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Actualités - INTERVIEWS

Aoun : le pape doit évoquer les droits de l'homme et les occupations étrangères (photo)

«Dans l’absolu, la visite du pape Jean-Paul II est un événement très important. Toutefois, elle ne doit pas être exploitée d’une manière inadéquate et faire l’objet d’interprétations erronées». En évoquant la prochaine visite pontificale, au Liban, l’ancien chef du gouvernement militaire, le général Michel Aoun, choisit soigneusement ses mots. Son objectif est de faire parvenir son message sans heurter les susceptibilités. Ce message n’a guère changé depuis 1994, lorsque la date de la venue du pape avait été reportée à cause notamment des réserves exprimées «unanimement» par la majeure partie des chefs politiques et spirituels chrétiens. Visiblement, cette unanimité n’existe plus aujourd’hui. Mais qu’en est-il des réserves exprimées à l’époque?
«Les remarques que nous avions formulées (en 1994) demeurent d’actualité, déclare le général Aoun dans une interview recueillie au téléphone à partir de Beyrouth. Cependant, la volonté affichée par le pape de visiter le Liban nous pousse à rendre hommage à sa détermination. Les réserves politiques existent donc toujours car, au Liban, nous vivons une situation anormale. Dans notre pays, la marge de liberté et d’indépendance rétrécit tous les jours. Et sa souveraineté est liée à la solution du conflit du Proche-Orient. C’est une hérésie comme on n’en a jamais vu. C’est de là que découle notre crainte de voir ce fait accompli consacré par la visite du souverain pontife».
Le général Aoun qualifie de «difficile» la position dans laquelle va se trouver Jean-Paul II lors de sa visite à Beyrouth. «S’il choisit de garder le silence sur ce qui se passe au Liban, ce sera une mauvaise chose. Et si, au contraire, il décide d’en parler, il sera alors dans une situation délicate», affirme l’ancien chef du gouvernement militaire. «Nous demandons à Sa Sainteté de ne pas aborder le cas libanais seulement sous un angle chrétien, mais aussi sous son angle musulman. Je lutte pour revendiquer mes droits en tant que Libanais, et non pas en ma qualité de chrétien. Et il est erroné d’avoir une vision du problème du Liban basée sur le partage des parts et sur la distribution des quotas (entre les communautés). Car, en théorie, il y a égalité dans la distribution des postes. Il y a autant de ministres et de députés chrétiens que musulmans. Le problème réside dans le fait que le régime tout entier n’a plus de liberté de décision».

«Puente a dépassé
les limites »

N’y a-t-il pas des divergences entre son approche et celle du Vatican au sujet de la situation au Liban, d’autant que le nonce apostolique, Mgr Pablo Puente, lui avait vainement conseillé, en 1989, d’accepter l’accord de Taëf et de faire preuve d’«ouverture»? «Mes relations avec le Saint-Siège ne sont pas d’ordre politique et ma position demeure inchangée depuis 1989, répond le général Aoun sur un ton irrité. La réalité actuelle au Liban prouve que nos appréhensions étaient justifiées. Que penser d’un régime qui était libre et qui se retrouve ligoté? Pablo Puente a dépassé les limites de sa mission. Il n’est pas approprié de demander aux chrétiens de faire preuve d’ouverture, surtout que, depuis l’aube des temps, ils ont appris à vivre ensemble avec les musulmans dans notre région. De tels conseils sont déplacés, surtout quand ils nous viennent d’Espagne où, nous le savons, les relations entre chrétiens et musulmans étaient loin d’être un exemple de convivialité. Quand en 1992, 87% des Libanais ont boycotté les élections, on a dit que les chrétiens ont boudé les urnes. Pourtant, un grand nombre de musulmans n’ont pas voté. S’ils cherchent à nous convaincre d’accepter les conditions d’asservissement sous lesquelles nous vivons, ils peuvent garder leurs conseils».
Selon le général Aoun, les thèmes soulevés lors du synode en 1995 doivent être évoqués à l’occasion de la venue du pape. Ainsi, l’exhortation apostolique qui sera rendue publique par le souverain pontife doit-elle absolument faire mention «de la souveraienté du Liban, des occupations étrangères de son territoire et de la situation des droits de l’homme qui ne cesse de se dégrader». Ne s’agirait-il pas dans ce cas d’une ingérence dans les affaires internes libanaises? «Non, pas du tout! Ce sont là des valeurs universelles qui ne connaissent pas de frontières», répond-il.
L’ancien chef du gouvernement qualifie de «stupides» les appréhensions exprimées par des milieux musulmans, selon lesquels certains chrétiens espèrent exploiter la visite de Jean-Paul II pour modifier l’équation politique issue des accords de Taëf «Notre action politique vise à rendre son rôle au citoyen quelles que soient son identité politique et son appartenance communautaire. Et si le pape nous aide dans notre entreprise, c’est en fait tous les Libanais et l’être humain dans l’absolu qu’il sera en train d’aider», conclut-il.
Propos recueillis par
Paul KHALIFEH
«Dans l’absolu, la visite du pape Jean-Paul II est un événement très important. Toutefois, elle ne doit pas être exploitée d’une manière inadéquate et faire l’objet d’interprétations erronées». En évoquant la prochaine visite pontificale, au Liban, l’ancien chef du gouvernement militaire, le général Michel Aoun, choisit soigneusement ses mots. Son objectif est...