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Actualités - ANALYSE

Chambre versatile : la joyeuse gabégie s'en sort sans une égratignure...

C’est toujours la même heureuse surprise: on tire à boulets rouges sur le gouvernement, on en descend en flèche les propositions puis on finit par les voter massivement, à main levée...
Faut-il croire que les réponses reçues à leurs interrogations inquisitoriales de harcèlement ont satisfait les parlementaires? Doit-on penser que c’est par pure distraction qu’ils n’ont pas relevé qu’en réalité le gouvernement a éludé la plupart de leurs questions? Peut-on estimer que les retouches mineures qu’ils ont apportées au texte initial sont suffisantes pour leur donner bonne conscience? N’est-il pas stupéfiant qu’après toutes les graves accusations dont, par pleines grappes d’orateurs, ils ont émaillé leurs fulminantes interventions, un seul d’entre eux ait voté contre le projet gouvernemental de budget 97? Faut-il croire que le sens de la cohésion du pouvoir global a rattrapé juste à temps (in fine) les honorables membres de l’Assemblée, pour les dispenser d’un minimum de cohérence logique?
Et par delà tout fatras théorique, un constat élémentaire: ce vote «comme si de rien n’était» vient gommer les effets possibles de la véritable campagne anticorruption que les débats Place de l’Etoile ont paru cristalliser à un certain moment. Pourris et corrupteurs peuvent dès lors dormir sur leurs deux oreilles: on ne viendra pas de sitôt les embêter de nouveau avec des questions indiscrètes... Comment va-t-on bloquer l’hémorragie de fonds publics causée par les magouilles, les pots-de-vin, le gaspillage, la gabegie, les dépenses superflues? L’Assemblée nationale n’a ni formé une commission d’enquête, ni veillé à faire préciser les accusations de concussion portées par des officiels sur la scène publique, pour que le Parquet puisse actionner les suspects en justice. La Chambre n’a même pas cherché à redynamiser les organismes de contrôle administratifs (Conseil de la fonction publique, Inspection centrale, Cour des comptes...), en les dotant d’une immunité accrue afin qu’ils puissent amorcer un assainissement, sinon une réforme, de l’administration. Tout ce que l’on a fait Place de l’Etoile se résume à la désignation des députés membres de la Haute-Cour habilitée à juger présidents et ministres... si elle est saisie d’une plainte contresignée par les deux tiers des membres du Parlement.
On a donc passé les dossiers de scandales présumés à la moulinette. Les accusations les plus graves ont été lancées contre le sommet de la pyramide, par l’un de ses membres même d’une manière vague qui s’apparente à un «premier avertissement», méthode d’intimidation voilée injustifiable aux yeux d’une opinion qui a le droit absolu de tout savoir. En passant outre à cette affaire, on laisse donc le doute continuer à planer.

Suspicion

D’autant que les auteurs des accusations et leur entourage laissent entendre qu’elles sont effectivement fondées, qu’il ne s’agit pas d’une manœuvre tactique en l’air. Ils entretiennent de la sorte une crise de confiance qui frappe non seulement le pouvoir en place mais l’Etat en tant que tel, ce qui peut avoir de lourdes retombées du côté des assistances attendues... Pour traiter un tel climat, il est évident qu’il ne suffit plus de dire qu’à tout prendre il vaut mieux tenir les accusations pour nulles et non avenues, les oublier puisqu’elles ne sont pas étayées de preuves, comme cela devrait être. En effet, on n’est pas devant un tribunal et la suspicion publique est là, et bien là, avec son cortège de fractures internes, la plus néfaste étant celle qui sépare le peuple des dirigeants, toutes tendances confondues.
De plus, comme le note un ministre, «quand la majorité parlementaire approuve les textes du gouvernement, elle en devient obligatoirement l’associé au regard des responsabilités que ces projets impliquent. S’il y a dérapage, aucun des membres de cette majorité n’a le droit de tout faire retomber sur le gouvernement et de le critiquer sans s’attribuer une partie de la faute».
N’est-ce pas là une bonne définition du terme «complicité»? Et qui d’autre que l’unique député à avoir voté contre la loi des finances 97 peut-il s’arroger le droit, désormais, de se poser en censeur des actes budgétaires du gouvernement? Abondant dans ce sens, cette source ministérielle rappelle que «l’échec de la tentative de réforme administrative entreprise en 93 est imputable aussi bien à la législature précédente qu’au Cabinet qui était en place. Ce dernier avait en effet eu le tort d’approuver un arrangement aux termes duquel le Parlement «salopait» complètement, comme on dit familièrement, le projet initial qui était radicalement coupe-têtes. Les amendements ont donc sauvé les fonctionnaires compromis et la pourriture administrative qu’ils véhiculent. Aujourd’hui nous tentons une petite amélioration par la permutation des directeurs généraux qui ont plus de trois ans de service dans une même fonction, afin d’installer dans la mesure du possible «the right man at the right place»... Résultat, ce projet suscite une levée de boucliers de la part des pôles qui ont peur de perdre l’emprise qu’ils gardent sur l’Administration et n’hésitent pas, comme on voit, à provoquer pour le bloquer une crise politique d’une rare gravité».
Ce que cette source omet par délicatesse de dire, c’est que le projet en question peut fort bien être torpillé par certains ministres eux-mêmes, qui voudront conserver à leurs côtés le même directeur général malgré l’avis éventuellement contraire du Conseil de la Fonction publique, prérogative que la décision du Conseil des ministres leur laisse en effet.
Dans la mare aux canards, on ne sait donc plus très bien qui nage le mieux, du Législatif ou de l’Exécutif...

E.K.
C’est toujours la même heureuse surprise: on tire à boulets rouges sur le gouvernement, on en descend en flèche les propositions puis on finit par les voter massivement, à main levée...Faut-il croire que les réponses reçues à leurs interrogations inquisitoriales de harcèlement ont satisfait les parlementaires? Doit-on penser que c’est par pure distraction qu’ils n’ont...