aux lèvres. «C’est de cette façon que nous pourrons faire disparaître Raafat».
Tayyar se charge de convaincre Sleimane de rencontrer Moussalli. Pour cela, il invente une histoire invraisemblable. Il lui dit que Moussalli est prêt à payer 100.000 dollars s’il l’aide à faire sortir de prison un certain détenu de la famille Khoury. Après plusieurs rendez-vous manqués, Raafat se rend dans la matinée du 25 septembre à Sarba pour négocier l’accord, dans un appartement de l’immeuble Odeimy. Harmouche fait le guet dans la rue. Raafat arrive et monte au deuxième. Une demi-heure après, Moussalli descend en sueur: «C’est fini». Les deux hommes remontent dans l’appartement. Moussalli raconte à son complice qu’il a abattu Raafat d’une balle de 7mm dans la tête. Il a ensuite placé son corps nu dans un baril de plastique acheté à Tripoli par Harmouche. Les deux hommes versent de l’acide dans le fût qu’ils ferment hermétiquement avec de la silicone.
Par téléphone Tayyar, est informé des développements. Moussalli se rend au ministère des Finances et essaye en vain d’ouvrir le bureau de Sleimane avec les clés qu’il a récupérées. Son objectif est de s’emparer de l’argent dans le coffre du fonctionnaire, un rêve qu’il n’arrive pas à réaliser. Peut-être à cause de sa nervosité, il ne réussit pas à ouvrir la porte du bureau.
Le surlendemain, Moussalli charge son fils Fouad et un de ses employés Hicham Allouche d’aller nettoyer l’appartement de Sarba. Pendant des heures , les deux jeunes gens s’appliquent à nettoyer les tâches de sang séché des murs. Le corps de Raafat n’est plus là. La veille, Farid Moussalli avait placé les restes du fonctionnaire dans un sac qu’il avait jeté dans un vallon de Ghosta.
Moussalli a le sentiment d’être surveillé. Il se réfugie dans un chalet de Achkout où il est abattu par une patrouille de la Sûreté de l’Etat venue l’arrêter et en direction de laquelle il a ouvert le feu. Pendant ce temps, l’étau se resserre autour d’Antoine Tayyar qui continue à aller à son bureau normalement. Quelques jours plus tard, il est appréhendé par les forces de l’ordre. Harmouche, réfugié en Syrie est livré aux autorités libanaises. Et c’est grâce à leurs révélations que la boucle est reconstituée.
M. Fawzi Dagher, premier juge d’instruction du Mont-Liban, a requis la peine de mort contre Tony Tayyar et Mohammed Harmouche pour implication dans le meurtre de Raafat Sleimane, fonctionnaire au ministère des Finances assassiné le 25 septembre dernier par Farid Moussalli, lui-même tué le 17 novembre 1996 par la Sûreté de l’Etat lors d’une descente dans un chalet à Achkout...