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Actualités - REPORTAGE

Soliloque au TDB La femme, l'amour et la mort... (photo)

Aujourd’hui et demain, à 20h30, le Théâtre de Beyrouth présente «Halat Hobb» (état d’amour) mise en scène par Zaki Mahfoud. C’est là une adaptation de la pièce de Paul Chaoul, «Cinq heures». Une femme (Aïda Sabra) tente désespérément de sortir son homme du mutisme et l’empêcher de se tuer. Mais dans le fond, on s’en apercevra, c’est elle-même qu’elle cherche à sauver...
Première trouvaille: c’est le personnage féminin qui met en place le décor très sobre d’ailleurs: une porte en fer hermétiquement close, une structure de penderie sur roulettes, un drap jaune et une banale chaise de bistro. Le grelot de la porte retentit... comme un glas. C’est le facteur. Alors qu’elle lit la lettre qu’elle vient de recevoir, ses traits se décomposent. L’expression de son visage passe du contentement à la détresse. Tel un animal affolé, elle se met à tourner sur elle-même. Instinctivement, alors que les premières notes d’un disque éraillé d’Oum Koulçoum grésillent, elle se met à danser.
Pendant que la danse se déroule, tantôt suppliante, tantôt violente, on sent que cette femme qui s’exprime là sur scène par le mouvement est en train de faire un choix décisif. On comprendra plus tard qu’à ce moment elle a opté pour le plus simple, le plus difficile: vivre l’amour, vivre d’amour. Amour de lui, amour d’elle-même... Pendant une heure, elle va tout mettre en œuvre pour dissuader l’homme qu’elle aime de se suicider. Et de la suicider avec lui...
La musique s’arrête. Elle commence, enfin, à lui parler. La porte blindée les sépare. Elle ne le voit ni ne l’entend. Mais les jeux de lumière qui animent les reflets cuivrés de la porte, donnent l’impression que cet objet, rempart et symbole de l’homme, répond à ces premières sollicitations...
La femme rappelle à l’homme leur détresse commune face «aux grandes causes que nous avons perdues». Elle se révolte devant sa résignation. Elle le supplie de s’en défaire, comme on larguerait un boulet.
«Un arbre, une chaise aident parfois quelqu’un à rester debout». Cette phrase revient comme un leitmotiv. Elle rythme la pièce. La femme se la dit, comme pour justifier sa propre existence.
Qu’elle se fasse geignarde ou menaçante, la voix est déchirante. Au fur et à mesure qu’elle supplie, elle perd de son énergie et se charge d’une irrémédiable détresse.
Du «Ne te tues pas» au «Laisse-moi sentir que je suis la dernière chose que tu veux voir»; la femme entreprend cette descente aux enfers avec courage.
La résignation de son homme la gagne peu à peu. Mais elle ne baisse pas les bras, pour autant. Elle boira le calice jusqu’à la lie. Elle parle avec la porte, la soulève, tournoie avec, l’enlace et l’embrasse... elle la porte à bout de bras comme elle le ferait de son homme, s’il était en face d’elle.
Le silence persistant de son homme provoque chez elle une logorrhée. Mais rien n’y fait. Il est emmuré.
Se rendant compte que sa démarche n’a abouti à rien, la femme se laisse aller à la vindicte. Deux mots «égoïste, chien»; et une constatation comme un coup de poignard dans le cœur, «je ne suis donc rien, pas même un arbre... pas même une chaise». Et elle envoie tout balader.
Il ne reste plus que la nudité des planches pour tout décor. L’odieuse — et irrémédiable — victoire de la mort. Le désespoir infini, insupportable d’un amour détrompé...
Dans «Halat Hobb», la mise en scène s’appuie sur la gestuelle et le texte. Aïda Sabra est gênante de vérité. Il n’y a pas un soupçon de cabotinage dans son jeu. Elle incarne une jeune femme dont la survie même dépend de la survie de l’homme. Non pas qu’elle ne peut vivre sans lui, mais elle ne peut vivre avec l’idée que leur amour, n’étant plus, n’avait jamais été...
«Quand on est dans l’impossibilité d’oublier, le grand amour reste l’unique chance de survie» dit Zaki Mahfoud. Et si cette chance ne se présentait pas...

Aline GEMAYEL
Aujourd’hui et demain, à 20h30, le Théâtre de Beyrouth présente «Halat Hobb» (état d’amour) mise en scène par Zaki Mahfoud. C’est là une adaptation de la pièce de Paul Chaoul, «Cinq heures». Une femme (Aïda Sabra) tente désespérément de sortir son homme du mutisme et l’empêcher de se tuer. Mais dans le fond, on s’en apercevra, c’est elle-même qu’elle...