Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Les recommandations papales : de simples veux pieux, jusqu'à nouvel ordre... régional

Les politiciens ont réussi, très vite, à galvauder ce slogan: «Inspirons-nous de l’Exhortation pontificale»... En réalité c’est bien plus facile à dire — d’autant que très peu semblent avoir lu le texte en entier — qu’à faire. Jusqu’à nouvel ordre (régional) il y a en effet peu de chances qu’on puisse transformer en décisions concrètes les recommandations du pape. Pour qui le Liban se trouve confronté à quatre problèmes majeurs:
— L’occupation israélienne du Sud. Un problème que ni le Liban ni les Arabes réunis ni même la communauté internationale ne sont en mesure de régler tant que les Etats-Unis, reniant la 425 dont ils furent pourtant les auteurs, maintiennent leur soutien à l’Etat hébreu et se refusent à lui enjoindre de se retirer. Cette occupation a suscité un mouvement de résistance libanaise active dont Israël, mettant la charrue devant les bœufs en inversant causes et effets, exige l’arrêt préalablement à tout projet de retrait. Pour le fond, il est évident que le blocage des négociations syro-israéliennes retarde ou compromet cette libération du Sud sans laquelle le Liban ne peut parachever son redressement.
— A ce propos, le Saint-Père note que le deuxième problème grave qui se pose reste la stagnation socio-économique dans laquelle se débat le pays. Le pouvoir d’achat des familles à revenus modestes ne cesse de régresser, tandis que les charges s’accroissent ainsi que le taux de chômage. Ce qui fait qu’à en croire le fameux rapport commandé par l’ESCWA, plus d’un tiers des Libanais vivent en dessous du seuil de la pauvreté. Le blocage régional, répétons-le, a pour effet de freiner l’investissement et le retour des capitaux étrangers ou d’émigrés. La production locale fait du surplace et dans ce domaine, comme dans tous les autres, qui n’avance pas recule.
— La troisième difficulté évoquée par Jean-Paul II est la présence de forces non-libanaises, entendre syriennes, sur le sol national. Les autorités locales, comme M. Rafic Hariri l’a confirmé dans sa dernière interview télévisée, continuent à soutenir que le pays a toujours besoin de ces forces. A en croire le président du Conseil, il n’y aurait pas de différend sur ce point même entre les Libanais, dont le désaccord porterait uniquement selon lui sur la détermination du délai pendant lequel le besoin de l’aide sécuritaire syrienne continuerait à se faire sentir. Un point de vue qui ne tient pas compte apparemment de deux nuances: d’abord l’opposition de l’Est estime que ce délai est écoulé, aux termes de Taëf, depuis cinq ans déjà; et ensuite qu’il n’appartient en réalité à aucune partie locale, loyaliste ou opposante, de fixer la période de cette présence qui dépend essentiellement de facteurs régionalo-internationaux. Il est clair en tout cas que l’occupation israélienne du Sud et d’une partie de la Békaa-Ouest est une menace de plus pour la sécurité de la Syrie qui est en droit d’y parer à travers ses positions dans cette zone. Ailleurs, et des efforts sont déployés dans ce sens par des pôles modérés, un redéploiement peut être envisagé sans préjudice pour Damas. Il reste que sur le plan politique intérieur, on peut estimer que la présence des forces syriennes, qui conforte beaucoup l’influence de Damas, reste d’actualité tant que les dirigeants de ce pays continueront à se quereller pour un oui pour un non et auront besoin d’un arbitrage de tous les instants.
— Le quatrième problème cité par le Saint-Père est celui des déplacés sur lequel vient se greffer le danger d’une radicalisation confessionnaliste des esprits. Là non plus la solution ne semble pas être pour bientôt, pour de multiples raisons, psycho-socio-politiques mais aussi financières...
L’Exhortation évoque ces quatre points, insolubles pour le moment. Ce qu’on peut donc attendre du texte papal, c’est qu’il inspire un nouvel élan pour l’édification d’un Etat de droit moderne qui respecte les libertés et les droits de l’homme ainsi que la démocratie... Là aussi, là surtout, on peut se montrer sceptique et se demander si ce n’est pas trop demander à la caste politique locale.

E.K.
Les politiciens ont réussi, très vite, à galvauder ce slogan: «Inspirons-nous de l’Exhortation pontificale»... En réalité c’est bien plus facile à dire — d’autant que très peu semblent avoir lu le texte en entier — qu’à faire. Jusqu’à nouvel ordre (régional) il y a en effet peu de chances qu’on puisse transformer en décisions concrètes les recommandations...