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Actualités - CHRONOLOGIE

Une nouvelle épée de damoclès suspendue au-dessus de la tête du chef syndical Abou Rizk sera entendu ce matin par Addoum au sujet des menaces qu'il aurait reçues (photo)

Bien que Me Naji Boustany ait affirmé hier n’avoir pas été notifié de la convocation de son client, Elias Abou Rizk, par le procureur général près la Cour de cassation, M. Adnane Addoum, ce dernier devrait interroger ce matin le leader syndical. M. Addoum souhaiterait savoir de la bouche de Abou Rizk qui sont les parties, au sein de l’Etat, qu’il a accusées, dans des fax envoyés aux instances internationales du travail, de vouloir attenter à sa vie. Si M. Addoum n’est pas convaincu du sérieux des craintes du chef de la centrale syndicale non reconnue par l’Etat, celui-ci serait passible de nouvelles poursuites pénales, pour crime d’atteinte à la crédibilité et à l’image de l’Etat. C’est dire que les autorités sont déterminées à mettre le parquet contre M. Abou Rizk, faisant fi de l’immense vague d’indignation soulevée par son arrestation.
Au cas où l’une des accusations s’avérerait insuffisante pour le garder en prison, une autre serait aussitôt avancée. Me Boustany, qui déclarait hier aux journalistes que son client n’a commis aucun acte criminel passible de poursuites pénales, pourrait donc avoir à plancher sur un nouveau dossier...
En attendant, après une première nuit de détention au dépôt du Palais de justice, Abou Rizk en a passé deux autres à l’hôpital Ghossein, à Hazmieh. Blanc et comme inachevé, le bâtiment de quatre étages a l’air tout à fait paisible, de prime abord. Il faut s’en approcher de très près pour remarquer les agents des FSI discrètement postés dans le hall. En principe, l’entrée n’en est pas interdite, puisque l’hôpital est ouvert aux civils. Mais comme il n’a pas beaucoup de patients, les visiteurs sont rares. Ils sont généralement installés dans les chambres des deux premiers étages, le troisième étant réservé aux prisonniers, l’hôpital ayant conclu un accord avec la direction des FSI pour accueillir tous les détenus malades. C’est donc dans l’une des chambres sans numéro du troisième étage, dont les fenêtres sont munies de barreaux, qu’est installé M. Abou Rizk. Le chef de la centrale syndicale non reconnue par l’Etat souffre de diabète, d’hypertension et d’irrégularité dans le rythme cardiaque. Théoriquement, il n’a droit aux visites que sur une autorisation du procureur général près la Cour de cassation. De fait, arrivé à l’hôpital à 19 heures samedi, il a reçu dimanche matin son frère, le général Abou Rizk, ainsi que son jeune fils. Ses proches qui attendaient dehors n’ont pu le voir et son avocat Me Boustany, arrivé vers 13 heures, affirme officiellement s’être contenté d’une longue entrevue avec le frère de son client, le général Abou Rizk.

L’ovation de samedi

Les journalistes postés devant l’entrée de l’hôpital ne sont pas vraiment dupes. Ni les occupants des multiples voitures passant devant l’entrée de l’hôpital et dont les conducteurs s’empressent de klaxonner bruyamment pour se faire entendre de M. Abou Rizk. Tous devinent que si les proches du détenu dont le cas défraie la chronique préfèrent rester discrets, c’est bien parce que les autorités sont déterminées «à réagir violemment» contre M. Abou Rizk. Surtout après l’ovation de deux minutes qui lui avait été réservée, samedi, à son arrivée devant le bureau du juge d’instruction Saïd Mirza. Ses nombreux partisans, tous des responsables syndicaux membres de la CGTL qu’il préside ainsi que des députés de l’opposition tels que Zaher el-Khatib et Ammar Moussawi, des représentants du parti Kataëb, du courant aouniste, du Hezbollah et de bien d’autres formations ont applaudi frénétiquement dès qu’il est apparu, scandant «Abou Rizk, liberté». Quelques-uns de ses compagnons se sont précipités, défiant les FSI, pour lui donner l’accolade et lui, souriant et fier à son habitude, s’est tourné vers ses partisans, et a crié d’une voix claire: «Je ne cèderai pas». Ce qui lui a valu une nouvelle ovation encore plus enthousiaste et les agents de la sécurité, totalement débordés, ne savaient plus comment contenir la foule.
C’est sans doute cet important appui populaire qui a valu à M. Abou Rizk un mandat d’arrêt, alors qu’auparavant la rumeur laissait entendre qu’il pourrait être libéré sous caution à l’issue de son interrogatoire par le juge d’instruction. D’autant que, selon des sources judiciaires, l’interrogatoire s’était plutôt bien passé, le juge Mirza n’ayant pas insisté pour pousser Abou Rizk à renoncer à son titre de chef de la centrale syndicale. Il s’est contenté de s’informer sur les détails du règlement interne de la centrale syndicale et du rôle du ministère du Travail dans les élections du bureau exécutif de la CGTL.

Choc terrible

Son interrogatoire achevé vers 12h, le juge Mirza s’est rendu chez le procureur Addoum pour une dernière mise au point et sa décision n’a été divulguée qu’une heure plus tard, lorsqu’il l’a communiquée à Me Naji Boustany. Pour les partisans de M. Abou Rizk, disséminés entre les étages réservés au parquet et au juge d’instruction et l’immense salle des pas perdus, le choc est terrible. Certains ne parviennent pas à retenir leurs larmes et c’est un spectacle poignant que celui de ces hommes rudes, qui triment dur pour gagner leur vie et celle de leurs familles, pleurant comme des enfants parce que l’homme qui est devenu le symbole de leur lutte est emprisonné comme un vulgaire criminel...
Le premier choc surmonté, les partisans de M. Abou Rizk tentent de mettre au point une action de solidarité efficace. Ils sont parfaitement conscients que l’heure est très grave. Et dans ces circonstances, la proposition orpheline du chef de la centrale syndicale reconnue par l’Etat, M. Ghanim Zoghbi, de retirer sa plainte contre Abou Rizk leur paraît dérisoire. En effet, non seulement elle est inapplicable, mais de plus elle est inutile. Car, même si Zoghbi retire sa plainte, l’action publique se poursuivra. Sans compter le fait que le parquet s’apprête à lancer contre Abou Rizk de nouvelles accusations...
Les milieux syndicaux proches de Abou Rizk rappellent que le candidat Ghanim Zoghbi avait promis au patriarche Sfeir de présenter sa démission s’il ne parvenait pas à réunifier la centrale syndicale. Et le patriarche maronite lui aurait alors conseillé d’agir selon sa conscience... Or, aujourd’hui, la centrale est plus divisée que jamais et l’un de ses symboles est en prison. Cela devrait être suffisant pour pousser Zoghbi à démissionner, estiment ces milieux qui ajoutent: «Mais il n’est pas libre de ses décisions. Il est totalement isolé au sein de la centrale qu’il préside et s’il s’en va, il sera rapidement remplacé puisque les hommes que l’Etat a placés au bureau exécutif ne partiront pas avec lui...» Selon ces milieux il n’y aurait donc aucune issue possible de ce côté. pour eux, il n’y a qu’une seule voie: la lutte encore et toujours, pour sauver la centrale syndicale — ou une partie d’elle — de la mainmise de l’Etat. C’est dans ce contexte qu’ils placent les poursuites engagées contre Abou Rizk et ils pensent que le seul moyen de pousser l’Etat à renoncer à ce qu’ils qualifient de vengeance, c’est de multiplier les pressions populaires et internationales. Déjà, les congrès internationaux de Copenhague et de Genève auxquels devaient participer M. Abou Rizk ont placé son arrestation en tête de leur ordre du jour.
L’Etat libanais — officiellement si soucieux de son image à l’étranger — pourra-t-il continuer à ignorer ces réactions? Les proches de M. Abou Rizk n’osent plus avancer de pronostics, car vendredi, ils croyaient qu’il ne serait pas arrêté et samedi, ils pensaient qu’il allait être libéré sous caution d’élection de domicile... Aujourd’hui son avocat, Me Naji Boustany, présentera au juge Mirza une demande de remise en liberté sous caution accompagnée d’une étude détaillée sur le cas Abou Rizk, basée sur le fait que les dispositions des articles 306 et 392 du code pénal (relatifs à l’usurpations de titre et de pouvoir) ne s’appliquent pas à cette situation, la CGTL n’étant ni un pouvoir, ni un établissement public. L’homme de loi pense que le dossier qu’il présente est solide, mais sera-t-il suffisant pour convaincre le juge et les autorités en général? Car, malheureusement, l’affaire Abou Rizk n’est plus seulement judiciaire, c’est désormais une affaire d’Etat...

Scarlett HADDAD
Bien que Me Naji Boustany ait affirmé hier n’avoir pas été notifié de la convocation de son client, Elias Abou Rizk, par le procureur général près la Cour de cassation, M. Adnane Addoum, ce dernier devrait interroger ce matin le leader syndical. M. Addoum souhaiterait savoir de la bouche de Abou Rizk qui sont les parties, au sein de l’Etat, qu’il a accusées, dans des fax...