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Actualités - OPINION

Au nom de la loi

Un premier ministre montré du doigt par la police pour abus de confiance, fraude et chantage, ce n’est jamais une mince affaire. En Israël encore moins qu’ailleurs où ce qui se passe depuis trois jours s’annonce comme devant être déterminant pour l’avenir de tout le Proche-Orient. Que l’accusé se nomme Benjamin Netanyahu n’en rend que plus graves les choses. Et voilà-t-il pas que ce personnage, à la moralité plutôt douteuse et le dos au mur, annonce haut et fort son intention de se battre jusqu’au bout, affirmant à la foule en délire de ses partisans qui acclame en lui «le roi»: «Nous continuerons à diriger ce gouvernement jusqu’en l’an 2.000 et même au-delà». Placée sous l’éclairage cru d’une aussi noble profession de foi, l’accusation lancée contre les travaillistes — «des hommes affamés de pouvoir» — revêt une saveur particulière qui prêterait à sourire en d’autres circonstances. C’est que, aussi, quand elle n’est que politicienne, la politique se révèle bien vite une malsaine entreprise, d’autant plus nauséeuse qu’elle cherche à se parer, pour maquiller ses intentions véritables, de vertus qu’elle est loin de posséder.
Longtemps, l’actuel chef de gouvernement israélien avait réussi à convaincre tout le monde, Américains et Palestiniens en premier, que le scénario mis en place à Madrid et les accords conclus à Oslo, bien sûr qu’il en voulait, mais en les retouchant aux entournures pour les faire endosser par les siens. Il aura suffi d’un pavé, lourd il est vrai de 995 pages, fruit d’une enquête policière de trois mois et des témoignages d’une soixantaine de personnes (dont l’intéressé lui-même), pour révéler au grand jour des pratiques qui relèvent du droit commun, destinées à servir non point quelque grandiose dessein mais la cause la plus prosaïque qui soit: le maintien en place d’une bien étrange coalition au sein de laquelle le maquignonnage est roi et où l’importance des portefeuilles est mesurée à l’aune des voix à la Knesset.
Les dérives, multiples et de plus en plus marquées, de l’actuel patron de la droite, c’est dans sa jeunesse américaine, nous dit-on, qu’il faut en chercher l’explication. Son implication yankee était devenue telle au fil des ans qu’il en avait fini très vite par oublier — si tant est qu’il l’ait jamais compris — le caractère profond de l’océan arabe qui encercle un îlot, défini il y a plus d’un demi-siècle par son maître Jabotinski. La remarque est de Hosni Moubarak: «Si seulement il avait réussi à capter notre manière de penser, il ne serait pas en train d’agir comme il le fait», confiait-il l’autre jour à «Maariv».
Demain, l’homme sortirait blanchi de cette folle équipée qu’il ne faudrait pas s’étonner outre mesure; ce ne serait là que la conséquence logique, dira-t-on alors, de ce glauque liquide amniotique dans lequel a baigné le fœtus Likoud avant sa venue au monde. Mais en aucun cas il ne pourra s’agir d’autre chose que d’un blanc sale, dont devrait pâtir un processus de paix déjà assez bancal et qui menacerait de devenir proprement paralytique.
Tout cela ne serait-il pas, dans une large mesure, la faute d’une administration démocrate empêtrée dans ses contradictions, bien molle dès lors qu’il s’agit du Proche-Orient et qui, en faisant faire des milliers de kilomètres inutiles hier à Warren Christopher, aujourd’hui à Dennis Ross, en attendant demain peut-être une relève assurée par Madeleine Albright, voudrait se donner à elle-même et au monde l’illusion d’aller de l’avant? Pour avoir trop longtemps refusé d’agiter le bâton au nez de son incommode protégé, une méthode qu’avait habilement appliquée George Bush avec l’affaire de la garantie des dix milliards de dollars, Bill Clinton se trouve pour longtemps encore confronté à une situation apparemment sans issue, dont ne paraît pas en mesure de le sortir sa nouvelle-ancienne proposition de gel pour six mois de la colonisation.
Ce n’est certes pas un premier ministre affaibli, au cas d’un éventuel non-lieu, qui pourrait reprendre sa valse-hésitation entamée au lendemain du 29 mai. Ce ne sont pas non plus de problématiques élections législatives, susceptibles d’ailleurs de ramener au pouvoir l’alliance actuelle, qui hâteraient les choses. Et moins que jamais il ne peut être question maintenant d’un cabinet d’union nationale. La formule, il y a quelques jours, aurait permis de relancer le dialogue de paix, ce qu’à aucun prix ne voulait le successeur de Shimon Pérès. A quelques heures de la décision que doit rendre publique le procureur de l’Etat Edna Arbel — laquelle vient de faire savoir qu’elle avait déjà tranché —, elle paraîtrait encore plus incongrue aux yeux d’un Ehud Barak, qui a hâte de chausser les bottes de dirigeant de son parti, et des jeunes loups de son équipe.
Déboussolée par un cyclone dont ils s’étaient refusés à admettre l’ampleur et l’inéluctabilité, les partenaires de la formation Likoud se trouvent réduits à observer, tel le ministre de la Défense Yitzhak Mordehaï, que c’est là «une triste et douloureuse période». Leur chef, lui, continue à fanfaronner: «La vérité vaincra», assène-t-il à l’intention de son entourage.
On le souhaiterait, quelle qu’elle puisse être, en espérant que la paix, sinon la justice, y gagnera.

Christian MERVILLE
Un premier ministre montré du doigt par la police pour abus de confiance, fraude et chantage, ce n’est jamais une mince affaire. En Israël encore moins qu’ailleurs où ce qui se passe depuis trois jours s’annonce comme devant être déterminant pour l’avenir de tout le Proche-Orient. Que l’accusé se nomme Benjamin Netanyahu n’en rend que plus graves les choses. Et...