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Actualités - OPINION

Lendemain de fête

Il est reparti le Vieux Gaillard, qui a réussi le tour de force de donner réconfort, courage et espoir aux chrétiens du Liban, et d’en séduire en même temps les musulmans.
Nous avions tous déjà pas mal de raisons de vouer à Jean-Paul II un immense respect, une reconnaissance et une admiration sans bornes, pour son inlassable action des deux dernières décennies afin que survive et vive notre petit pays, pris dans le mortel entrelacs des tensions régionales et des dissensions internes. A ces sentiments s’ajoute désormais celui d’amour pour un homme qui en ressent tant pour le Liban et tous ses fils, et qui le témoigne avec une aussi impressionnante simplicité: amour vécu en direct, en live par chacun d’entre nous, à chaque moment de ce saint week-end trop vite écoulé.
Nul certes n’attendait de miracles d’un pape qui, sous d’autres cieux et à une autre époque, a puissamment aidé pourtant à déplacer des montagnes. Mais on peut gager qu’après le passage de la mythique silhouette blanche, plus rien ne sera tout à fait comme avant. Dans sa dimension apostolique d’abord, le succès de cette visite aura dépassé toutes les espérances: non seulement la venue du pape a exalté la ferveur des chrétiens libanais, mais elle leur a donné une soif de renouveau en tout point salutaire. Autant la jeunesse — premier objet des préoccupations papales — a spontanément vibré à l’appel, autant le clergé peut trouver dans la sollicitude particulière que lui manifeste le Vatican le stimulant nécessaire pour moderniser son encadrement, dans la fidélité aux principes.
Parce que au Liban, et pour son malheur, politique et religion restent indissociables dans les faits, nul ne s’étonnera que les chrétiens aient vu aussi (surtout?) dans la visite papale une occasion de manifester une importance numérique éminemment notable et, d’une certaine manière, leur cohésion: cela à un moment où ils souffrent d’être marginalisés, et où d’aucuns vont déjà jusqu’à leur brandir à la face l’inexorable verdict de l’écart démographique. En même temps qu’elle a mobilisé les masses, la présence du souverain pontife a fait tout à la fois s’ouvrir les cœurs, comme l’on dit chez nous, et se délier des langues. On peut donc s’attendre à un salutaire regain de combativité (et, il faut l’espérer, d’imagination créatrice) dans les rangs d’une opposition trop longtemps confinée dans sa prostration sans, bien sûr, que l’option de dialogue et d’ouverture soit un seul moment remise en question. Il n’est pas interdit de concevoir non plus que les bonnes volontés musulmanes saisiront au bond cette chance de dialogue absolument exceptionnelle, pour conjurer — aux côtés de leurs frères chrétiens — un déséquilibre dont le passé n’a cessé de nous apprendre durement qu’il menait invariablement au désastre, le désastre pour tous.
On peut présumer de même qu’à la faveur de ces 32 heures de grâce, les dirigeants ont eu tout le loisir de prendre conscience de l’aberration consistant à ignorer les aspirations d’une composante aussi essentielle de la nation libanaise, qui s’estime mal ou peu représentée. Ces responsables ont-ils seulement la capacité — le «droit», allais-je écrire — de tenter de remédier au mal? Ce serait un bon début, si seulement ils donnaient aux mécontents quelque gage d’une bonne foi que l’on a cherchée en vain à chaque épisode de la chronique constitutionnelle de ces dernières années, qu’il s’agisse de gouvernement, d’élections, ou de justice. Sur ce plan, les Libanais attendent mieux en vérité que le salut échangé hier à la messe du port, après des semaines de brouille totale, par MM. Hraoui et Berry, qui se sont même peut-être complimentés sur les vertus antisolaires de leurs couvre-chefs...
Exhortation faite, l’homme de Rome a, quant à lui, remis sa calotte et il est rentré chez lui, nous laissant le plus précieux des trésors: la force de s’interroger mais aussi d’interpeller, encore et toujours. Bon vent, le père, le pasteur, l’Ami. Allez, salut le Pollack.
Issa GORAIEB
Il est reparti le Vieux Gaillard, qui a réussi le tour de force de donner réconfort, courage et espoir aux chrétiens du Liban, et d’en séduire en même temps les musulmans.Nous avions tous déjà pas mal de raisons de vouer à Jean-Paul II un immense respect, une reconnaissance et une admiration sans bornes, pour son inlassable action des deux dernières décennies afin que...