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Actualités - CHRONOLOGIE

Tapie : la prison après les millions

Sous le matricule 265 449 G, Bernard Tapie, 54 ans, a trouvé depuis hier un nouveau rôle dans le décor gris de la prison de la Santé à Paris.
Compte tenu du rejet de son pourvoi en cassation — qui rend définitive la peine de huit mois de prison ferme prononcée par la cour d’appel de Douai — il y tiendra l’affiche jusqu’à une éventuelle libération conditionnelle.
«Depuis hier, M. Tapie n’est pas sorti de cellule et ne s’est pas alimenté», a dit son avocat, Me Jean-Yves Liénard, à l’issue d’une visite à son client en début d’après-midi.
Prié de décrire son état d’esprit, l’avocat a répondu: «Il n’a pas du tout envie d’en parler, il n’a pas laissé apparaître le moins du monde ses sentiments».
Précisant que son client n’observait pas une grève de la faim, même s’il ne se nourrissait pas, Me Liénard annonçait également par avance que Bernard Tapie démissionnerait de son mandat de député européen en cas de rejet de son pourvoi.
Ce rôle de héros déchu, l’ancien ministre devenu acteur de cinéma semblait le redouter. «Tout de même, aller en taule, ce n’est pas facile, ça doit être un métier», confiait-il lundi.
Tour à tour flamboyant ou pathétique, Bernard Tapie a joué tous les rôles de sa vie — camelot de rue, chanteur, brasseur d’affaires, dirigeant sportif, député, ministre — avec conviction et pugnacité.
Il a de même soigné la mise en scène de son incarcération, allant lundi jusqu’à se constituer prisonnier à l’abri des caméras mais juste avant les journaux télévisés de 20 heures, de façon à faire la «une» sans avoir été filmé.
C’est ce sens inné des médias qui lui a permis de devenir un personnage inclassable — repreneur d’entreprises ou porte-drapeau du mitterrandisme — suscitant amour ou haine mais ne laissant jamais indifférent.

«Alors, Nanard!»

Me Jean-Yves Liénard a justifié le régime relativement spécial dont son client bénéficie à la Santé — une cellule de 10m2 du quartier des VIP — par la possible réaction des autres détenus.
«Le traitement est complètement ordinaire à ceci près qu’il n’est pas possible de permettre à Bernard Tapie de se promener dans une cour», a-t-il expliqué.
«Ça attirerait forcément, du fait de la personnalité qu’il représente, à la fois des courants de très forte sympathie ou de très forte antipathie. Il y aurait tous ceux: «Alors Nanard, on va t’aider Nanard?» ou tous ceux: «Alors, Tapie, tu y es, maintenant tu es comme nous»».
Au fur et à mesure que se précisait la perspective d’un emprisonnement, Bernard Tapie a fini par confier sa peur. La chronique de ses dernières heures de liberté dans Le Figaro le montre résigné mais plaisantin et sensible.
«T’en fais pas, ma chérie. Tout ira bien et tu pourras venir m’apporter des oranges», dit-il à sa femme. Puis il se penche vers un perroquet et s’inquiète du sort de Pierre Botton, l’un de ses anciens «ennemis» qu’il retrouvera à la Santé.
Bernard Tapie choisit ensuite les livres à emporter dans sa cellule récemment repeinte aux tons pastel: les Mémoires de Sacha Guitry, lui emprisonné quelque temps à la Libération, une biographie d’Oscar Wilde, qui a connu les geôles de Reading, et un Céline: «Voyage au bout de la nuit» — Céline également détenu au Danemark après la guerre.
Ancien actionnaire de TF1, il demande aussi s’il pourra bénéficier de la télévision en cellule, surtout de Canal+, qui transmet de nombreuses rencontres sportives.
Décrit par Le Monde comme un «brasseur d’affaires obsédé par la victoire, au mépris de la justice et des juges», Bernard Tapie bénéficiait jusqu’à présent de ses revenus de député européen. Il ne semble pas encore ruiné.
Révélé l’été dernier comme acteur par Claude Lelouch dans son film «Hommes, femmes, mode d’emploi», il doit prochainement jouer dans le film de Jacques Rozier, Fifi Martingale.
Il pourra faire valoir ce contrat pour obtenir dans quelques semaines une libération conditionnelle ou un régime de semi-liberté. Une société américaine, US Bridge Corporation, lui a également offert un emploi de Consultant-représentant malgré ses démêlés avec la justice.
Sous le matricule 265 449 G, Bernard Tapie, 54 ans, a trouvé depuis hier un nouveau rôle dans le décor gris de la prison de la Santé à Paris.Compte tenu du rejet de son pourvoi en cassation — qui rend définitive la peine de huit mois de prison ferme prononcée par la cour d’appel de Douai — il y tiendra l’affiche jusqu’à une éventuelle libération...