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Actualités - OPINION

Un arbre pour cacher la forêt ?

C’est avec davantage d’indignation que d’étonnement, que l’opinion a réagi au scénario biscornu élaboré pour évacuer les élections municipales.
C’est là un signe de maturité du citoyen dû au mépris chronique des pouvoirs vis-à-vis de la Constitution et des principes de la légalité républicaine, autant que de sa lassitude devant une telle désinvolture.
A telle enseigne que les notions de «pouvoirs publics» et «Etat de droit», vidées de leur sens, ne sont plus utilisées que par habitude.
Glanés dans l’actualité politique, quelques exemples typiques illustrent l’abdication de l’autorité, ainsi que sa dérive.
Voilà un Etat «démocratique» et «parlementaire» dont le chef d’un des pouvoirs accuse ses pairs, en même temps qu’il s’accuse, de gouverner de concert, en vue de satisfaire des intérêts personnels ou sectaires, qui n’ont rien à voir avec l’intérêt général.
Voilà une succession d’épisodes où des agents de l’administration, à différents niveaux, sont surpris la main dans le sac des administrés et du Trésor, au moyen d’une opération mafieuse dont les ramifications s’étendent comme une pieuvre.
Voilà une confusion totale dans la politique de l’information qui, faisant fi de l’égalité des citoyens devant la loi et de la liberté d’informer, tend à domestiquer le secteur de l’audiovisuel.
Voilà une crise latente entre le gouvernement et les syndicats, dont le dernier épisode met au jour le caractère policier du traitement des problèmes sociaux.
Voilà un projet de mainmise sur l’Université libanaise par une véritable voie de fait, au profit de la clientèle des responsables et au mépris de toute légalité.
Voilà une discrimination flagrante dans les poursuites judiciaires, assortie d’une politique répressive à la carte, qui viole le principe d’égalité, lequel est la base même de la justice.
Et pour couronner ce dévoiement, la démission du président de la Cour constitutionnelle vient souligner l’existence d’un climat équivoque entre la politique et la justice, du fait d’interférences dans ce dernier pouvoir, en même temps qu’elle révèle le malaise qui règne à l’intérieur de cette haute juridiction, du fait de discordances entre ses membres, dont les motivations, à en croire la rumeur, prêtent le flanc à la suspicion.
S’il en faut davantage pour troubler la sérénité des responsables, cela suffit largement à conforter le citoyen dans sa désaffection, voire sa méfiance vis-à-vis des institutions.
C’est pourquoi la campagne qu’on mène de ci et de là à l’occasion des municipales, pour la défense des principes constitutionnels, mobilise peu ou prou l’opinion, sceptique qu’elle est à l’égard de ce réveil soudain de la conscience légaliste et d’une rigueur éthique, à laquelle un laxisme chronique des dirigeants ne l’a pas préparée.
Ainsi, la solution en droit de la polémique sur les élections est occultée par un jeu politique qui se poursuit et dont les oscillations ne tendent, en définitive, aux yeux d’un public éclairé, qu’à un réajustement tactique des équilibres de force entre les pôles du pouvoir, suivant une équation subordonnée en tout état de cause à l’agrément du parrain, maître absolu de la décision finale.
En attendant, le pays est géré sans clairvoyance, c’est-à-dire sans programme politique, ni projet de société.
Faut-il rappeler que résister à Israël et coller à la Syrie dans le processus de paix sont un impératif national qui ne tient pas lieu de programme politique et que la reconstruction, pour nécessaire qu’elle soit, ne pourrait servir éventuellement que de toile de fond à un programme digne de ce nom?
A-t-on songé que, faute d’une telle initiative, des mouvements à caractère politique ou confessionnel peuvent tenter de combler le vide, chacun dans son milieu, accentuant ainsi les différences entre les fractions et les communautés, au grand dam de l’unité nationale?
De ce qui précède, il résulte que le remue-ménage politique qu’on se plaît à amplifier s’apparente à une fausse crise. Son seul mérite est de focaliser l’attention sur l’un des symptômes d’un mal chronique dont nous souffrons, donc de la distraire des sources de ce mal qui menace la viabilité d’un système de plus en plus défiguré d’ailleurs, et l’avenir de la nation.
N’est-il pas tentant pour la classe dirigeante, toutes tendances confondues, d’escamoter le vide de notre vie politique et la carence de l’Etat, en projetant la lumière sur un arbre, dans le but de cacher la forêt?
Jusqu’à quand s’obstinera-t-on, par égarement ou par calcul, à ne pas traiter le mal à sa racine?
S’il convient, à cet égard, de prendre en compte le «contexte régional», encore faut-il que celui-ci ne serve pas systématiquement d’alibi au blocage du système et à une dérive des institutions laquelle atteint son seuil critique.
C’est avec davantage d’indignation que d’étonnement, que l’opinion a réagi au scénario biscornu élaboré pour évacuer les élections municipales.C’est là un signe de maturité du citoyen dû au mépris chronique des pouvoirs vis-à-vis de la Constitution et des principes de la légalité républicaine, autant que de sa lassitude devant une telle désinvolture.A telle...