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Actualités - ANALYSE

Projet de révision de la loi organique concernant le conseil constitutionnel

Ce journal l’a souligné à plus d’une fois: le conseil constitutionnel a reçu un uniforme de location qui n’est pas taillé à l’exacte mesure des besoins qu’il doit satisfaire. Des pôles gouvernementaux et parlementaires ont fini par s’en apercevoir et penchent en conséquence pour une rectification de la loi créant cette institution.
Un texte assez bâclé que la Chambre, alors pressée, n’avait pas examiné à fond avant de l’approuver. Les autorités ont donc prié un constitutionnaliste de renom de plancher sur la question qui appelle des remarques dont bon nombre sont partagées par ce spécialiste:
— L’article 19 de la Constitution stipule que le C.C. a pour mission de contrôler la constitutionnalité des lois, de trancher les litiges et les constestations se rapportant aux élections présidentielles ou parlementaires. Il est précisé, comme de coutume en pareil cas, que l’organisation du Conseil, son mode de composition, de fonctionnement et de recours seront définis par une loi ordinaire. Laquelle a été promulguée le 14 juillet 1993, sous le numéro 250.
Mais cette loi outrepasse par bien des côtés les dispositions de l’article 19 C. fondateur. En effet, elle considère que le C.C. est une instance judiciaire aux décisions impératives et sans appel. Caractère qui justement n’est pas donné aux autorités judiciaires de ce pays où il y a toujours possibilité de recours à un degré et parfois à deux degrés supplémentaires. En fait la Constitution libanaise n’accorde jamais un droit de trancher définitif en une seule fois, même pas au pouvoir exécutif dont les décisions peuvent être contestées devant le Conseil d’Etat ni au pouvoir législatif, dont les lois peuvent être réexaminées à la demande du chef de l’Etat. Quant à la Cour de Justice, saisie sur intervention du Conseil des ministres pour atteinte à la sûreté de l’Etat, ses verdicts sont sans appel mais pas sans recours: il y a toujours moyen de solliciter une grâce présidentielle; et d’autre part toute partie justiciable est toujours en droit, même en présence de la Cour de Justice, de porter plainte contre l’instance ou contre l’un de ses membres devant la Cour de Cassation toutes Chambres réunies. Toujours est-il qu’on donne à une instance, par une simple loi ordinaire, des pouvoirs qui dépassent ce que la Constitution elle-même autorise. Si on veut quand même les maintenir, il faudrait alors une loi constitutionnelle, entendre un nouvel article au sein de la loi fondamentale elle-même.
De plus les prérogatives absolues concédées au C.C. portent ombrage à celles de la présidence de la République et sont en contradiction avec l’article 49 de la Constitution qui précise que le chef de l’Etat «veille au respect de la Constitution et des lois...»

Forte mesure

On en a déjà vu un exemple concret: le 7/8/96, le C.C., dans une sentence portant le numéro 4/96, ramenait à quatre ans le mandat de la prochaine Chambre des députés auquel une loi avait rajouté huit mois. Le président de la République, après avoir consulté le président de la Chambre, le Conseil des ministres, le chef du gouvernement et certains juristes, avait alors considéré que le C.C. outrepassait son rôle en traitant d’un tel point. Mais il n’y pouvait rien, se trouvant ligoté par la loi numéro 205 et privé de la sorte de son propre rôle concernant le respect de la Constitution dans son esprit comme dans sa lettre.
D’autres confusions, empiètements ou débordements sont relevés dans la loi 250. Ainsi elle va jusqu’à affirmer que le C.C. «tranche au sujet de la validité des élections», alors que l’article 19 de la Constitution se contente de dire que l’instance «tranche au sujet des différends et des contestations découlant des élections». La différence saute aux yeux et elle est de taille: tandis que la Constitution fait du conseil un juge-arbitre dans le seul cas de procès en invalidation, la loi ordinaire l’érige en censeur général de toute l’opération électorale. En outre, autre imprécision, l’article 24 de la loi 250 dit que le C.C. «se prononce au sujet de la validité de la représentation d’un député élu et «examine» les contestations». Le verbe «examiner» est utilisé là où la Constitution dans son article 19 commande de «trancher», pour ou contre, sans troisième voie, sans possibilité de relever que le matériel a pu manquer pour juger...
Plus avant, on constate que l’article 31 de la loi 250 va à son tour très loin en donnant au Conseil constitutionnel pouvoir de «proclamer la validité ou l’invalidité d’un mandat contesté avec annulation du résultat par rapport au député dont la députation est attaquée». du côté du règlement intérieur du Conseil il doit se limiter, comme cela se fait partout dans le monde, à l’organisation du fonctionnement interne de l’instance concernée. Or l’article 42 contredit l’article 31 et l’article 19 C. Le Conseil peut demander au Législatif de gommer les déphasages et d’harmoniser les textes. Il peut aussi tabler sur sa propre production pour faire jurisprudence; mais dans ce cas, quelles pourraient être les réactions des parties qui se sentiraient lésées, ne voudraient-elles pas demander pourquoi l’on a choisi telle base et pas telle autre, également existante, pour juger... Et dans le même ordre d’idées si on devait laisser le Conseil procéder par interprétation, ce qui est inadmissible en matière constitutionnelle, que pourrait faire le chef de l’Etat, gardien de la Constitution pour qu’on en respecte les termes?

E.K.
Ce journal l’a souligné à plus d’une fois: le conseil constitutionnel a reçu un uniforme de location qui n’est pas taillé à l’exacte mesure des besoins qu’il doit satisfaire. Des pôles gouvernementaux et parlementaires ont fini par s’en apercevoir et penchent en conséquence pour une rectification de la loi créant cette institution.Un texte assez bâclé que la...