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Actualités - CHRONOLOGIE

A la messe en plein air, le courant d'amour est passé entre Jean Paul II et un demi million de personnes Le pape a su trouver les morts de réconfort et d'encouragement que les libanais attendaient (photos)

«Aujourd’hui, je salue le Liban (...) Ces circonstances me permettent d’être sur votre terre pour la première fois, et de dire l’amour que l’Eglise et le siège apostolique portent à votre nation, à tous les Libanais». Et de fait, entre les yeux de Jean-Paul II et les Libanais venus des coins les plus reculés du pays, tous âges et couches sociales confondues, le courant d’émotion religieuse et humaine est passé. Deux heures trente durant, malgré un soleil accablant, près de cinq cent mille chrétiens ont fait un triomphe au pape et démontré leur extraordinaire foi. Dans la plus grande foule que le Liban ait connue, une majorité de jeunes, notamment des groupes de aounistes et de partisans des «Forces libanaises», ont pu brandir portraits et drapeaux sans être inquiétés au milieu des délégations libanaises venues des quatre coins du monde (citons en vrac Chypre, le Brésil, la Jordanie, le Canada, la Syrie, la France, l’Australie, l’Argentine, les Etats-Unis), sans compter une délégation de la colonie polonaise au Liban, qui a eu droit à un salut.
Pour animer ce second temps fort de la visite papale, il y avait là ce que l’Eglise catholique du Liban a de meilleur: les chorales les mieux rodées, le P. Mansour Labaki, égrenant des cantiques de sa composition en quatre ou cinq langues; un décor floral où dominait le blanc et le jaune; un dais blanc immaculé faisant de l’ombre sur un grand podium blanc représentant un cèdre stylisé; un autel construit avec des pierres archéologiques provenant du centre-ville, témoins de dix-sept civilisations qui se sont succédé à Beyrouth depuis des millénaires; un trône en bois de cèdre, qui ira dans la cathédrale Saint Georges, une fois celle-ci restaurée; un calice serti de pierres précieuses, vestige retrouvé intact parmi les débris du maître-autel, dans la cathédrale Saint Georges des maronites. Détail émouvant, le pape portait l’étole qui lui avait été offerte, la veille, à Harissa, œuvre de personnes handicapées. Et pour couronner le tout, une très belle messe de rite latin, rythmés par des chants arabes, syriaques, chaldéens, byzantins et arméniens.

La pression de la foule

La cohue, malheureusement, était également au rendez-vous. Arrivé cinq minutes avant le pape, la voiture du chef de l’Etat a dû se frayer un chemin au milieu de la foule indisciplinée. Les belles cartes donnant droit à des places assises, et négociées fiévreusement, la veille et l’avant-veille de la cérémonie, ont été parfaitement inutiles, ou presque. Découragés par un filtrage excessif à l’entrée, beaucoup n’ont pu supporter la pression de la foule et le comportement obtus de certains soldats, et ont quitté les lieux.
Dans l’enceinte de la base navale, sous la pression des arrivants, les services d’ordre devaient être finalement débordés, l’espace devant les premiers rangs envahis de fidèles, si bien que pour la plupart du temps, il fallait se mettre debout sur les chaises pour suivre la liturgie. Selon le mot d’un observateur (libanais): «Nous ne sommes pas encore prêts, culturellement, pour un événement de cet ordre». On peut se demander aussi pour quelle raison des dais n’ont pas été installés pour les évêques catholiques et orthodoxes, dont plusieurs d’un certain âge ont dû assister à la messe, sous un soleil de plomb, engoncés dans leurs habits sacerdotaux.
Le pape est arrivé à la base navale avec une demi-heure de retard environ sur l’horaire prévu. Il a tenu à ouvrir la fenêtre de sa voiture spéciale, pour mieux voir et être vu de la foule qui le saluait par des applaudissements frénétiques et des vivats.

«Assalam Lakom»

Le dos tourné aux ruines du centre-ville, le pape a salué les fidèles en lançant, en arabe: «Assalam Lakom» («La paix soit avec vous»). Après un mot de bienvenue du patriarche Sfeir, le pape a entamé la messe en s’adressant aux «chers fils du Liban» et en remerciant Dieu d’avoir exaucé ses prières et ceux des Libanais qui ont espéré sa visite durant de si longues années. «Nous sommes, a-t-il dit, sur la terre du Liban, qui est une terre sainte, terre de saints, de martyrs et d’apôtres d’amour et de charité, terre de rencontre et de coexistence pour tous ses fils».
Durant l’homélie, comme à l’issue de la célébration, en homme de théâtre qui sait scander, et parfois marteler ses phrases, il a redit les mots de réconfort et d’encouragement que les Libanais attendent, ou qu’ils ont besoin d’entendre, faisant applaudir le mot «Liberté», demandant aux Libanais d’«achever la réconciliation entre tous», adressant, on dirait, un mot à chacun, et en particulier à «ceux qui souffrent dans leur corps ou leur cœur».
Jean-Paul II a également souligné que le Liban — «pays biblique» qui a eu «le privilège extraordinaire» d’avoir eu le Christ comme «premier évangélisateur» —, a été pendant des siècles le pays de la coexistence entre les communautés religieuses.
«Nous voulons dire au monde l’importance du Liban et sa mission au long des siècles», a déclaré le pape. Le Liban «a montré que de nombreuses confessions religieuses peuvent vivre ensemble dans la paix, la fraternité et la collaboration (...) et montré que l’on peut respecter le droit de tout homme à la liberté religieuse», a-t-il ajouté.

Le Liban-Sud et
le Moyen-Orient

Sur demande libanaise, Jean-Paul II a fait un ajout dans son homélie évoquant la question du Liban-Sud et la crise au Moyen-Orient déclarant: «Parlant de Tyr et de Sidon, je ne peux omettre de mentionner les grandes souffrances que connaissent leurs populations. Je demande aujourd’hui à Jésus de mettre fin à ces douleurs. Et même j’implore de lui la grâce d’une paix juste et permanente au Moyen-Orient dans le respect des droits et des aspirations de tous».
Soulignant que la messe était célébrée dans les ruines du cœur historique de Beyrouth, le pape s’est déclaré convaincu «que les souffrances des années passées ne seront pas vaines». «Elles fortifieront votre liberté et votre unité», a-t-il dit.
A la fin de la messe, et avant de remettre le texte de l’exhortation apostolique aux patriarches, évêques, supérieurs et supérieures de congrégations religieuses et laïques, le secrétaire général au Liban, Mgr Cyrille Bustros, a lu de sa voix forte un texte retraçant les différentes phases du synode et exhortant les fidèles à se réjouir, déclenchant un tonnerre d’applaudissements. Le texte de l’exhortation, relié de cuir rouge, a ensuite été remis à ses destinataires.
C’est à regret, dirait-on, que le pape devait quitter, à la fin de la messe, la foule qui l’applaudissait, marchant quelques pas et s’arrêtant à plusieurs reprises, pour un dernier salut, une ultime bénédiction, après avoir répété: «Dieu bénisse le Liban! Dieu bénisse le Liban».
«Aujourd’hui, je salue le Liban (...) Ces circonstances me permettent d’être sur votre terre pour la première fois, et de dire l’amour que l’Eglise et le siège apostolique portent à votre nation, à tous les Libanais». Et de fait, entre les yeux de Jean-Paul II et les Libanais venus des coins les plus reculés du pays, tous âges et couches sociales confondues, le courant...