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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Au cours d'une conférence au mouvement culturel d'Antelias Eddé : Chiha, le visionnaire, nous avait avertis du danger israélien

Michel Chiha, un «visionnaire» qui mettait en garde il y a une cinquantaine d’années contre «les dangers» qui continuent de guetter aujourd’hui le Liban et les Arabes du fait de la création de l’Etat d’Israël. C’est le ton d’une conférence donnée hier par M. Michel Eddé, ministre d’Etat, sur le thème «Chiha et la question palestinienne».
La rencontre, à laquelle ont pris part d’autres conférenciers, était organisée à Antélias conjointement par le Mouvement culturel d’Antélias et l’International Pen Club, à l’occasion de la réédition en langue arabe de l’œuvre de l’essayiste, disparu en 1954.
M. Eddé s’est notamment employé à démontrer, à partir d’un recueil d’écrits de Chiha intitulé «Palestine», la capacité de l’auteur à saisir, dès la naissance de l’Etat hébreu, la réalité de sa nature et les implications futures de sa politique dans la région.
Il a en outre exprimé le souhait de voir ce recueil adopté dans les programmes scolaires et universitaires au Liban.
«Depuis 53 ans, et jusqu’à sa mort, (Chiha) avait exprimé des craintes sur de multiples dangers concrets qui allaient s’abattre sur le Liban, la Palestine et les Arabes des suites de la création de l’entité sioniste», a relevé M. Eddé.
«Ce qui l’inquiétait à l’époque nous inquiète encore aujourd’hui et nous commande toujours d’être sur nos gardes pour éviter de retomber dans l’erreur», a-t-il souligné.
L’un de ces dangers réside dans «l’illusion que certains d’entre nous nourrissent sur une division en Israël entre dirigeants modérés et extrémistes». «Israël, depuis sa naissance, poursuit les mêmes projets, la même stratégie de l’expansion, de l’hégémonie, de l’annexion des terres et de l’occupation. Lorsqu’il y a un léger changement de ton ou de style dans la recherche des mêmes objectifs, la raison en est uniquement la nécessité de s’adapter aux circonstances», a-t-il estimé.

La même
politique

Pour M. Eddé, que le premier ministre israélien se nomme Sharett, Ben Gourion, Begin, Sharon, Rabin ou Netanyahu, il s’agit toujours de la même politique.
Sur la question de l’hégémonie, le ministre s’est référé à ces mots de Chiha, publiés le 18 mai 1946, trois jours après la proclamation de l’Etat d’Israël: «Toute la force mondiale d’Israël, représentée à Tel-Aviv par le gouvernement d’un Etat souverain, convergerait sur les pays arabes et sur leur asservissement économique en vue d’une domination politique future».
Pour faire face à cette menace, Michel Chiha appelle les Arabes à la résistance: «La résistance arabe n’est pas seulement nécessaire; elle est vitale. C’est vraiment, c’est authentiquement, à la longue, pour le Proche-Orient d’Asie jusqu’à l’Egypte, une question de vie et de mort».
«Cet appel, lancé il y a quarante-neuf ans, est toujours d’actualité et exprime encore les besoins du moment», a noté M. Eddé.
Dans ses mises en garde à l’intention des Arabes et l’appel qu’il leur lance afin qu’ils découvrent leur ennemi dans sa vérité, (Chiha) écrit le 12 juin 1948: «Il faut nous rappeler qu’Israël est déjà une puissance mondiale et non point cette poignée de proscrits et de persécutés qu’on veut nous montrer cherchant un gîte sous le ciel».
M. Eddé a souligné que l’essentiel pour Michel Chiha était que les Arabes comprennent cela et «se préparent à affronter une puissance disposant d’une force et de moyens de niveau mondial». Mais les Arabes ne semblaient pas aller dans cette direction. Le 5 juillet suivant, Chiha écrivait: «Les pays arabes n’ont pas encore compris que de tous les dangers qui peuvent les menacer, l’Etat juif est le plus grand. C’est en effet leur dépossession lente ou rapide qui est le but d’Israël, depuis la Méditerranée jusqu’à l’Euphrate. Si les pays arabes cédaient, ce serait pour eux un suicide; ce serait comme d’entrer délibérément dans la nuit».

Le rôle de
l’information

M. Eddé a indiqué par la suite que Michel Chiha avait «compris très tôt» l’importance du rôle de l’information dans le conflit israélo-arabe et «relevé l’absence des Arabes sur ce front». «Il a tenté de leur faire remarquer qu’Israël, qui demande l’absurde, parvient à en faire un droit, alors que les Arabes, en hésitant à revendiquer leur droit, le rendent absurde».
«Michel Chiha n’a négligé aucun détail pouvant contribuer à renforcer la position des Arabes. Depuis lors, il s’est employé à ouvrir les yeux des Libanais et des Arabes sur tout ce que pouvait comporter le projet israélien», a poursuivi le ministre, rappelant que Chiha avait également mis en garde en août 1948 contre «l’ambition des juifs de mettre la main sur Jérusalem» et d’en faire la capitale de l’Etat d’Israël. Face à cette ambition, et dans le but de défendre Jérusalem et les lieux saints, l’essayiste préconisait l’internationalisation de la ville. «C’était pour parer à la catastrophe qui allait venir (la chute de Jérusalem en juin 1967), pour sauver Jérusalem», a estimé M. Eddé.
«Michel Chiha a compris dès le début les objectifs d’Israël: affaiblir les Arabes militairement, politiquement, économiquement et socialement. Mais ses appels sont trop longtemps demeurés des cris dans le désert», a-t-il dit.
Chiha était partisan de l’armement du Liban. Le 29 juillet 1950, il écrivait: «Chacun conviendra en tout cas que, si pacifiques et si faibles, territorialement et numériquement, que nous soyons, nous sommes obligés, nous Libanais, de nous armer et de nous tenir sur nos gardes». M. Eddé a noté que cet appel était lancé «à un moment où, hélas, des slogans inverses, comme par exemple «la force du Liban est dans sa faiblesse»», étaient en vogue, dans une allusion au mot célèbre de Pierre Gemayel, fondateur des Kataëb.
«Le 3 janvier 1952, Michel Chiha appelle les Arabes à adopter une position au sujet des négociations avec Israël. Combien nous est-il contemporain, ce jour-là?, a souligné M. Eddé, affirmant que Chiha estimait que toute négociation basée sur les conditions posées par Israël «signifierait la justification de ses violations non seulement passées, mais aussi ultérieures». «S’empresser d’accepter ce qu’Israël propose ne mène pas à la paix. C’est au contraire préparer la guerre. Accepter serait pour les Arabes un suicide».
«Ces vérités, (Chiha) les exposait en 1952, il y a quarante-cinq ans», a noté le ministre, selon lequel «la position commune du Liban et de la Syrie et leur vision convergente des négociations en cours n’est que la prise en compte de ces considérations fondamentales».
«En lisant Chiha, vous réaliserez que ce qu’il écrivait, et ce qu’il proposa comme principes pour les Arabes dans ce qui a trait à Israël, se retrouve, en substance comme dans les détails, dans les principes constants sur lesquels nous nous sommes fondés, au Liban et en Syrie, en ce qui concerne notre participation aux négociations pour une paix juste dans la région, depuis le début de ces pourparlers à Madrid», a poursuivi M. Eddé.

Comme si c’était
aujourd’hui

«Ce que Chiha écrivit à ce sujet, on dirait qu’il l’écrit aujourd’hui, voire demain. C’en est ainsi de sa mise en garde contre des négociations et une paix avec Israël qui ne seraient pas basées sur des fondements garantissant nos droits, ses avertissements contre toute négociation et toute paix séparée, ses exhortations en faveur de la solidarité interarabe et sa conviction de la communauté de destin entre le Liban et la Syrie», a encore dit M. Eddé.
«Tout cela, nous le lisons aujourd’hui non seulement dans le livre de Michel Chiha, nous le voyons consacré dans nos principes et dans nos positions libanaise et syrienne. Et combien avons-nous œuvré et œuvrons-nous encore pour que les positions de tous nos frères arabes soient solidaires de la nôtre?» a-t-il lancé.
«Michel Chiha, comme vous le savez, n’était que le symbole de la modération. C’est à partir de cette modération qu’il fit ses propositions et appela à les adopter. Il n’était pas extrémiste et nous ne le sommes pas non plus aujourd’hui», a insisté le ministre.
«Michel Chiha nous interpelle après sa mort, comme il nous a interpellés de son vivant. L’homme de l’Histoire est présent avec nous. Il s’adresse à notre conscience afin que nous ne commettions pas les erreurs fatales pour notre avenir. Notre espoir est grand de voir se multiplier les oreilles qui savent écouter», a conclu M. Eddé.
Après «Chiha et la question palestinienne», d’autres facettes de la personnalité de Michel Chiha ont été mises en valeur par MM. Mohammed Baalbacki (Chiha, journaliste), Ghaleb Ghanem (Chiha, poète Ghassan Khaled (Chiha et les valeurs humaines) Jamil Jabre (le Liban de Chiha) et Mme Mona Amiouni (Chiha, la parole ailée). Pour cette dernière, «Michel Chiha sera toujours cet honnête homme qui pensait que le salut de l’homme vient d’une haute spiritualité et d’une culture universelle». M. Ghanem, lui, citera cette phrase de l’essayiste: «La poésie au Liban participe au besoin de liberté qui nous prend aux entrailles».
Michel Chiha, un «visionnaire» qui mettait en garde il y a une cinquantaine d’années contre «les dangers» qui continuent de guetter aujourd’hui le Liban et les Arabes du fait de la création de l’Etat d’Israël. C’est le ton d’une conférence donnée hier par M. Michel Eddé, ministre d’Etat, sur le thème «Chiha et la question palestinienne».La rencontre, à...