Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Municipales : l'opposition ultra approuve le report, mais critique le pouvoir

Quand, au sortir des législatives, et juste avant de rendre son tablier, le précédent gouvernement avait annoncé la tenue des municipales en juin prochain, on avait déjà beaucoup ri sous cape dans les coulisses politiques… Il paraissait évident en effet que ce pavé dans la mare, lancé pour éclabousser la Chambre dans le cadre des tiraillements entre pouvoirs, était d’ordre purement tactique. On était dès lors généralement convaincu que le élections seraient reportées, que le gouvernement ne parviendrait pas à tenir son pari car, pour commencer, il n’y croyait pas lui-même. Les choses avaient ensuite traîné, chacun essayant d’éviter d’avoir à assumer tout seul la responsabilité d’un inévitable ajournement. Puis l’heure de vérité a sonné et le gouvernement a dû se résoudre à reconnaître qu’il ne lui est pas possible de tenir parole dans les délais.
Un opposant indique à ce propos que «la situation actuelle ne permet en réalité aucune sorte de consultation populaire. La présence de l’occupant israélien au Sud et dans la Békaa-Ouest, le contrôle renforcé des villages de l’enclave par des lahdistes plus tendus que jamais à cause des développements régionaux; le problème des villages chrétiens ou mixtes de la montagne où les déplacés ne sont toujours pas retournés; la souveraineté que l’Etat n’a toujours pas récupérée; la question des émigrés, et encore plus des absents depuis la guerre; les disputes politiciennes sur des points comme le cumul de mandats, tout cela rend les municipales bien trop difficiles à organiser. On s’aperçoit, mais un peu tard, que les raisons d’empêchement restent les mêmes. En effet, rien n’a changé au fond depuis l’avènement de la Deuxième République si ce n’est que les canons se sont tus. Si, en 91-92, Sami el-Khatib n’a pas réussi (il proposait les municipales, qui auraient commencé par Beyrouth, comme test préparatoire pour les législatives), en 97, Michel Murr garde autant de handicaps… Certes en 92 comme en 96, le pouvoir, contre vents et marées, a pu faire — sur injonction des décideurs — un montage au niveau des législatives mais, dans un cas comme dans l’autre, on peut moins parler d’élection que de parachutage… comme le prouve avec éclat la présente affaire Mallat. Et cela ne peut pas aussi bien marcher au niveau des municipales qui sont des confrontations en vase clos, beaucoup plus étanches de ce fait au téléguidage».
«On est en droit d’estimer, poursuit ce radical, qu’au lieu de compromettre les fondements de la République et de la démocratie, il aurait mieux valu proroger le mandat de la Chambre de 72 jusqu’à ce que le pays revienne vraiment à la normale. C’est ce qu’on a fait, et qu’on va continuer à faire, pour les conseils municipaux qui sont en place depuis 33 bonnes années…».

Interprétation

De l’avis de cette figure de proue du courant ultra, «les vraies raisons du report sine die des élections municipales peuvent se résumer comme suit:
— La crainte de mauvais résultats pour le pouvoir, l’opposition toutes tendances confondues ayant décidé de faire front lors de cette échéance et de jeter tout son poids populaire dans la balance.
— Les dislocations qui ont pris corps dans de multiples localités au niveau des familles ou des clans appartenant au camp loyaliste et qui présentent des candidats opposés, ce qui fait le jeu de leurs adversaires qui pour leur part sont de notre côté.
— L’incapacité presque tangible des autorités à maintenir l’ordre, à empêcher des heurts dans les quartiers des villes ou dans les villages où les passions s’exacerbent à l’occasion des municipales bien plus que lors des législatives.
— L’impossibilité pour le pouvoir, toujours en raison de ce facteur de lice fermée, de pouvoir noyauter les municipales et fabriquer des listes à sa guise comme il avait pu le faire dans les législatives. L’impossibilité également de faire voter les morts à une telle occasion, car les gens d’un village ou d’un quartier se connaissent trop bien pour que la fraude puisse passer.
— On a beau parler de «coopération des pouvoirs», les députés ne portent toujours pas le gouvernement dans leur cœur. Comme ils savent qu’en se rétractant il va encore perdre du peu de crédit qui lui reste, ils ont multiplié de leur côté les tracasseries de toutes sortes, en pinaillant sur le moindre alinéa du projet de loi, pour pousser l’Exécutif à reporter les élections et la tactique a parfaitement réussi.
— Parallèlement, le président Nabih Berry, qui avait annoncé la couleur dès le départ, préfère que les élections se fassent sous le prochain régime. Et, inversement, le président Elias Hraoui aimerait qu’elles aient lieu sous son mandat. Un conflit larvé qui, en compliquant les donnes politiques, favorise en fait la non-organisation du scrutin, au titre de la règle arithmétique qui veut que le négatif l’emporte sur le positif, que moins par plus cela fait moins».

Questions

«Toujours est-il, enchaîne cet opposant, que l’ajournement débouche sur les questions d’ordre pratique suivantes:
1) - Les nombreuses agglomérations privées de conseils municipaux depuis des années, vont-elles rester confiées à la gestion des caïmacams qui sont débordés? Le gouvernement va-t-il en prendre prétexte pour demander le droit de désignation? Et ne devrait-il pas démissionner alors, une telle prérogative ne pouvant être attribuée qu’à un Cabinet de véritable entente nationale?...
2) - Qui est responsable pour la dépense engagée, qui vient s’ajouter au fameux gaspillage de la carte électorale imprimée en 92 et qui s’est révélée inutilisable? Passent encore les frais engagés pour la carte électorale individuelle et pour la correction des listes d’électeurs: ce sont là des mesures qu’il fallait prendre tôt ou tard; mais les dépenses de campagne électorale des candidats aux municipales ou à la «makhtara» des formations politiques ou des bureaux de leaders qui ont pris en charge les formalités des électeurs, qui va les leur rembourser?
3) - Le report des municipales va-t-il entraîner le blocage des projets concomitants, comme le code des municipales, la loi sur la décentralisation administrative, voire la loi électorale pour les prochaines législatives et le nouveau découpage des circonscriptions qu’elle doit consacrer?
4) - Le pouvoir attend-il la fin de la visite du pape au Liban en mai avant de remettre les municipales en selle ou compte-t-il patienter jusqu’à ce que la situation régionale, actuellement gelée, se décante?
5) - Pourquoi la Chambre ne discute-t-elle pas les amendements à la loi de 77, quitte à les rejeter si elle le souhaite? Pourquoi lier cet aspect du problème à celui de la date du scrutin?...».
«Le report des élections municipales, ajoute cette source, prouve si besoin était l’irrémédiable faiblesse du pouvoir dans toutes ses composantes, législatives aussi bien qu’exécutives. Tout autant que l’affaire Mallat, le report met en relief les failles profondes du système autant que le manque de confiance qu’il inspire aux Libanais qui constatent encore une fois que la démocratie se porte bien mal dans ce pays. Ces élections, il fallait certes les renvoyer mais leur annonce avait suscité au sein de l’opinion le vague espoir de voir se corriger, à travers une telle échéance, les déséquilibres que les dernières législatives ont encore accentués. D’autres part, l’ajournement va prolonger un statu quo de manque administratif assez pénible au niveau des projets de développement, sans qu’on sache quelles solutions de rechange un tel pouvoir défaillant peut bien mettre en place».
E.K.
Quand, au sortir des législatives, et juste avant de rendre son tablier, le précédent gouvernement avait annoncé la tenue des municipales en juin prochain, on avait déjà beaucoup ri sous cape dans les coulisses politiques… Il paraissait évident en effet que ce pavé dans la mare, lancé pour éclabousser la Chambre dans le cadre des tiraillements entre pouvoirs, était...