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Actualités - CHRONOLOGIE

Quatre invalidations sur 17 sièges parlementaires contestés Le verdict du conseil constitutionnel, une première malgré quelques zones d'ombre Les élections partielles (Jbeil, Békaa et Liban-Nord) prévues pour le 29 juin (photos)


«C’est mieux que rien» ... Cette petite phrase lancée hier par l’un des membres du Conseil constitutionnel, Sélim Azar, résume parfaitement l’impression qui prévaut dans divers milieux locaux au sujet des verdicts portant sur les recours en invalidation de plusieurs mandats parlementaires. Comme prévu, quatre députés, MM. Fawzi Hobeiche (maronite, Akkar), Henri Chédid (maronite, Békaa-Ouest), Khaled Daher (sunnite, Akkar) et Emile Nawfal (maronite, Jbeil) ont vu leur mandat annulé par le Conseil constitutionnel. Cette haute instance judiciaire a estimé que des élections partielles devront être organisées dans les circonscriptions concernées afin de pourvoir aux sièges parlementaires rendus vacants par les verdicts annoncés officiellement hier matin .
Conformément à la Constitution et aux lois en vigueur, le scrutin partiel doit être organisé dans un délai de 60 jours, à compter de la date de l’annonce des décisions du Conseil constitutionnel (le 19 mai). Les candidatures seront ouvertes à tous. La consultation populaire ne sera donc pas limitée aux députés sortants et à ceux qui ont déposé des recours en invalidation.
Dès hier, le ministre de l’Intérieur Michel Murr a entrepris des concertations urgentes avec le président Elias Hraoui, le chef du Législatif Nabih Berry et le premier ministre Rafic Hariri afin de mettre sur rails, d’ores et déjà, les préparatifs des élections partielles. A sa sortie du Palais de Baabda hier soir, M. Murr a indiqué que le scrutin aura lieu dans les trois circonscriptions (Liban-Nord, Békaa et Jbeil) le même jour (un dimanche), avant la fin du mois de juin. Tard dans la nuit, on apprenait que la date des élections avait été fixée au 29 juin prochain.
Dans sa déclaration faite à Baabda, le ministre de l’Intérieur a souligné que le scrutin pour le pourvoi au siège maronite de Jbeil aura lieu vraisemblablement au niveau du caza, «sauf avis contraire de l’Assemblée». Le cas de Jbeil pose problème. La loi électorale en base de laquelle les élections de l’été 96 avaient eu lieu prévoyait, en effet, que le scrutin au Mont-Liban se déroulerait «à titre exceptionnel, et pour une seule fois», à l’échelle des cazas et non pas au niveau du mohafazat, comme le stipule l’accord de Taëf. L’exception consentie l’été dernier est-elle dépassée ou devrait-elle, au contraire, être étendue au scrutin partiel, lequel serait ainsi considéré comme une «extension» des élections de 1996 ? Le débat à ce propos est ouvert, encore que M. Murr ait clairement laissé entendre hier soir que la tendance est à l’organisation des élections à l’échelle du caza de Jbeil et non pas du mohafazat du Mont-Liban.
Pour l’heure, l’attention des différents milieux politiques est braquée sur la portée des verdicts rendus par le Conseil constitutionnel. Les décisions prises par cette instance prestigieuse revêtent incontestablement un caractère historique du fait que c’est la première fois dans l’Histoire du Liban que le mandat d’un député est invalidé.
L’importance d’un tel acte sur le plan politique est accrue par le fait que l’un des recours en invalidation retenu par le Conseil constitutionnel (celui de M. Mikhaël Daher contre le ministre Fawzi Hobeiche) est fondé essentiellement sur les ingérences étrangères, les contraintes et les multiples pressions qui s’étaient manifestées lors des élections du Liban-Nord en 1996, plus particulièrement dans la région du Akkar. Dans le recours en invalidation du mandat de M. Hobeiche qu’il avait présenté au Conseil constitutionnel, M. Mikhaël Daher avait fait état explicitement, dans une allusion à peine voilée aux Services syriens, d’ingérences flagrantes, d’intimidations et de pressions exercées sur les électeurs par «des services de sécurité non libanais, influents dans la région».
Le verdict rendu par le Conseil constitutionnel au sujet du dossier Hobeiche-Daher reconnaît que les électeurs du Liban-Nord, et plus particulièrement du Akkar, ont été soumis à des contraintes et à de multiples pressions. Il ne mentionne évidemment pas l’action des «services non-libanais».
Mais le seul fait que le Conseil ait invalidé le mandat de M. Hobeiche, qui est non seulement député, mais également ministre, parce qu’il a jugé que le climat de liberté était défaillant lors du scrutin, constitue en soi un précédent historique. Certains milieux soulignent, en effet, que la mission du Conseil constitutionnel devrait se limiter aux aspects purement techniques, en ce sens que l’instance en question devrait se contenter de vérifier uniquement le décompte des voix ou le caractère légal des procès verbaux en base desquels les résultats des élections sont proclamés. Cette thèse restrictive semble avoir été rejetée par le Conseil constitutionnel puisque ce dernier a basé son verdict dans le contentieux Hobeiche-Daher sur l’aspect «qualitatif» du déroulement du scrutin, en l’occurrence le climat de liberté (ou plutôt de «non-liberté») qui a entouré la consultation populaire.
En tout état de cause, il ne fait aucun doute que les décisions prises par le Conseil contribueront dans une certaine mesure à amorcer un timide rétablissement de la confiance des Libanais dans les institutions étatiques. Les verdicts annoncés officiellement hier prouvent qu’un redressement de la situation dans le pays reste toujours possible.
Le Conseil constitutionnel a, certes, sauvé la face après un long flottement dû à la démission de son président Wajdi Mallat (démission dont les causes véritables n’ont toujours pas été élucidées). Mais il reste que plusieurs zones d’ombre marquent la dernière performance du Conseil constitutionnel. Les nombreuses fuites qui ont accompagné les longues délibérations laissent supposer que les verdicts ont très bien pu faire l’objet d’un marché entre les pôles du pouvoir. Plusieurs interrogations sont soulevées dans ce contexte. A titre d’exemple, il se confirme de diverses sources toutes concordantes qu’au moins trois autres mandats parlementaires auraient dû être invalidés pour vice de forme. Il s’agit des mandats des députés Ragi Abou Haïdar (il aurait présenté sa candidature après le délai légal), Khaled Saab et Ali Hassan Khalil (ils ont présenté leur candidature sans démissionné, au préalable, de leurs postes au sein de l’administration publique).
Ces trois députés avaient été élus sur les listes de MM. Michel Murr, Rafic Hariri et Nabih Berry, respectivement. Rien d’étonnant, par conséquent, que les recours présentés contre eux par MM. Albert Moukheiber, Issam Naaman et Habib Sadek, n’aient pas été retenus en dépit du fait que les dossiers correspondants étaient, semble-t-il, solides. Preuve en est que M. Sélim Azar a fait dissidence au sujet de ces trois cas. On apprend de source digne de foi qu’un autre membre du Conseil, M. Pierre Ghannagé, a également fait dissidence dans le cas du recours de M. Moukheiber contre le député Abou Haïdar.
Autre point d’interrogation concernant le dénouement des ces recours en invalidation: le Conseil constitutionnel pouvait-il continuer à siéger et à prendre des décisions alors que son président était démissionnaire ? Plusieurs sources judiciaires haut placées répondent par la négative. Ce vice de forme est d’autant plus déplorable que la démission de M. Mallat avait provoqué un déséquilibre politico-communautaire au sein de l’instance en question.
Ces zones d’ombre sont, certes, importantes. Mais dans le contexte présent que nul n’ignore, il était quelque peu difficile d’obtenir mieux. Il reste que les verdicts du Conseil constitutionnel laissent supposer qu’une lueur d’espoir plane, malgré tout, à l’horizon.

Michel TOUMA
M.T.

«C’est mieux que rien» ... Cette petite phrase lancée hier par l’un des membres du Conseil constitutionnel, Sélim Azar, résume parfaitement l’impression qui prévaut dans divers milieux locaux au sujet des verdicts portant sur les recours en invalidation de plusieurs mandats parlementaires. Comme prévu, quatre députés, MM. Fawzi Hobeiche (maronite, Akkar), Henri Chédid...