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Actualités - CHRONOLOGIE

La bombe à retardement que représentait l'affaire des évacuations a pu être désamorcée Sursis pour les habitants de Hay El Maramel Le mohafez du Mont-Liban chargé de réeaxaminer le dossier (photos)

Si un sit-in symbolique n’avait pas été organisé hier à Hay el-Maramel, à Ouzaï, on aurait pu dire que tout était rentré dans l’ordre dans ce quartier où chacun vaquait comme tous les jours à ses occupations. La confrontation redoutée entre les habitants de ce quartier de la banlieue-sud de la capitale — appuyés par Amal et le Hezbollah — et les forces de l’ordre a pu être évitée, il est vrai, mais le problème n’a pas été pour autant réglé. Un sursis a été seulement accordé aux habitants des lieux en attendant que le mohafez du Mont-Liban, M. Mohamed Souheil Yamout, établisse son rapport. M. Yamout a été chargé hier par le Conseil central de sécurité, saisi dimanche de cette affaire, de revoir le dossier de l’évacuation de Hay el-Maramel et de s’assurer si les plaintes des habitants de ce quartier sont fondées ou pas.
La journée d’hier a été en définitive consacrée aux démarches de conciliation. Des efforts tous azimuts ont été menés pour tenter de trouver une issue à un problème administratif qui a fini par prendre une dimension politique alarmante, en raison notamment de la position en flèche adoptée par le chef du Législatif, M. Nabih Berry. Même le ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr, a reconnu que le problème de l’évacuation de Hay el-Maramel a pris une connotation politique qui commande l’intervention du Conseil des ministres.
M. Murr a présidé dans la matinée une réunion extraordinaire du Conseil central de sécurité consacrée à l’affaire de Hay el-Maramel, pendant que le Conseil d’administration d’«Elyssar» se réunissait également en session extraordinaire pour débattre du même problème.

Pas de recours
à la force

Le ministre de l’Intérieur a précisé par la suite que le mohafez du Mont-Liban a été chargé de réexaminer le dossier et «d’entreprendre des contacts pour parvenir à une solution sans recourir à la force». Et de préciser: «Le mohafez devra soumettre son rapport aux autorités concernées et s’il apparaît que la question nécessite une décision politique, elle sera soumise au Conseil des ministres parce que le ministère de l’Intérieur n’est pas directement concerné par cette affaire».

M. Murr a expliqué que si le dossier de Hay el-Maramel a revêtu un caractère politique c’est «parce qu’il a été dit que certaines personnes ont pu bénéficier d’indemnités beaucoup plus élevées que celles qui devaient êtres versées à d’autres». «C’est dans ce sens que le dossier est devenu politique: chaque personne qui s’est sentie lésée a eu recours à l’autorité politique qui la représente», a-t-il ajouté.

En réponse à une question, le ministre a minimisé l’importance de la mise en garde de M. Berry contre un nouveau «6 février». «Il ne s’agit pas d’une menace mais d’un rappel (de la confrontation de 1984 entre l’armée et les miliciens d’Amal). Ce genre de problème ne peut pas être réglé par la force. Nous ne pouvons pas avancer de l’argent à une personne et lui demander de vivre dans la rue. C’est une déclaration politique et non pas une menace d’un nouveau» «6 février», a indiqué M. Murr, assurant qu’aucune mesure de sécurité ne sera prise pour le moment à l’encontre des habitants de Hay el-Maramel.

Le Conseil central de sécurité s’est réuni en présence de MM. Adnane Addoum, procureur général près la Cour de cassation, Nasri Lahoud, commissaire du gouvernement auprès du Tribunal militaire, Nicolas Saba, mohafez de Beyrouth, Raymond Rouphaël, directeur général de la Sûreté générale, des brigadiers Michel Rahbani et Ibrahim Abbas, représentants le commandement de l’armée, des directeurs généraux des FSI et de la Sécurité de l’Etat, les généraux Rafic Hassan et Nabih Farhat, de l’inspecteur général des FSI, le brigadier Rafic Haddad, du représentant des forces syriennes au Liban, le colonel Rustom Ghazali, et du mohafez du Mont-Liban.

«L’évacuation ne devait
pas commencer hier»

Plus tard, M. Mohamed Yamout devait tenir une conférence de presse pour expliquer en quoi consiste sa mission. Ses explications ont toutefois traduit une nette volonté de minimiser l’importance de l’affaire de Hay el-Maramel. Il a insisté sur le fait qu’il n’était pas question de jeter à la rue les habitants des lieux. «On a essayé de présenter la journée du 17 février (hier) comme une journée de confrontation, alors que cela n’est pas vrai. Nous avions dit que les ordres d’évacuation seront appliqués à partir de cette date. Cela signifie en pratique qu’ils pourront l’être aujourd’hui (hier), la semaine prochaine ou dans un mois. Tout dépend du point de savoir si le dossier est complet ou pas afin que l’évacuation se déroule sans problèmes», a-t-il déclaré dans la conférence de presse qu’il a tenue au Sérail de Baabda.

Alors que les responsables d’Amal et du Hezbollah affirmaient qu’aucune personne n’a accepté d’être indemnisée à Hay el-Maramel, le mohafez du Mont-Liban a laissé entendre que certaines parties ont encaissé leurs indemnités et quitté les lieux. «Les forces de sécurité étaient déployées dans le secteur mais leur présence était de routine. Les personnes qui ont touché leurs indemnités ont pu partir et ceux qui protestent toujours peuvent soumettre leurs objections écrites à «Elyssar», a-t-il déclaré, soulignant que le dossier nécessite un complément d’étude.

Entre-temps, les travaux de percement du tronçon de route qui doit relier le secteur d’Ouzaï à l’AIB, en passant par les secteurs du palais Riyad el-Solh, Hay el-Maramel, et Cocody se poursuivront normalement. «Il n’y a aucune raison pour qu’ils soient suspendus d’autant plus que les équipes d’«Elyssar» ne sont pas encore arrivées jusqu’à Hay el-Maramel. L’évacuation des lieux se déroule plusieurs mois avant le début des travaux. Aussi, il n’est nul besoin de bâcler ce dossier que nous voulons étudier en profondeur. A travers les contacts que nous établirons, le problème pourra être résolu dans quelques mois ou même avant», a-t-il fait valoir. Selon lui, les indemnités varient entre 3000 et 30.000 dollars, suivant l’importance des locaux qui doivent être évacués. Les «cas» — comme les désigne «Elyssar» – qui bénéficient d’indemnités d’évacuation sont au nombre de 158 répartis sur 28 bâtiments: il s’agit de propriétaires, de locataires, ou de déplacés qui réclament pour la plupart des demeures ou des établissements de commerce en échange de ceux qu’ils sont supposés évacuer.

«La balle dans le camp
du gouvernement»

Quant à la société foncière, elle considère que la balle n’est plus dans son camp. Pendant que le Conseil central de sécurité débattait du problème, le conseil d’administration d’«Elyssar» a tenu une réunion extraordinaire sous la présidence de M. Joseph Hélou, pour passer en revue les contacts entrepris et les éventuelles issues au problème des évacuations. Laconique, M. Talal Khalifé, secrétaire général de la société, a indiqué à «L’ORIENT-LE JOUR» que l’affaire «n’est plus du ressort d’«Elyssar» et qu’«il appartient aux autorités concernées de trancher» en allusion au gouvernement. Il a réaffirmé que la commission d’estimation a évalué le m2 du terrain à Hay el-Maramel à 200 dollars.
Le député d’Amal, M. Ali Hassan el-Khalil, a toutefois fortement contesté ce chiffre soulignant que lorsqu’«Elyssar» avait été fondé en 1995, les indemnités destinées à Hay el-Maramel avaient été fixées à 10 millions de dollars. «Ce chiffre a toutefois été réduit récemment à 4 millions de dollars sur base des estimations de la commission chargée d’évaluer les biens-fonds», a-t-il fait valoir. A «Elyssar», on a confirmé ces chiffres, soulignant qu’ils ont été revus à la baisse après une estimation «sur le terrain et non pas théorique». Et c’est ce qui provoque la fureur des personnes concernées. M. Nayef Krayem, représentant du Hezbollah au sein du conseil d’administration, a qualifié d’«injuste» la décision de la société foncière.

Le sit-in

MM. Khalil et Krayem ont participé le matin au sit-in symbolique organisé à Hay el-Maramel, aux côtés de plusieurs autres parlementaires. Ils devaient aussi s’entretenir avec M. Joseph Hélou, en marge de la réunion du conseil d’administration d’«Elyssar». Le député Khalil devait ensuite se rendre au Parlement pour communiquer à M. Berry les résultats de ses entretiens.
Entre-temps à Hay el-Maramel, le sit-in se poursuivait en présence notamment des députés Ibrahim Amine el-Sayyed, Ammar Moussaoui, Marwan Farès et Ghazi Zeayter et de l’ancien député Ali Ammar. Le commandement de la gendarmerie d’Ouzaï, le commandant Dib Toubayli, était arrivé tôt le matin dans le quartier où une unité des FSI a quadrillé le secteur. Mais le déploiement n’avait rien de provocateur. Il a été perçu par les organisateurs du sit-in comme une mesure de routine que les autorités prennent régulièrement lorsqu’un rassemblement est organisé.

La tendance à l’apaisement a d’ailleurs transparu dans les déclarations des députés qui se sont contentés d’exprimer leur solidarité avec les habitants de Hay el-Maramel, de mettre l’accent sur la nécessité d’un développement de la région et de la préservation des droits de ses habitants. Les orateurs ont insisté sur la nécessité de ne pas présenter le problème comme étant d’ordre matériel. Pour eux, il s’agit d’un problème de respect des lois. M. Krayem a ainsi considéré que, dans le décret de fondation d’«Elyssar», les habitants de la région sont considérés comme des ayants droit et non pas comme des occupants. Dans ce même texte, les indemnités consacrées à Hay el-Maramel ont été fixées à 16 milliards de livres (10 millions de dollars), a-t-il ajouté.

«Elyssar» considère toutefois que si ce montant a été fixé pour financer l’évacuation de Hay el-Maramel, cela ne veut pas dire que toute la somme doit être dépensée à cette fin. Des sources proches de cette société ont considéré que c’est le Conseil des ministres qui doit approuver une augmentation des indemnités à verser. Selon ces mêmes sources, s’il faut tenir compte des revendications des protestataires, à savoir assurer à tout le monde des demeures ou des établissements de commerce en échange de ceux qui doivent être évacués, les travaux du projet du percement de la route Ouzaï-AIB devront être suspendus «pour deux ans au moins».
Si un sit-in symbolique n’avait pas été organisé hier à Hay el-Maramel, à Ouzaï, on aurait pu dire que tout était rentré dans l’ordre dans ce quartier où chacun vaquait comme tous les jours à ses occupations. La confrontation redoutée entre les habitants de ce quartier de la banlieue-sud de la capitale — appuyés par Amal et le Hezbollah — et les forces de l’ordre...