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Actualités - ANALYSE

L'exhortation papale et le manifeste du synode, deux optiques forcement distincts

L’analyse des résultats de la visite du pape, l’étude en profondeur de son exhortation, les perspectives de mutation dans la mentalité comme dans le comportement de citoyen et surtout du pouvoir nécessitent du temps et des commentaires variés.
Mais l’on s’aperçoit du premier coup d’œil que l’exhortation pontificale diffère du manifeste final du synode pour le Liban qui, émanant des cardinaux et évêques des Eglises catholiques, se devait d’exprimer clairement les appréhensions, les préoccupations, les peines concrètes de leurs ouailles confrontées à des problèmes aigus directement provoqués par une agression politique en règle dirigée contre ces communautés, notamment contre les maronites. L’appel du synode avait donc valeur de porte-voix d’une population brimée, pour ne pas dire opprimée. Le Pape, bien évidemment, ne partage pas tout à fait pour sa part ce rôle de porte-parole d’une collectivité réduite aux frontières d’un pays. Il parle en tant que chef d’une Eglise universelle et, à un degré nettement moindre, en tant que chef de l’Etat du Vatican. Dès lors, il se place dans une optique plus globale qui prend en compte, à partir du cas libanais, les chrétiens d’Orient et encore plus largement, tous les pays où se pose un problème de cohabitation entre religions, voire entre ethnies distinctes. Il est donc tout naturel que le Saint -Père insiste sur l’intégration arabe des chrétiens de la région, manière de leur rappeler que c’est encore pour eux le meilleur moyen de se protéger... Et, dans ce même sens, il presse les chrétiens du Liban de renforcer leurs liens de solidarité avec le monde arabe, en plongeant à pieds joints dans une culture orientale qu’ils ont du reste souvent marquée de leur empreinte. Il a souligné une réalité essentielle, vitale: c’est un même sort qui lie chrétiens et musulmans au Liban comme dans les autres pays de la région.
Il ne fait aucun doute qu’au delà des différences qui découlent de la nature même de leurs auteurs respectifs, le manifeste du synode et l’exhortation papale divergent ponctuellement parce qu’il a fallu tenir compte des réactions négatives enregistrées chez les musulmans à la suite de la publication du premier texte. Du reste le président Rafic Hariri avait pris soin, lors de ses démarches préparatoires au Vatican, de souligner ces réactions pour s’assurer que le propos papal serait moins abrupt et n’irait pas heurter des susceptibilités déterminées... Parallèlement , l’envoyé de Dar el Fatwa au synode (en tant qu’observateur) M. Mohammed Sammak s’était entretenu à Rome avec les cardinaux Arensi, Scott et Etchegaray au sujet des réticences islamiques soulevées par la trop grande franchise de instances catholiques libanaises et ils lui avaient fait savoir qu’ils comprenaient parfaitement ce point si délicat, ajoutant que le Saint -Père y ferait sans doute attention. De fait, l’exhortation papale se distingue par un ton plus modéré que la déclaration synodale, tout en ne camouflant aucune réalité et en disant courtoisement leur fait à tous, aux chrétiens comme aux musulmans, aux dirigeants comme aux opposants.
Désormais cette exhortation pontificale doit servir de guide à l’action des chrétiens et notamment de Bkerké qui en principe devrait prôner à partir de là une ligne modérantiste plus accentuée. C’est du moins ce que l’on attend du côté loyaliste où certains «civils» affirment que la venue de Jean-Paul II «consacre en quelque sorte la fin de l’ère des seigneurs de la guerre et l’entrée dans une ère de modération généralisée». Une observation qui revient, estime un opposant de l’Est à «parler pour ne pas dire grand- chose car, «seigneurs de guerre» ou pas, les gens qui sont autorisés à faire de la politique dans ce pays vassalisé ne sont modérés qu’entre eux, et tout à fait portés aux excès quand il s’agit de nous contrer pour complaire aux décideurs».
Comme quoi on est encore loin, de part et d’autre, du climat d’harmonie si vivement recommandé par le Saint - Père. Dans son exhortation, il a diagnostiqué le mal et les faiblesses du corps libanais objectivement sans prendre d’autre parti que celui de la vérité. Mais c’est bien sûr aux autorités du pays comme à sa population de trouver le remède. Il reste à savoir si elles le voudront et le cas échéant, si on les laissera s’administrer le traitement requis....

E.K.
L’analyse des résultats de la visite du pape, l’étude en profondeur de son exhortation, les perspectives de mutation dans la mentalité comme dans le comportement de citoyen et surtout du pouvoir nécessitent du temps et des commentaires variés.Mais l’on s’aperçoit du premier coup d’œil que l’exhortation pontificale diffère du manifeste final du synode pour le Liban...