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Actualités - INTERVIEWS

Le patriarche est attendu demain à Beyrouth Sfeir exclut des relations directes avec la Syrie

Le cardinal Nasrallah Sfeir est attendu demain à Beyrouth au terme d’une visite de deux semaines au Brésil. A la veille du retour du patriarche au Liban, la LBCI a diffusé une interview du chef de l’Eglise maronite, l’une des rares qu’il ait accordées à un média.
La visite du pape au Liban, le texte de l’exhortation apostolique, la situation dans le pays, les relations avec la Syrie sont autant de thèmes autour desquels l’interview s’est articulée. En dépit des tentatives de l’interviewer visant à l’amener à prendre des positions tranchées, le patriarche a voulu nuancer ses réponses, mais, pour la plupart, ses propos ne pouvaient prêter à équivoque.
Il a ainsi mis l’accent sur les anomalies qui continuent de caractériser la vie politique dans le pays, estimant que le Parlement n’est pas représentatif en raison des conditions dans lesquelles les législatives ont eu lieu en août dernier. Il a aussi clairement laissé entendre qu’il est contre l’établissement de rapports directs entre Bkerké et Damas, soulignant que les relations avec la Syrie doivent être d’Etat à Etat seulement et reprochant à Damas de s’immiscer dans les affaires libanaises. Le patriarche a de nouveau appelé à un retrait de toutes les forces étrangères du Liban. Il n’a pas voulu s’étendre au sujet de la teneur de l’exhortation apostolique en excluant toutefois une modification du texte et notamment des points qui avaient suscité une polémique dans le pays. Quant à la visite du pape, elle ne peut en aucune façon, selon lui, consacrer le fait accompli dans le pays.
Deux heures durant presque, le patriarche a répondu aux questions qui lui étaient posées dans le cadre du programme «Kalam el-Nass» diffusé sur la LBCI. Mgr Sfeir a souligné qu’il n’a pas brossé devant les émigrés le tableau qu’il a l’habitude de présenter lorsqu’il évoque la situation dans le pays dans ses homélies. Et si, au Liban, il critique certaines pratiques du Pouvoir, c’est, a-t-il dit, «parce que nous ne pouvons rapporter que ce que nous voyons et dire la vérité».

La visite du pape

En ce qui concerne la visite du pape les 10 et 11 mai, il a précisé que Bkerké était au courant de la date fixée mais n’avait pas voulu l’annoncer avant le Vatican afin de «garder la visite à l’abri des spéculations de la presse». Il a réaffirmé la dimension spirituelle du synode spécial pour le Liban qui s’était tenu à la fin de 1995 au Vatican, rejetant toute implication politique de cette assemblée.
Le patriarche s’est abstenu de commenter le texte de l’exhortation apostolique. «Il fait l’objet d’une étude minutieuse et nous ne sommes pas autorisés à en parler avant sa publication», a-t-il fait remarquer avant d’exclure une modificiation du texte. L’exhortation apostolique reprend, comme on le sait, les principaux points du message final du synode.
Après avoir rejeté la thèse selon laquelle la visite du pape à l’heure actuelle consacrera un fait accompli, Mgr Sfeir a rappelé que Sa Sainteté «n’avait pas hésité à se rendre en Pologne à l’époque où son régime était encore communiste. Il n’avait pas craint de dire ce qu’il avait à dire. Les choses ont changé par la suite. C’est peut-être sa visite qui a contribué à supprimer le déséquilibre». Le patriarche a par ailleurs démenti les informations selon lesquelles un sommet élargi islamo-chrétien précédera la visite du pape.

L’accord de Taëf

Mgr Sfeir a déploré à plusieurs reprises l’application «tronqué et sélective» de l’accord de Taëf. Pour lui, il est indispensable que le document d’entente nationale soit respecté «dans son ensemble pour qu’on puisse relever ses lacunes et les corriger». Le patriarche a notamment déploré le fait que les responsables libanais «ne peuvent rien décider sans en référer au préalable (à la Syrie qu’il n’a pas toutefois nommée) pour que leurs décisions soit exécutoires». Il a rejeté également la thèse selon laquelle «les tentatives de rapprochement avec Bkerké ont pour but de rétablir l’équilibre». «Ce n’est pas là le but de ces tentatives de rapprochement. Si l’on veut rétablir l’équilibre, il faut d’abord que la représentation parlementaire soit correcte et c’est ce qui manque actuellement».
Le chef de l’église maronite a aussi reproché à l’Etat de tenir l’opposition à l’écart. «Le climat qui règne est malsain. Les opposants n’ont pas le droit de faire partie de l’Etat comme cela se passe dans tous les pays démocratiques», a-t-il fait valoir. Il a déploré la politique des deux poids deux mesures suivie et qui fait «que c’est toujours la même partie», en l’occurrence les courants de l’opposition à Taëf, qui est harcelée «et poursuivie au moindre incident». Il faisait notamment allusion aux arrestations qui ont suivi l’attaque contre un minibus syrien en décembre dernier à Tabarja.
Il a rappelé que la guerre est terminée au Liban sans que la paix ne soit instaurée. «Elle le sera lorsque les gens sentiront que leurs droits sont protégés, qu’ils peuvent obtenir ce à quoi ils aspirent, et lorsque la liberté, la démocratie et le respect des droits de l’homme seront rétablis». Mgr Sfeir s’est prononcé au passage contre le contrôle imposé aux programmes retransmis par satellite.
Il a par ailleurs jugé «indispensable» la résistance en raison de l’occupation israélienne, soulignant toutefois que cette dernière doit «agir en coordination avec l’Etat et suivant les orientations définies par les autorités».

Les relations
avec la Syrie

En ce qui concerne les relations avec la Syrie, le patriarche a fait état de nombreuses tentatives visant toutes à établir un dialogue entre Bkerké et Damas. «Le dialogue doit s’instaurer entre un Etat et un autre et même un contact entre Bkerké et Damas doit avoir lieu par le truchement de l’Etat. Il n’en demeure pas moins qu’il est dans l’intérêt des deux pays de maintenir des relations étroites». Après avoir insisté sur l’indépendance du Liban, il a mis l’accent sur le fait que les frontières du pays ne sont pas artificielles. «A la conférence de Versailles, le patriarche Hoayek avait demandé que le Liban soit ramené à ses frontières initiales qui sont celles d’aujourd’hui. De plus, une carte tracée avant 1860 montre les frontières du pays. Le Mandat n’a fait que restituer au Liban ses frontières initiales. Ce qui fait qu’il est en droit de se prévaloir de sa souveraineté tout en maintenant les relations les plus étroites avec Damas. Mais il ne doit pas pour autant se mêler des affaires de la Syrie tout comme la Syrie ne doit pas intervenir dans les affaires intérieures de notre pays. La situation actuelle est anormale».
Le patriarche a écarté la possibilité d’une visite à la communauté maronite de Syrie. «Les maronites de ce pays ont trois évêques et je ne crois pas qu’ils ont besoin qu’on se rende auprès d’eux. Il y a même des régions au Liban que nous n’avons pas encore visitées».
Il a par ailleurs encouragé la population à participer aux municipales, qu’il a considérées comme «un moyen susceptible de rétablir la démocratie dans le pays». Il s’est prononcé ainsi contre la nomination d’une partie des conseils municipaux.
Le cardinal Nasrallah Sfeir est attendu demain à Beyrouth au terme d’une visite de deux semaines au Brésil. A la veille du retour du patriarche au Liban, la LBCI a diffusé une interview du chef de l’Eglise maronite, l’une des rares qu’il ait accordées à un média.La visite du pape au Liban, le texte de l’exhortation apostolique, la situation dans le pays, les relations...