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Actualités - CHRONOLOGIE

Le gouvernement opte pour des mesures économiques drastiques L'importation de nombreux produits agricoles interdite Hausse importante des taxes douanières sur les voitures (photos)

Il faudra sans doute plusieurs jours aux Libanais pour assimiler et évaluer la véritable portée des importantes décisions qui ont été adoptées au cours du Conseil des ministres extraordinaire qui s’est tenu hier soir au Palais de Baabda sous la présidence du chef de l’Etat Elias Hraoui. Au terme de plus de quatre heures de débats (qui se sont achevés vers 22h15), le gouvernement a annoncé plusieurs mesures qui auront un grave impact sur la vie quotidienne des Libanais: la nouvelle politique agricole préconisée par le ministre de l’Agriculture Chawki Fakhoury — politique axée essentiellement sur l’interdiction de l’importation d’une série de produits agricoles — a été approuvée; elle entrera en application début octobre. Sur un tout autre plan (et c’est là que réside la surprise du Conseil des ministres d’hier soir), les taxes douanières sur les voitures usagées et neuves ont été augmentées d’une manière substantielle et ont été fixées entre 50% et 200% du prix de la voiture à l’importation pour les véhicules de plus de 15 millions de L.L. (voir par ailleurs les résolutions du conseil des ministres).
Deux déclarations faites par M. Fakhoury, le matin, et par le ministre d’Etat chargé des Affaires financières Fouad Siniora, tard en soirée, permettent d’éclairer quelque peu notre lanterne au sujet des motivations qui ont sous-tendu ces décisions prises par le gouvernement. Annonçant, d’entrée de jeu, la couleur, le ministre de l’Agriculture a ainsi prôné hier matin «l’autosuffisance» sur le plan agricole, soulignant que l’économie nationale devrait avoir comme fondement essentiel l’agriculture. Précisant que la politique qu’il préconise s’inscrit dans le long terme et a pour but de «protéger la production nationale», M. Fakhoury a mis l’accent sur la nécessité de «protéger l’agriculteur libanais de toute concurrence étrangère». «Le pays doit consommer ce qu’il produit», a encore précisé le ministre.
Dans la pratique, la nouvelle politique adoptée en soirée par le gouvernement prévoit trois catégories de produits agricoles: une première catégorie dont l’importation sera totalement interdite; une deuxième série de produits qui seront soumis à des taxes douanières accrues afin de protéger la production nationale; et une troisième catégorie dont l’importation ne sera autorisée qu’à titre exceptionnel et durant un laps de temps déterminé.
Il était, certes, encore trop tôt hier soir pour analyser en profondeur le bien-fondé, la portée et les retombées de telles mesures. Mais d’emblée, plusieurs questions se posent sur ce plan. Avec l’adoption de cette nouvelle politique agricole, le pays ne s’engage-t-il pas d’une certaine façon sur la voie d’un dirigisme économique qui n’est plus de mise depuis longtemps? N’y a-t-il pas contradiction entre une telle politique et l’orientation mondiale visant à abolir les barrières douanières? Ces mesures ne sont-elles pas en porte-à-faux avec les négociations dans lesquelles le
Liban est engagé dans le cadre du projet de partenariat euro-méditerranéen qui vise, précisément, à établir une zone de libre- échange entre les pays du bassin méditerranéen?
D’une manière plus ponctuelle (et non moins importante), cette nouvelle politique ne risque-t-elle pas de favoriser la contrebande à grande échelle, compte tenu de la situation totalement incontrôlable aux frontières terrestres du Liban? Le monopole accordé ainsi aux producteurs locaux ne risque-t-il pas de se répercuter sur les prix et, surtout, sur la qualité des produits disponibles sur le marché? Autant d’interrogations auxquelles les responsables devront répondre dans les jours qui viennent.

Les taxes sur
les voitures

Si le dossier de la politique agricole reste encore à éclaircir, celui des nouvelles taxes imposées sur les voitures a été, par contre, explicité tard en soirée par le ministre d’Etat chargé des affaires financières. Interrogé à ce propos par «L’Orient-Le Jour», M. Siniora a précisé que la tarification qui était en vigueur jusqu’à présent imposait une taxe de 20% du prix de la voiture pour tout véhicule dont le prix était inférieur à 25 millions de LL et 35% du prix de la voiture pour les véhicules de plus de 25 millions de LL.
La nouvelle tarification prévoit la perception de taxes douanières d’une manière progressive suivant les tranches du prix de la voiture à l’importation. Si le véhicule est usagé, la taxe minimale sera de 5 millions de LL, quel que soit le prix du véhicule. Pour les voitures neuves dont le prix est inférieur à 15 millions de LL (soit près de 10.000 dollars), la taxe demeure inchangée, soit 20% du prix à l’importation.
Pour les voitures neuves et usagées, la taxe progressive sera perçue désormais comme suit: 50% du prix à l’importation pour la tranche comprise entre 15 millions et 50 millions de LL; 100% du prix à l’importation pour la tranche comprise entre 50 et 100 millions de LL; et 200% du prix de la voiture pour la tranche supérieure à 100 millions de LL. En clair, cela signifie qu’un véhicule dont le prix à l’importation est, à titre d’exemple, de 75 millions de LL sera taxé comme suit: 20% sur la première tranche de 15 millions de LL (soit 3 millions de LL), 50% sur la deuxième tranche (soit 50% de 50 millions de LL), et 100% sur la dernière tranche de 10 millions de LL.
M. Siniora devait préciser à «L’Orient-Le Jour» que cette nouvelle tarification douanière vise à atteindre plusieurs objectifs: freiner l’afflux de voitures usagées de manière à juguler les effets de la pollution due à de tels véhicules; encourager la population à acquérir de nouvelles voitures plutôt que des véhicules usagés; et diminuer le parc automobile. M. Siniora a indiqué à ce propos que près de 70.000 voitures sont importées chaque année alors que le parc automobile est déjà de plus de 1,3 million de véhicules. «A ce rythme, a souligné M. Siniora, il faudra construire des routes à plusieurs niveaux. Il faut trouver une solution à ce problème. On ne fait d’omelette sans casser les oeufs», a-t-il précisé.
Il est louable, dans un tel contexte, de vouloir encourager les Libanais à acheter des voitures neuves. Mais encore faut-il qu’ils puissent bénéficier de revenus suffisants à cette fin. M. Siniora ajoute sur ce plan que l’Etat est déterminé à développer les transports en commun. Reste à savoir si ces moyens de transport pourront relier le Grand Beyrouth aux secteurs périphériques du pays et aux régions montagneuses. Comme lot de consolation, le gouvernement précise en outre que les taxes demeurent inchangées sur les voitures de moins de 10.000 dollars. Mais la proportion de ce type de véhicules présents sur le marché est-elle significative? M. Siniora affirme à ce sujet que 45% des voitures existant sur le marché ont un prix inférieur à 10.000 dollars et 57% ne dépassent pas 12.000 dollars.
En tout état de cause, le débat sur les mesures prises hier soir par le gouvernement est désormais ouvert. Une réalité paraît s’imposer en première analyse: une fois de plus, ce sont surtout les classes moyennes et laborieuses qui semblent être appelées à supporter le gros des charges financières. Les grandes entreprises bénéficient, elles, d’une baisse des taxes afin de relancer des investissements qui demeurent, pour l’heure, bien en deçà du niveau requis.

M.T.
Michel TOUMA
Il faudra sans doute plusieurs jours aux Libanais pour assimiler et évaluer la véritable portée des importantes décisions qui ont été adoptées au cours du Conseil des ministres extraordinaire qui s’est tenu hier soir au Palais de Baabda sous la présidence du chef de l’Etat Elias Hraoui. Au terme de plus de quatre heures de débats (qui se sont achevés vers 22h15), le...