Rechercher
Rechercher

Actualités - INTERVIEWS

Bahjat Gaith : ce qui compte c'est de préserver notre présence dans la région Il se peut que les critiques formulées (par Chaabane) aient été inspirées par certaines parties locales, estime le cheikh Akl (photo)

Q: La visite du pape au Liban est au cœur d’une polémique. Quelle est votre position réelle à ce sujet?
R: En tant que communauté, nous n’avons aucune réserve au sujet de la visite du pape au Liban. Déjà, l’annonce de cette visite en 1994 nous avait réjouis. Aujourd’hui, nous l’accueillons favorablement et nous le ferons aussi demain. Nous souhaitons donc que cette visite ait bel et bien lieu et qu’elle soit bénéfique à tous les Libanais. Surtout en cette étape délicate, nous espérons que la visite sera une initiative d’unité et d’amour.
Q. Comment faire pour qu’il en soit ainsi?
R: Nous avons appris au cours des années précédentes qu’il était impératif de s’élever au-dessus des petits conflits. Ceux-ci ne doivent d’ailleurs pas être divulgués au grand jour. Au contraire, plus ils sont discrets et mieux ils sont résolus. De plus, ils ne font que déformer l’image du Liban, pays d’accueil et nation-message. La visite du Saint-Père doit être particulièrement bénéfique, d’autant qu’il ne s’agit pas seulement de la venue d’un chef d’Eglise mais aussi de celle d’un chef d’Etat ayant une grande influence spirituelle. D’ailleurs, les préparatifs montrent bien que la visite aura un caractère unioniste puisque le pape ira directement de l’aéroport au palais de Baabda. A mon avis, nous ne devons pas accorder de l’importance aux réserves issues de considérations sectaires et confessionnelles. Il faut voir cette visite sous un angle libanais, national et l’utiliser contre les tentatives d’hégémonie sionistes sur la région et particulièrement sur la ville sainte de Jérusalem.
Q: Justement, le pape Jean-Paul II est le premier chef de l’Eglise catholique à avoir reçu un premier ministre israélien et il a instauré des relations diplomatiques entre le Vatican et Israël...
R: Le Vatican n’est pas le seul à avoir reconnu l’Etat d’Israël. Plusieurs pays arabes l’ont fait avant lui. Nous ne pouvons donc pas le critiquer. A mon avis, il faut jeter sur cette visite un regard positif et laisser le temps donner son verdict final. Je souhaite que cette visite soit l’occasion d’un retour aux valeurs spirituelles communes à toutes les familles religieuses du Liban et il ne faut surtout pas oublier que notre région est le berceau des religions monothéistes. Elle est donc baignée de spiritualité. Il faut dès lors renforcer notre foi en Dieu et décider une fois pour toutes de faire partie de l’univers du Bien et non de celui du Mal.

«Toutes les visions
étroites disparaîtront»

Q: Une partie des chrétiens atteinte aujourd’hui du syndrome de désenchantement espère que cette visite renforcera sa position au sein du pouvoir. Qu’en pensez-vous et quel sera, selon vous, l’impact de cette visite sur les relations entre les diverses communautés et notamment entre les chrétiens et les druzes?
R: En ce qui me concerne, j’ai une vision unioniste profonde des chrétiens et des musulmans. Et je considère que les communautés ne sont que les diverses faces d’une même réalité et la visite du pape s’inscrit, à mon avis, dans la chrétienté pure qui n’est pas en contradiction avec l’essence de l’Islam. Personnellement, je désapprouve totalement les voix critiques qui se sont fait entendre récemment. Elles ne sont dans l’intérêt de personne.
Q: Elles constituent en tout cas une réalité qu’il ne faut pas négliger. Alors que vos propos semblent surtout théoriques...
R. Mes propos ne sont pas théoriques. Ils constituent la réalité qui devrait s’appliquer un jour. Toutes les visions étroites et isolationnistes disparaîtront un jour. C’est inéluctable. Mes propos peuvent effrayer ceux qui, de toute façon, ont peur. Mais les autres, ceux qui voient le monde à travers leur foi et leur amour de l’autre ne peuvent que les partager.
Q: L’appel final du synode avait fait l’objet des critiques de l’émissaire druze, le Dr Halabi...
R: En tant que communauté, nous n’avions pas d’émissaire au synode. Il s’agissait d’un émissaire politique qui représentait la partie qui l’a envoyé. Par contre, nous autres, nous avions été malheureusement écartés des travaux du synode. En tant qu’autorité spirituelle, notre position est stable et elle a une portée unioniste, qui ne varie pas selon les intérêts politiques.
Q: Vous n’êtes donc pas d’accord avec les critiques émises sur le contenu de l’appel final?
R: Nous ne sommes pas intervenus dans les détails, mais nous considérons que tout dialogue est un élément positif.
L’exhortation aura
un ton modéré

Q: Si l’exhortation apostolique que signera le pape au Liban reprend les idées litigieuses, quelle sera votre position?
R: A mon avis, l’exhortation apostolique aura un ton modéré et elle a pour objectif de servir l’intérêt général. Elle ne sera pas dirigée contre les musulmans. Il ne peut en être autrement et nous souhaitons que certaines parties, ayant ou non de mauvaises intentions, évitent d’interpréter à leur guise cette exhortation. Il faut mettre de côté les surenchères et les réserves qui ne servent pas l’intérêt national. Le but ultime est de préserver notre présence dans cette région et, pour cela, il faut savoir surmonter les petits accidents et les intérêts personnels.
Q: Etes-vous de ceux qui croient que les critiques de Cheikh Chaabane lui auraient été soufflées par certaines parties dans le but d’avertir le pape des limites à ne pas dépasser?
R: Je crois surtout que lorsque les bonnes intentions existent, les critiques ne sont plus justifiées. Il se peut que les critiques émises aient été inspirées par certaines parties locales...
Q: Locales ou régionales?
R: Cela revient au même dans ce cas-là, puisque le débat doit rester avant tout national. A quoi servent en définitive des royaumes sans sujets? Il faut œuvrer en vue du maintien de notre présence dans cette région et de la protection de la dignité arabe, chrétienne ou musulmane. Enfin, je ne crois pas que de tels propos puissent influencer un homme de la stature du pape.

Propos recueillis par
Scarlett HADDAD
Q: La visite du pape au Liban est au cœur d’une polémique. Quelle est votre position réelle à ce sujet?R: En tant que communauté, nous n’avons aucune réserve au sujet de la visite du pape au Liban. Déjà, l’annonce de cette visite en 1994 nous avait réjouis. Aujourd’hui, nous l’accueillons favorablement et nous le ferons aussi demain. Nous souhaitons donc que cette...