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Actualités - ANALYSE

L'audiovisuel politisé revient à l'avant-scène

C’est mardi prochain qu’expire le dernier sursis accordé aux médias audiovisuels privés pour qu’ils présentent leurs dossiers de demandes de licence au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Instance qui aura ensuite 45 jours pour trancher, en base comme on sait d’un «cahier des charges» énumérant les diverses conditions requises. Ses conclusions seront ensuite communiquées au Conseil des ministres, autorité qui délivre le permis de fonctionnement et d’exploitation aux entreprises concernées.
De prime abord on est donc dans une sorte de phase terminale, de tunnel devant déboucher sur la concrétisation du fameux plan de sélection gouvernemental qui retient une dizaine de stations radio et cinq ou six chaînes télé.
Mais on doit se méfier des apparences, parce que le dossier se trouve de nouveau hautement politisé, au point d’en devenir potentiellement explosif, après les «aveux publics» passés à dessein par M. Nabih Berry, du haut du perchoir Place de l’Etoile, lors des débats parlementaires dits du budget. Dans la fièvre de son offensive contre ses deux ex-partenaires de la troïka, le président de l’Assemblée nationale a en effet confirmé les accusations de M. Najah Wakim au sujet du partage délibéré du paysage audiovisuel par les pôles du pouvoir, les présidents et leurs amis. M. Berry a reconnu que lui-même devait profiter de l’arrangement qui a été orchestré. Il aurait d’ailleurs eu mauvaise grâce à ne pas le faire puisqu’en principe il devait être encore plus avantagé que d’autres, devant obtenir une licence pour une télé et une radio qui n’existent toujours que sur le papier!
Bien sûr, les loyalistes proches du pouvoir exécutif réfutent les charges de quasi-népotisme avancées par l’opposition, mais en pratique ils n’ont plus la même liberté de mouvement. Il leur faut tenir compte d’avance du formidable tollé politico-communautaire que susciterait une sélection ostensiblement discriminatoire, privant leurs contempteurs de tout moyen d’expression sur les ondes. D’autant qu’au sein du même sujet, l’opposition a ouvert, toujours durant les débats parlementaires, un «front de complément» en soulevant la question de la censure occulte, entendre des pressions qui seraient exercées pour empêcher les télés et les radios d’inviter à leur tribune des contestataires.
Le ministre de l’Information, M. Bassem el-Sabeh, a nié, et dans une interview accordée à une collaboratrice de ce même journal, Liliane Mokbel, il a mis «quiconque au défi» de prouver qu’il ait jamais relancé un média pour lui donner des directives. Il n’empêche que l’action de harcèlement de l’opposition, de plus soutenue par M. Berry, ne peut que gêner aux entournures le camp gouvernemental. Ce ne serait pas la première fois du reste que ses plans seraient mis en échec par la Chambre en matière d’information audiovisuelle: au printemps 94, lors de l’opération d’éviction des F.L., les émissions politiques et les journaux télévisés avaient été suspendus par l’Exécutif mais le Législatif les avait rétablis au bout de deux mois... et d’une bataille homérique avec les gouvernants.
Aujourd’hui, les sources proches de M. Berry affirment qu’il a la ferme intention d’exiger des conditions tout à fait draconiennes pour l’octroi de licences, ce qui sous-entend que même les «chouchous» des dirigeants en seraient privés... Une tactique prophylactique qui a priori semble plus habile que de demander le contraire, c’est-à-dire de permettre à nombre d’institutions d’exister aux côtés des instruments privés que se garderait le pouvoir... Et de la sorte on ne pourra plus reprocher à M. Berry de favoriser le «partagisme» (qu’il reconnaît avoir toléré naguère parce que selon lui les décideurs n’y étaient pas opposés) et les passe-droits.
Toujours est-il que d’ici la fin mars, date à laquelle les licences devront être accordées ou refusées, il est possible que la troïka se reconstitue et que chaque président retrouve, intacte, son envie d’avoir son propre petit empire audiovisuel...
Ph.A-A.
C’est mardi prochain qu’expire le dernier sursis accordé aux médias audiovisuels privés pour qu’ils présentent leurs dossiers de demandes de licence au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Instance qui aura ensuite 45 jours pour trancher, en base comme on sait d’un «cahier des charges» énumérant les diverses conditions requises. Ses conclusions seront ensuite...