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Actualités - ANALYSE

Le sort du conseil constitutionnel, un problème majeur

A première vue tout prête à croire que le pouvoir enchaîne à la file les «sujets de diversion» à travers les problèmes qu’il a l’art de multiplier, le dernier en date faisant oublier le précédent et ainsi de suite. Une façon étourdissante de manipuler l’opinion en jouant avec le feu. Pour en rester au plus récent chapitre de cette interminable saga, on note que la bombe de la démission du président du Conseil constitutionnel, M. Wajdi Mallat n’a finalement eu l’effet que d’un pétard mouillé, le choc étant amorti très vite par une autre explosion, due à la rupture du câble entre Baabda et Koraytem, suite à l’affaire des municipales... Et aussitôt après il y a eu la confrontation avec la CGTL...
Affirmant ne pas vouloir se laisser démonter par cette avalanche, un opposant soutient que «la question la plus importante reste le sort que l’on va réserver au Conseil constitutionnel après le départ de son président. Les autres sont moins importantes: si les municipales ne se déroulent pas en juin, elles auront lieu plus tard et entre-temps on aura réglé le litige sur la régularité du retrait du projet d’amendements; de même après le 24 avril, date des élections à la CGTL, il est peu probable qu’il y ait encore des remous, des rebondissements conséquents dans ce domaine... On restera donc avec le problème le plus grave sur les bras. Le plus grave, soutient cet opposant, car il serait suicidaire pour un Etat de droit de marginaliser le Conseil constitutionnel qui est pour la démocratie un garde-fou, un rempart. On ne peut pas réduire son rôle, l’assimiler à la commission parlementaire qui jadis était en charge des invalidations, dans laquelle personne n’avait confiance et qui n’a d’ailleurs jamais rien invalidé. On ne peut pas non plus torpiller le travail de scrutateur du Conseil en matière de constitutionnalité des lois ou des décrets mais aussi, et c’est très important, en matière d’interprétation de la Constitution».
Toujours est-il qu’on se pose maintenant des questions concrètes:
— Quand donc le Conseil constitutionnel va-t-il se réunir pour prendre acte de la vacance au niveau de sa présidence... En principe, ce constat doit être établi dans un délai d’un mois après la démission de l’intéressé, dit l’article 4 du règlement intérieur. Mais le problème technique, si l’on peut dire, c’est que M. Wajdi Mallat n’a pas informé le Conseil de sa démission — présentée par lettre au président de l’Assemblée nationale M. Nabih Berry — et ne lui en a pas exposé les raisons. Donc officiellement le Conseil «ne sait toujours pas» que sa présidence est vacante. D’où un risque de voir les choses traîner, sans convocation et sans réunion...
— De plus, le Conseil ne devrait-il pas, après avoir été notifié de la démission, prendre langue avec le Parlement pour que ce dernier élise un nouveau membre en remplacement de M. Mallat, ce qui précéderait nécessairement l’élection d’un nouveau président...
— Le plus important sans doute pour le moment: le Conseil est-il autorisé en l’absence d’un président, donc avant l’élection du successeur de M. Mallat et sous la direction du vice-président M. Mohammed Majzoub à rendre ses verdicts dans les procès en invalidation de mandat parlementaire intentés à 17 députés... La question se pose parce qu’en principe le Conseil est tenu par des délais... sauf si l’on considère que pour cas de force majeure, ces délais peuvent être reportés, afin que les sentences soient rendues par une instance ayant un président en bonne et due forme. Certains, au risque de laisser les habituelles considérations politiciennes d’éteindre sur une institution par essence apolitique, soutiennent en effet qu’il «faut à tout prix que le Conseil soit au complet pour respecter les équilibres confessionnels et aussi les équilibres entre les pouvoirs, le nombre étant aujourd’hui en faveur de l’Exécutif, après la démission de M. Mallat qui était l’un des cinq élus du Législatif».
— Dès lors le Conseil va-t-il rester paralysé jusqu’à l’élection de cinq nouveaux membres, la date du renouvellement partiel devant se situer entre le 4 mai et le 4 juin prochains en vertu du règlement. Doit-on attendre cette opération pour remplacer M. Mallat…
— Et surtout, le pouvoir va-t-il mettre tout son poids dans la balance pour recomposer le Conseil dans le sens d’une parfaite «docilité», afin de ne plus avoir de «mauvaise surprise» comme avec M. Mallat. Va-t-il s’arranger pour faire désigner des personnalités… manquant de personnalité et qui par reconnaissance ou par incompétence s’évertueraient de complaire à tous ses vœux, au mépris de toute éthique.
Déjà on laisse entendre que le Conseil n’invaliderait que trois mandats, alors que la liste de M. Mallat en aurait compris sept… Cependant certaines sources croient savoir que pour blanchir les autorités on se résignerait à invalider plus de trois mandats, le Conseil affichant ainsi son autonomie par rapport au pouvoir. Si tant est qu’il parvienne à fonctionner.
— Car il y a problème, non pas sur le papier mais en pratique quand il y a égalité dans le partage des voix, sans atteindre la majorité des sept requise pour toute sentence. En matière d’invalidation, en effet le procédé de vote aux deux tiers, valable sans doute pour la constitutionnalité des lois, offre l’inconvénient de jeter un doute sévère sur toute décision prise par indécision: que penserait-on par exemple d’un député dont le mandat se trouverait validé par zéro suffrage, ce qui est possible s’il y a trois abstentions (ou quatre en cas de Conseil au complet) et six voix contre…
— Mais que faire surtout si le verdict est en pratique le résultat de pressions et comment gérer la crise si plus tard, à l’exemple du président Mallat, d’autres juges devaient se démettre pour protester contre de telles immixtions, ou même simplement les dénoncer avec courage devant l’opinion…
En tout cas, bien que cela indispose le juriste Hassan Rifahi qui estime que M. Majzoub peut diriger les séances, il semble presque certain que les verdicts ne seront pas rendus avant juillet prochain, sous l’égide du président qui doit succéder à M. Mallat. Le vice-président M. Mohammed Majzoub, indiquent des sources informées, ne souhaite prendre aucune initiative dans un sens ou dans un autre avant d’avoir consulté ses collègues, et il attendrait donc le retour de Paris des deux membres qui s’y trouvent actuellement, MM. Antoine Kheir et Sélim Turquieh.

E.K.
A première vue tout prête à croire que le pouvoir enchaîne à la file les «sujets de diversion» à travers les problèmes qu’il a l’art de multiplier, le dernier en date faisant oublier le précédent et ainsi de suite. Une façon étourdissante de manipuler l’opinion en jouant avec le feu. Pour en rester au plus récent chapitre de cette interminable saga, on note que la...