Echec et pat

Les Libanais sont, depuis 1975, acteurs d’une interminable partie d’échecs qu’ils perdent tous les jours un peu plus.
On sait qu’en position d’échec et pat, le roi coincé ne l’est pas vraiment puisqu’il peut toujours se déplacer, tout en restant menacé.
Le peuple a de plus en plus cette impression. En effet, par le boycott de la vie politique, les opposants au régime de Taëf n’ont rien gagné... et ceux qui s’y sont intégrés encore moins: avec en prime, un sentiment de frustration permanent.
Aujourd’hui, un pouvoir autoritaire veut en découdre et terminer une partie qui a trop duré. Mais il procède avec un cynisme tranquille, prenant soin d’éliminer tous les pions qui pourraient gêner sa marche triomphale. Ceux-ci tombent alors les uns après les autres: partis, médias, syndicats, institutions, Constitution...
Conscient du danger, le métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, Mgr Elias Audeh, lance un cri d’alarme retentissant, exhorte les Libanais à se réveiller de leur léthargie.
Et dans le sillage, l’on entend partout les mêmes propos outrés: «Ça ne peut plus durer!»; le même ton scandalisé: «Ils n’iront quand même pas jusque là!» Et ils y vont d’un pas alerte. Le peuple opprimé a, quant à lui, la possibilité de réagir. Il le fait... hélas, en paroles seulement.
De ceux qui, au Liban, expriment parfaitement le ras-le-bol populaire, peut-on donc attendre autre chose que des mots? Une démarche non violente que le peuple serait tout entier disposé à adopter et qui pousserait le pouvoir dans ses derniers retranchements? Il manque un guide, un timonier à une action de cette envergure. Quel Capitaine Courage relèvera ce défi?

José JAMHOURI