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Actualités - CHRONOLOGIE

Débat animé à la chambre sur les écoutes téléphoniques Sur décision de Berry, une commission parlementaire d'enquête est formée (photo)

Le dossier a été évoqué à plusieurs reprises par certains milieux locaux, et les informations à ce propos circulent dans le pays depuis fort longtemps, mais c’est la première fois que le pouvoir est officiellement saisi de l’affaire: le problème des écoutes téléphoniques fera l’objet très prochainement d’investigations menées par une commission parlementaire élargie présidée par le chef du Législatif Nabih Berry. Cette décision a été prise en soirée au cours de la deuxième séance que le Parlement a tenue hier dans le cadre de la réunion-marathon consacrée aux questions écrites et aux interpellations adressées au gouvernement .
Le débat parlementaire s’annonçait morne en début de journée. Seule note discordante de la première séance matinale, l’attitude de M. Najah Wakim qui s’est retiré de la réunion pour tenir une conférence de presse au cours de laquelle il a violemment pris à partie M. Berry. Eternel frondeur, le député de Beyrouth a accusé le chef du Législatif d’avoir été de connivence avec le premier ministre Rafic Hariri pour empêcher la retransmission du débat parlementaire en direct sur les ondes de la radio et de la télévision.
«Le chef du gouvernement, a notamment souligné M. Wakim, s’en prend aux députés dans les médias et déforme la réalité. Nous voulions aujourd’hui (hier) rétablir la vérité, mais on nous a empêché de faire entendre notre voix. Cela n’aurait pas été possible s’il n’y avait pas connivence entre les deux présidences (le chef du Législatif et le premier ministre). Cela se produit toujours dans le cadre de marchés, de contrats ou de calculs clientélistes». M. Wakim a déploré sur ce plan que ce soit «le président de la Chambre et non le gouvernement qui ait porté le coup de grâce au Parlement». «Le président de l’Assemblée a pris la relève pour étouffer la vie politique et la démocratie», a encore souligné M. Wakim.

Les écoutes

Mais c’est surtout durant la séance nocturne qu’il aura été question d’atteintes à la démocratie et aux libertés individuelles. L’affaire des écoutes téléphoniques — qui est sur toutes les lèvres depuis longtemps — a donné lieu en effet à un débat particulièrement animé. Le ton a été rapidement donné par M. Berry lui-même en lançant une boutade, en réaction à une question écrite du président Sélim Hoss sur les écoutes téléphoniques. «Dites- moi combien de ministres se livrent à des écoutes pour que je sache lequel d’entre eux il faudrait interroger à ce propos», a déclaré sur un ton ironique M. Berry à l’adresse de l’ancien premier ministre.
Le ministre de l’Intérieur Michel Murr s’est alors lancé dans un bref historique des écoutes téléphoniques au Liban, remontant même à l’année 1948, lorsque le téléphone fonctionnait à la manivelle. Depuis, a précisé M. Murr en substance, le système des écoutes n’a cessé de se perfectionner et n’a pratiquement pas été abandonné, sauf au cours d’une brève période de trois mois au début des années 70 (à l’orée du mandat de feu le président Sleiman Frangié). M. Murr a par ailleurs souligné que les séquelles de la guerre n’ont pas encore été définitivement effacées et que la conjoncture présente est particulièrement délicate, ce qui nécessite «un surcroît de vigilance pour maintenir la sécurité et lutter contre la criminalité».
Le ministre de l’Intérieur a parachevé son exposé en précisant sans ambages que la pratique des écoutes téléphoniques est courante «dans tous les pays civilisés». Et M. Murr de préciser qu’un équipement ultra-sophistiqué est utilisé dans ces pays développés pour placer des lignes sur écoute. En conclusion, le ministre de l’Intérieur devait affirmer que seules quelques dizaines de lignes téléphoniques («entre 30 et 70», a-t-il affirmé) sont placées au Liban sur écoute.
L’argumentation de M. Murr n’a pas convaincu les députés. Plusieurs parlementaires, dont notamment le président Hoss ainsi que les députés Nassib Lahoud et Boutros Harb, ont perçu dans les propos de M. Murr une justification, voire une couverture politique, aux écoutes. «Les précisions du ministre de l’Intérieur n’ont fait qu’accroître mes craintes», a lancé M. Harb.
Mettant le doigt sur la plaie, l’ancien ministre et député du Chouf, M. Marwan Hamadé, devait affirmer qu’en réalité les écoutes téléphoniques se sont transformées en «un instrument de chantage et de manœuvres politiques, utilisé contre les blocs parlementaires, les responsables politiques et même les présidents». Et M. Hamadé d’ajouter que les écoutes sont devenues également un moyen «d’exploitation économique». Le député du Chouf a été jusqu’à dénoncer le fait que la pratique des écoutes soit devenue un «style de pouvoir».
Abordant le dossier sous un autre angle, l’ancien chef du Législatif Hussein Husseini a posé — fort à propos — le problème de la multiplicité des services de sécurité et de l’enchevêtrement de leurs prérogatives sur ce plan. Laissant entendre implicitement que les écoutes semblent échapper à tout contrôle, M. Husseini s’est interrogé sur l’identité de l’autorité dont dépend chacun des services de sécurité en présence.
Au terme du débat, M. Berry devait prendre la parole pour affirmer que plus d’un service sécuritaire au sein de l’Etat se livre à des écoutes téléphoniques. Le chef du Législatif a, d’autre part, souligné que cette affaire est d’autant plus grave que des «sociétés privées» se livrent, selon lui, à des écoutes systématiques, notamment au niveau des lignes cellulaires.
Reste à espérer dans un tel contexte que la commission d’enquête parlementaire formée à l’issue de la séance d’hier soir pour plancher sur ce dossier parviendra réellement à définir le cadre adéquat à la pratique des écoutes téléphoniques. Car l’objectif à atteindre est d’avoir recours, le cas échéant, à des écoutes pour lutter véritablement contre la criminalité ou pour sauvegarder la sécurité de l’Etat, et non pas pour se livrer à des manœuvres politiciennes ou autres.
Le dossier a été évoqué à plusieurs reprises par certains milieux locaux, et les informations à ce propos circulent dans le pays depuis fort longtemps, mais c’est la première fois que le pouvoir est officiellement saisi de l’affaire: le problème des écoutes téléphoniques fera l’objet très prochainement d’investigations menées par une commission parlementaire...