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Actualités - REPORTAGE

La bataille électorale s'annonce acharnée au Liban-nord

Pour la deuxième fois depuis la conclusion de l’accord de Taëf, des partielles sont organisées dans le mohafazat du Liban-Nord. En 1994, suite au décès de l’ancien ministre et député Abdallah Racy, des partielles ont eu lieu pour le pourvoi au siège grec-orthodoxe du Akkar qu’il laissait vacant. Le 29 juin prochain, retour aux urnes, pour un siège maronite et un autre sunnite au Akkar après l’invalidation des mandats de MM. Fawzi Hobeiche et Khaled Daher. La règle du jeu reste la même que pour les élections générales: le candidat se présente pour un siège dans un caza bien déterminé, mais c’est tout le mohafazat qui vote. Le Parlement compte sept sièges pour le caza du Akkar répartis comme suit: trois sunnites, deux grecs-orthodoxes, un maronite et un alaouite.
La bataille s’annonce, cette fois-ci, dure. Du côté maronite, beaucoup de postulants sont virtuellement sur les rangs. Mais seuls les deux personnalités présumées les plus fortes ont fait à ce jour acte officiel de candidature. Il s’agit, on l’aura deviné, de MM. Fawzi Hobeiche, ministre et député sortant (ou plutôt sorti par le Conseil constitutionnel) et Mikhaël Daher, ancien ministre qui avait représenté le Akkar dans l’hyper-longue législature de 72. Pour les deux, il s’agit «d’une bataille sérieuse» et non seulement d’une simple «figuration intelligente». Il y va, au-delà de toute considération d’influence, de leur prestige personnel. Ainsi, M. Daher fut, on le sait, à deux doigts de la présidence de la République en 88 (on se souvient de Richard Murphy s’exclamant: «Daher ou le chaos»!). Il ambitionne aujourd’hui de recouvrer un leadership «usurpé» par les manipulations de certains services «de fait accompli». Et de se remettre derechef en selle pour «une éventuelle destinée nationale»...
Pour sa part, M. Hobeiche, ancien président de l’Inspection centrale, le seul (du moins d’une manière publique) a avoir très mal pris la décision du Conseil constitutionnel, ne peut plus faire marche arrière. Il veut prouver que le leadership du Akkar ne sera plus l’apanage des grandes familles et qu’il n’est pas un simple instrument aux mains de certains pôles au pouvoir. Encouragé par ces mêmes pôles influents, M. Hobeiche a démissionné de son poste un mois seulement avant l’expiration du délai de présentation des candidatures pour les législatives de 1996 du mohafazat du Liban-Nord.
Du côté des sunnites, la bataille ne sera pas moins âpre. C’est «une bataille de survie» pour la Jamaa islamiya, murmure-t-on à Bébnine, le plus grand village sunnite du Akkar et fief de la Jamaa islamiya. Le seul rescapé de cette formation au Parlement, M. Khaled Daher, a vu son mandat parlementaire invalidé. Ironie du sort ou faux calcul au départ, l’un des deux recours acceptés contre son mandat parlementaire est celui de l’un de ses anciens colistiers de 1996, M. Jamal Ismaïl. Tous les deux appartenaient à la liste «du Développement et du changement» présidé par M. Ahmed Karamé.

Scrutin imprévu

De toute façon, candidats et électeurs semblent coincés par la décision du Conseil constitutionnel de tenir des partielles. «On ne s’y attendait pas du tout», s’exclame une femme d’un certain âge qui se trouve dans le jardin de la résidence de l’ancien ministre Mikhaël Daher à Kobeyate. Lui, par contre, estime simplement que le délai pour la préparation du terrain est relativement court. «Mais ma machine électorale s’est déjà organisée et a commencé son travail. Dans son verdict concernant la tenue d’élections partielles, le Conseil constitutionnel s’est basé sur les dispositions de la Constitution, qui lui attribuent plein pouvoir pour trancher les litiges et les invalidations relatifs aux élections présidentielles et parlementaires. Il a pu ainsi ignorer l’article 45 de son règlement intérieur élaboré en 1994 qui le contraint à proclamer la victoire au candidat dont le score vient juste derrière celui dont le mandat parlementaire a été invalidé», a souligné M. Daher avant de préciser qu’il a introduit une demande subsidiaire dans son recours devant le Conseil constitutionnel réclamant si nécessaire la tenue de nouvelles élections au Akkar. Il hésite, cependant, à parler de ses alliances. Mme Nayla Moawad, membre de la liste de «la Solidarité nationale» (première liste) conduite par le trinôme Omar Karamé, Sleiman Frangié et Issam Farès aurait-elle amorcé une ouverture en votre direction? «Il est prématuré d’en parler. Mais à présent, toutes les ouvertures sont permises», dit-il. Et d’ajouter qu’il était colistier de Mme Moawad lors des législatives de 1992. «Rien n’empêche de sceller à nouveau une telle alliance».
En 1996, la liste du «développement et du changement», appelée également deuxième liste (à laquelle appartient M. Daher) avait ravi huit sièges à la première liste.

Expectative au
niveau des alliances

Toujours à Kobeyate, à quelques mètres seulement de la résidence de M. Daher, se trouve celle de M. Fawzi Hobeiche où sont rassemblés parents et amis très proches. Il semble déterminé à tourner définitivement la page et à éviter toute attaque frontale avec quiconque. Ainsi, il ne veut plus répondre à toutes les questions concernant la décision du Conseil constitutionnel. «Désormais, la bataille électorale est ouverte. Une course contre la montre est engagée. 1500 scrutateurs doivent être mobilisés pour les bureaux de vote dans l’ensemble du mohafazat du Liban-Nord. J’ai entrepris des contacts tous azimuts avec mes anciens colistiers. La liste de la «Solidarité nationale» est déterminée à soutenir ma candidature. Mais il appartient aux membres de cette liste d’annoncer leurs positions», a-t-il dit.
Mais que reste-t-il de la cohésion de cette liste, neuf mois après la fin des législatives générales du mohafazat du Liban-Nord?
Déjà, à l’époque des listes du pouvoir appelées «les listes rouleau compresseur», la liste de la «Solidarité nationale» avait essuyé une défaite cuisante face aux autres listes censées être moins fortes. Onze des vingt-huit candidats de cette liste n’avaient pas été élus lors des élections de l’été dernier. A cela, on devra ajouter le fait qu’aussitôt les résultats du scrutin annoncés, plusieurs colistiers l’ont quittée politiquement ou du moins ont pris leur distance à l’égard de cette liste. C’est le cas par exemple du président Omar Karamé, qui, largement distancé par son cousin Ahmed Karamé, s’est démarqué politiquement de ces colistiers.
C’est le cas aussi du député Farid Makari, qui a rallié le camp des parlementaires du Liban-Nord proche du chef du gouvernement, M. Rafic Hariri.
A Bébnine où se trouve le quartier général de la Jamaa islamiya dans le Akkar, le schéma des futures alliances est en quelque sorte mieux défini. Khaled Daher, qui semble être imperturbable malgré l’indignation de ses partisans réunis autour de lui, affirme que la formation à laquelle il appartient privilégie une alliance avec son ancien colistier Mikhaël Daher. Il trouve en lui «un allié honnête et fidèle à ses engagements». «A ce niveau, l’expérience de l’été 96 est concluante», a dit Khaled Daher avant de souligner que le bureau politique de la Jamaa islamiya se réunira en cours de semaine pour définir sa position au sujet des alliances électorales. «Il y a cependant une constante. C’est une alliance avec Mikhaël Daher ou rien».
Pour ce qui est des chances de victoire du candidat de la Jamaa islamiya, l’on s’interroge si ce dernier pourra tirer profit de la rivalité de ses deux anciens colistiers, MM. Jamal Ismaïl et Mohamed Zohbi, tous les deux étant candidats et originaires de Wadi Khaled. Hier, colistiers, aujourd’hui Daher, Ismaïl et Zohbi sont en concurrence.
Selon M. Khaled Daher, ces deux anciens colistiers ont failli en 1996 à leurs engagements. Ils ont contracté des alliances parallèles. M. Daher affirme qu’à Wadi Khaled, fief de ses deux rivaux, il n’avait obtenu lors du dernier scrutin que 96 voix contre 1500 en faveur des deux autres.

Nombreuses
candidatures

A ces candidatures, il faut ajouter celle de M. Mohamed Yéhia, membre en 96 de la liste de «la Solidarité nationale» et originaire de Wadi Khaled. Celui-ci est convaincu que le Conseil constitutionnel a outrepassé ses prérogatives en décidant la tenue de nouvelles élections au Akkar. Cela ne l’empêche pas de s’activer. Au cours du week-end, il était en tournée à Tripoli et dans le Koura.
Il est nécessaire de signaler également que la liste des candidats ou potentiels candidats ne s’arrête pas aux noms cités. Pour les sunnites, on avance des noms comme l’ancien ministre Hassan Ezzeddine (PSNS) et pour les maronites des noms de candidats malheureux tels Issam el-Hajj, Joseph Mikhaël, Georges Mourani... Pour el-Hajj, il désire poser sa candidature au nom du «changement». Il estime qu’il a plus de chances cette fois-ci d’être élu en l’absence de «liste forte». «De toute façon, après la décision du Conseil constitutionnel, la situation a changé. Cela donne plus d’espoir pour l’avenir», a-t-il dit.
Mais «la situation» a-t-elle vraiment changé? Ce n’est pas aussi évident que cela. Le rapport élaboré à la demande du ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr, au sujet des irrégularités au dernier scrutin législatif en dit long. Selon ce rapport, la faute est imputée aux chefs de bureaux de vote et à leurs adjoints.
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Liliane MOKBEL
Pour la deuxième fois depuis la conclusion de l’accord de Taëf, des partielles sont organisées dans le mohafazat du Liban-Nord. En 1994, suite au décès de l’ancien ministre et député Abdallah Racy, des partielles ont eu lieu pour le pourvoi au siège grec-orthodoxe du Akkar qu’il laissait vacant. Le 29 juin prochain, retour aux urnes, pour un siège maronite et un autre...