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Actualités - ANALYSE

La bataille pour le conseil constitutionnel vient à peine de commencer


Les milieux politiques locaux et les pays étrangers concernés par la situation au Liban observent attentivement l’attitude du pouvoir à l’égard du Conseil constitutionnel après les jugements qu’il a rendus invalidant les mandats de quatre députés. Pour la première fois dans l’histoire politique du Liban, les erreurs, les infractions et les exactions commises lors des élections législatives ont été dévoilées grâce au Conseil constitutionnel. Aujourd’hui, le pouvoir doit choisir entre deux voies: mettre en application une véritable démocratie en évitant de commettre une nouvelle fois les irrégularités révélées par le Conseil constitutionnel, ou persister à vouloir appliquer une démocratie de façade comme il le fait depuis des années.

Dans ce cas, les discours des responsables sur le Liban oasis des libertés et pays de la libre expression ne changeront rien à la triste vérité qui est que les Libanais vivent dans un Etat régi par l’arbitraire. Ce fut le cas des pays du bloc socialiste et des régimes totalitaires qui prétendaient vivre en démocratie, alors que les citoyens étaient privés des droits politiques les plus élémentaires.
Les jugements du Conseil ont provoqué un choc au sein de la classe dirigeante qui n’était pas habituée à ce genre de développement dans la vie politique libanaise. Les élections législatives truquées du 25 mai 1947 se sont déroulées sans que personne ne demande des comptes au pouvoir car, à cette époque, il n’y avait pas d’instance habilitée à le faire. Si une telle instance existait, le pouvoir n’aurait pas osé se rendre coupable d’autant d’irrégularités flagrantes. Le mandat du président Béchara el-Khoury n’aurait pas non plus été prorogé avec tellement de facilité avant qu’il se soit contraint de démissionner sous la pression de la classe politique et de la population.

Les élections de
57 et 92

Si le Conseil constitutionnel, ou toute autre institution similaire, existaient en 1957, le pouvoir n’aurait pas organisé le scrutin au cours duquel des grands chefs politiques ont échoué à cause de l’intervention de l’Etat. C’était notamment le cas de Saëb Salam, Abdallah el-Yafi, Kamal Joumblatt et Ahmed al-Assaad. La mise à l’écart de ces personnes devait permettre la prorogation du mandat du président Camille Chamoun. Et aujourd’hui, nul n’ignore plus que ces élections ont provoqué en partie les événements de 1958.
Cette logique s’applique aussi aux législatives de 1992. Si le Conseil constitutionnel avait été formé avant ce scrutin comme le stipulait le document de l’entente nationale, les élections n’auraient pas été organisées de la même façon. D’ailleurs, le pouvoir a sciemment retardé la formation de cette institution, afin de faire passer ses projets sans crainte.
Le pouvoir aurait certainement reporté sine die la formation du Conseil constitutionnel s’il avait su que celui-ci allait oser invalider les mandats de quatre députés et surtout pousser son audace jusqu’à appeler à la tenue d’élections partielles. En vérité, la classe dirigeante ne veut pas de véritable démocratie au Liban et n’a aucunement l’intention d’organiser un scrutin libre et intègre. Un Conseil surveillant la constitutionnalité des lois et examinant les recours en invalidation est trop gênant. La classe dirigeante préfère mille fois une commission parlementaire d’invalidation... qui n’a jamais invalidé quoi que ce soit.

Deux camps

Selon des sources politiques, la bataille ne s’est pas terminée avec l’annonce des jugements. En fait, elle vient à peine de commencer. Elle oppose ceux qui veulent un véritable Conseil constitutionnel aux prérogatives élargies dans le but de renforcer et de protéger la démocratie au Liban et de garantir la liberté des électeurs. Et ceux qui, au contraire, œuvrent pour une réduction des pouvoirs de cette institution, à travers une révision des textes régissant son fonctionnement et le choix de membres plus dociles et plus inféodés au pouvoir. L’objectif étant d’assurer une couverture aux agissements anti-démocratiques du gouvernement visant à faire élire un Parlement ne reflétant pas la volonté populaire comme c’est le cas dans les pays sous-développés sur le plan politique.
Dans ces Etats, les citoyens participent sans conviction aux simulacres d’élections démocratiques qui n’ont pour effet que de fournir une légitimité à des gouvernants qui imposent leur pouvoir par la force et la fraude. La population sait parfaitement que ces soi-disant élections ne peuvent en aucun cas provoquer des changements significatifs au niveau de la participation populaire.
Dans les pays où les élections peuvent conduire à un changement politique, les citoyens se ruent sur les urnes pour voter. Cela s’est récemment produit en Grande-Bretagne où, fatigués par 18 ans de pouvoir conservateur, les électeurs ont exprimé leur ras-le-bol en plébiscitant le parti travailliste.
Dans ces Etats, les gens savent qu’ils détiennent l’outil du changement: la démocratie. Celle-ci est la meilleure garantie d’une stabilité politique, élément essentiel pour un développement économique. Dans les Etats sous-développés, le changement ne se fait qu’à travers des coups d’Etat, des émeutes et des révolutions qui engendrent beaucoup de violence.
Au Liban, la bataille autour du Conseil constitutionnel est donc ouverte. Quel courant sera-t-il vainqueur? Celui qui milite pour davantage de démocratie ou celui qui œuvre pour un régime ayant une façade démocratique? Seul le temps nous le dira.
E.K.
Les milieux politiques locaux et les pays étrangers concernés par la situation au Liban observent attentivement l’attitude du pouvoir à l’égard du Conseil constitutionnel après les jugements qu’il a rendus invalidant les mandats de quatre députés. Pour la première fois dans l’histoire politique du Liban, les erreurs, les infractions et les exactions commises lors des...