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Actualités - ANALYSE

Invalidations : quand les rôles s'inversent...

La démission de M. Wajdi Mallat, président du Conseil constitutionnel, est ressentie dans le Landerneau politique comme un séisme de force 6 sur l’échelle de Richter. Le magistrat «honoris causa», en secouant durement le cocotier, déçoit tous les loyalistes, évidemment nombreux, qui pensaient que le Conseil constitutionnel serait une institution-paravent de plus, un organisme de simple frime destiné à vernir d’une laque de respectabilité les pompes fangeuses. On tenait tellement à profiter d’un tel label de camouflage qu’on s’aperçoit, mais un peu tard, qu’on a doté le Conseil constitutionnel de prérogatives extraordinaires, en pensant que cela serait simplement pour la forme et qu’il ne chercherait pas à en user... En effet, par la volonté du législateur, ce «tribunal» si l’on peut dire est la seule instance à pouvoir trancher sans autre voie de recours ou d’exemption au titre d’une quelconque grâce présidentielle. Les seuls à s’en être aperçus, mais également un peu tard, ce sont les hraouistes qui se sont rendus compte dernièrement que le Conseil constitutionnel peut empiéter sans états d’âme, le cas échéant, sur le rôle de «gardien de la Constitution» dévolu au chef de l’Etat... Mais pour le moment le problème se situe ailleurs. Il s’agit, sur le plan concret, des invalidations potentielles des résultats de certaines élections de députés. Et sur le plan des concepts, de la crédibilité comme de l’autorité de l’Etat qui se trouvent attaquées par ceux-là mêmes qui en ont la charge.
Pour que le président du Conseil constitutionnel en arrive à démissionner «il faut que cela soit très grave car les problèmes du genre pressions abusives n’ont jamais manqué auparavant et M. Mallat n’a jamais hésité à les dénoncer, pour mieux les surmonter...» estime un député. «M. Mallat, ajoute ce parlementaire, aurait pu facilement attendre pour se retirer qu’on ventile le Conseil, le premier mouvement de rotation et de désignation de nouveaux membres devant intervenir dans moins de deux semaines, le 15 avril. Il serait alors parti par la petite porte, sans faire grand bruit et il est probable que l’homme, qui n’a jamais choyé le show off, aurait agréé une telle solution. S’il n’a pas pu temporiser, c’est qu’on a été probablement trop loin avec lui, peut-être même jusqu’aux menaces physiques contre sa personne ou contre sa famille. Ce ne sont malheureusement pas les voyous qui manquent dans ce pays...» déplore ce député.
L’un de ses collègues, que le soupçon de telles pratiques ne semble pas effleurer, regrette pour sa part «un geste d’humeur sans doute justifiable mais peu mesuré, surtout pour le président d’un Conseil qui représente en quelque sorte une assemblée de Sages».

Alternative

«M. Mallat, poursuit cette source, aurait pu se contenter de tenir une conférence de presse ou de publier un communiqué dénonçant les pressions subies avec assez de précision pour que nul ne soit tenté de récidiver. Il faut espérer maintenant qu’il revienne vite sur sa décision, qui porte un coup sérieux à l’édifice républicain. D’autant que notre propre président, M. Nabih Berry, a cru devoir y apporter son coup de pioche, en confirmant que tous les juges sont harcelés. Pour rester pratique, poursuit ce député, il faut maintenant savoir si les autres membres du Conseil constitutionnel connaissent les mêmes affres que leur président, ce qui serait dans la logique des choses, et s’ils ne vont pas être tentés de suivre son exemple, en signe de solidarité comme pour retrouver eux-mêmes leur quiétude d’esprit en échappant au climat malsain dans lesquels on les plonge. Que l’affaire se limite à M. Mallat, c’est une chose, et qu’elle entraîne le naufrage corps et biens du Conseil c’est autre chose...»
En tout cas, il est probable que certains autres députés se frottent les mains. On sait en effet que 17 des membres de l’Assemblée voient leur élection contestée et que six ou sept d’entre eux ont des dossiers difficiles à défendre, autrement dit, risquent fort de perdre leur siège au profit de leurs rivaux. On avait fait courir le bruit que le Conseil rendrait son verdict en une seule fois fin mars... Il n’en a rien été et l’un de ses membres confiait récemment à des intimes que «le jugement peut être rendu public dans quatre jours comme dans quatre mois: nous ne laisserons personne savoir exactement quand car il faut protéger nos travaux qui actuellement ne sont pas encore terminés». Probablement parce qu’une décision du Conseil doit être prise sinon à l’unanimité du moins à la majorité de sept sur dix, l’accord pouvant être difficile dans certains cas de figure pour des raisons de conviction. Ou de manque de pièces, le Conseil se plaignant aussi qu’on fasse obstruction à ses enquêtes en ne lui remettant pas rapidement tous les documents qu’il lui arrive de réclamer, dont les procès-verbaux du décompte des suffrages à l’issue des législatives de l’été dernier... Une mentalité dont un ministre «réaliste» se fait directement le chantre en déclarant que «les Sages du Conseil agissent comme s’ils avaient la mission de contrôler les résultats d’un scrutin en Suisse ou en Autriche... Ils oublient que nous sommes au Liban...» Ce même amateur de paradoxes affirme que «le Conseil tendrait une perche aux fraudeurs s’il venait à invalider des élections parce que des morts auraient voté. En effet la prochaine fois chaque candidat qui saurait avoir peu de chances de réussir ferait voter des disparus en faveur de son adversaire pour en faire ensuite invalider l’élection».
Une idée en effet. A cette nuance près qu’en principe la carte électorale individuelle, qui est dès à présent lancée sur le marché, ainsi que la mise à jour des listes d’électeurs qui est en cours rendront de telles astuces impossibles.
Toujours est-il que pour le fond, il est peu probable que l’affaire des invalidations aille bien loin: diverses sources loyalistes indiquent en effet que les décideurs déconseillent l’organisation de nouvelles élections législatives pour remplacer ceux que le Conseil constitutionnel aurait évincés.

Ph.A.-A.
La démission de M. Wajdi Mallat, président du Conseil constitutionnel, est ressentie dans le Landerneau politique comme un séisme de force 6 sur l’échelle de Richter. Le magistrat «honoris causa», en secouant durement le cocotier, déçoit tous les loyalistes, évidemment nombreux, qui pensaient que le Conseil constitutionnel serait une institution-paravent de plus, un...