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Actualités - REPORTAGE

A l'Assembly Hall, sous l'égide des JML Le dialogue des extrêmes : trompette et harpe

Les Jeunesses musicales du Liban, sous la férule de leur nouveau président Joe Letayf et en collaboration avec l’ambassade de Hongrie, ont préparé à l’intention des mélomanes libanais un programme non seulement intéressant mais bien inhabituel dans le ronron de notre paysage musical. Un duo hongrois, György Geiger et Eva Maros ont présenté un concert de trompette et harpe, dont les accords et les résonances à l’Assembly Hall ont pris les auditeurs un peu de court. Mais ce qui est certain, c’est que tout le monde est resté sous le charme de ce dialogue, peu probable de prime abord, fait de notes éoliennes et liquescentes et d’accents forts et cuivrés. La correspondance des extrêmes, pour dire combien la musique est imprévisible et peut revêtir plus d’une formulation.
Au menu: une riche palette de partitions incluant Bach, Haendel, Pergolese, Schubert, Ravel, Debussy, Donizetti, Tchaikovsky, Rossini, Bartok et Hartmann. Piété et ferveur avec cette musique, conciliant en une toute paisible harmonie les élans novateurs de la Renaissance et les volutes de la foi chrétienne dès les premières mesures de ce «Chorale de la cantate No. 147» de J.S. Bach où la trompette a des tons décidés et graves tandis que la harpe tisse une toile de fond sonore, frémissante de douceur. «Air et variation» de Haendel soutenait toujours cette atmosphère empreinte de ferveur, sans toutefois marquer une inspiration libre, presque sans effort, pour une narration spontanée et d’une étonnante limpidité. Moment de grâce prolongé grâce à cette «passacaille» (toujours de Haendel) pour harpe seule qui a transporté l’auditoire vers des rives célestes. Atmosphère italienne hantée par d’habiles modulations faites d’élégance et d’une certaine préciosité de cour avec la «Nina» de Pergolese. Retour à Bach avec un «petit prélude» pour harpe seule, où se succèdent de lumineux chromatismes révélant par là l’éblouissante connaissance du Cantor des ressources de tout instrument de musique. «La sérénade» de Schubert fut l’occasion de retrouver un air qu’on entend souvent sur piano ou orchestre. Ardent, vibrant, d’un style chaleureux avec une pointe de mystère est «l’adagio» d’Albinoni qui se répand en grandes ondes sonores.
Après l’entracte, sortilèges de Ravel avec une flamboyante «Habamera» et une fière «Pavane» où triomphent des rythmes vifs et variés ainsi que des associations audacieuses de timbres qui font fi des traditions mais qui reflètent toutefois des effets précis et gardent avec rigueur un constant souci d’expressivité.
Raffiné, délicat, à la limite compliqué Debussy qui nous enchante avec ce «Clair de lune» pour harpe seule où scintille comme dans un ciel étoilé un univers sonore. Changement de cap et de monde avec l’«Anna Boleyn» de Donizetti, par le biais de cet «air de Smeton».
Souple, vivante, riche en mélodies, cette musique ne manque ni de charme ni de piquant et demeure malgré les tensions du drame, d’une délicieuse légèreté...
Un passage du «Lac des cygnes» de Tchaikovsky ramène à notre mémoire ces gracieuses danseuses aux gestes éthérés, évoluant à la pointe de leurs chaussons dans un nuage de tulle et qu’accompagne une pluie de notes séraphiques, révélant un peu la part intime et cachée de ce Russe qui, tout en incorporant le folklore de son pays dans ses partitions, n’en affectionnait pas moins l’Italie (où vivait d’ailleurs son frère) avec une liberté et une licence que Piotr Illitch enviait secrètement...
La sonate (pour harpe seule) de Rossini est un authentique morceau de bravoure où s’enchaînent avec une brillante habilité et une savoureuse fraîcheur souplesse de la mélodie, efficacité des modulations et richesse et clarté harmonique.
Discret hommage à la Hongrie et malicieux clin d’œil à l’Orient à travers deux œuvres: «Une soirée au Székély» et «Mélodie arabe» de Bela Bartok. Novateur et maître des effets des dissonances successives, Bartock se montre dans le premier libéré de tout système et ne redoute pas d’employer la tonalité dans sa forme la plus dépouillée.
Dans le second morceau, il révèle une âme élégiaque et battant des pulsations d’une vie partagée entre la tourmente et le rêve. Pour terminer, puisant aux sources du folklore danois, J. Hartmann à travers «facilita», a le discours serein, presque froid, avec toutefois des passages où s’agitent comme à travers une brume légère des sentiments indomptés tel un pressant appel à la vie.
Entre les éclats nuancés et d’un souffle vigoureux de la trompette de Gyôrgy Geiger et les glissés de pédale doux comme une pluie de cristal d’Eva Maros, le public a découvert, avec ravissement, la subtile alliance de ces notes éoliennes et cuivrées. Un enthousiaste rappel et un tonnere d’applaudissements ont salué cette performance d’un art maîtrisé avec une élégante discrétion.

Edgar DAVIDIAN
Les Jeunesses musicales du Liban, sous la férule de leur nouveau président Joe Letayf et en collaboration avec l’ambassade de Hongrie, ont préparé à l’intention des mélomanes libanais un programme non seulement intéressant mais bien inhabituel dans le ronron de notre paysage musical. Un duo hongrois, György Geiger et Eva Maros ont présenté un concert de trompette et...