Municipales : l'incertitude plane, malgré les assurances du gouvernement

Pour sa première séance du printemps, l’Assemblée nationale va plancher ce mercredi sur le projet du nouveau code des municipalités à la lumière des conclusions des commissions parlementaires... qui ont du reste prudemment éludé les principaux points litigieux, dont l’élection du président et du vice-président d’une municipalité au suffrage universel ou l’interdiction de cumul entre un mandat parlementaire et un mandat municipal. L’Assemblée devra donc se prononcer, en préparation, dans l’ordre pratique des choses, des élections municipales fixées par le gouvernement pour les deux premiers dimanches du mois de juin prochain.
A ce propos des sources ministérielles ne cessent de répéter que ces élections auront bien lieu aux dates fixées; mais d’autres pôles influents estiment que rien n’est encore joué, que le scrutin pourrait bien être renvoyé à l’an prochain, voire aux calendes grecques vu qu’en 1998 il y a une échéance d’élections présidentielles qui passe avant...
Un loyaliste relève ainsi que «M. Elias Hraoui n’a vraisemblablement pas parlé en l’air quand vendredi dernier, au sortir de sa visite à Bkerké, il a proclamé une parfaite entente de vues avec le patriarche Sfeir. Comme le prélat est notoirement réticent en ce qui concerne les municipales, on peut penser que Baabda veut désormais en tenir compte et se démarquer de ce projet bien qu’il soit soutenu à fond par un ami (qui est cependant «bien» avec tous les dirigeants), M. Michel Murr, ministre de l’Intérieur. Cependant il n’y a pas de certitude totale, précise cet analyste, car Mgr Sfeir a été plus nuancé au sujet des résultats de ses échanges avec M. Hraoui, indiquant que l’entrevue avait été positive et fructueuse, mais sans parler d’entente totale. Il n’est donc pas exclu que les deux hommes, tout en étant animé par les mêmes principes ou constantes générales, en tirent des conclusions pratiques différentes et cela peut être le cas pour les municipales comme pour bien d’autres sujets...» C’est même évident, quand on pense par exemple aux rapports avec Damas ou aux suites des dernières élections législatives.

Equation

Toujours est-il qu’une autre personnalité prend l’autre bout de la lorgnette pour estimer que «le patriarche peut n’être pas si braqué contre les municipales. Il souhaite certes, comme il l’a indiqué à maintes reprises, que toute occasion de cette sorte permette la promotion de l’entente nationale, entendre des rééquilibrages requis... Mais son scepticisme à ce sujet, pour évident qu’il soit, n’empêche pas qu’il voudrait donner à la République actuelle, une fois de plus, une chance de réparer ses fautes comme ses erreurs, sur le terrain même... On peut donc penser que ce n’est pas le président Hraoui qui devient réticent à l’égard du projet des municipales mais Mgr Sfeir qui en admettrait le principe, tout en restant réservé. D’ailleurs le chef de l’Etat pense également qu’une opération comme les municipales doit rapprocher les Libanais, dans leurs composantes principales, au lieu de les diviser encore plus».
Il reste que sur le plan pratique les cercles proches de Baabda comme de Bkerké se posent une même interrogation perplexe: nonobstant la carte électorale individuelle, ou même à cause d’elle, que peuvent apporter de bon les municipales dans les localités qui ont perdu, du fait de la guerre, tout ou partie de leur population d’origine, notamment dans la montagne... Là, la coutume était que la communauté majoritaire ait la présidence du conseil municipal et la minoritaire la «makhtara». Mais cela ne signifie plus rien aujourd’hui, dans la plupart des localités où le vote des déplacés n’aurait aucun sens. Cela malgré l’accord conclu au cours d’une rencontre discrète entre MM. Walid Joumblatt et Dory Chamoun pour encourager des listes d’entente devant promouvoir un climat propice au retour.
Sur un autre plan, des modérés estiment que «tout compte fait, les gens de pouvoir peuvent estimer que les municipales risquent d’être globalement décevantes et décider donc de s’en passer. Ni M. Elias Hraoui ni M. Nabih Berry ne semblent en effet en position favorable à Zahlé ou au Sud, et à Beyrouth M. Rafic Hariri a dû s’engager à composer avec MM. Sélim Hoss et Tammam Salam. Par ailleurs, outre Bkerké, on note que le président du Conseil supérieur chiite cheikh Mohammed Mehdi Chamseddine se déclare lui aussi opposé à la tenue des municipales dans les conditions actuelles que connaît le pays... Enfin la détermination électorale qu’affichent à l’Est les aounistes peut donner à réfléchir au pouvoir et il n’est pas du tout exclu que de lui-même il reporte les élections municipales» concluent ces sources.

Ph. A-A.