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Actualités - ANALYSE

Décentralisation et municipalités au menu de la prochaine étape

Deux débats cousins attendent la Chambre après le Budget: la décentralisation administrative et le nouveau code municipal. Les projets du gouvernement suscitent déjà nombre de remarques et de réticences:
— L’interdiction de cumul entre la députation et la présidence d’un conseil municipal alarme les élus qui en bénéficient ou comptent le faire à l’occasion des municipales prévues pour le 8 et le 15 juin prochain. Sur avis de sommités juridiques les auteurs du projet de loi ont estimé que le cumul est moralement malsain, parce qu’il peut y avoir conflit d’intérêt, comme on dit en droit, entre les deux mandats. En outre un député qui échouerait chez lui aux municipales verrait son degré de représentativité effective logiquement contesté... A dire vrai, si on va plus loin dans une telle direction, on en constate vite l’absurdité. En effet, en poussant le raisonnement électoral jusqu’au bout, on peut conclure que s’il n’est pas bon qu’un député se présente aux municipales, par contre il serait souhaitable qu’un président de municipalité, fort de sa popularité dans son fief, brigue les suffrages des votants aux législatives... et on retomberait ainsi dans le cumul!
— Le nouveau code va soumettre les municipalités au contrôle de l’Inspection centrale. On trouve là, par la bande, un argument nettement plus sérieux en faveur de l’interdiction de cumul. En effet, en cas de scandale toute enquête administrative serait bloquée par l’immunité dont jouirait le président du conseil municipal s’il avait aussi qualité de député. Il n’est pas possible de contourner cet obstacle, sauf par une révision de la Constitution que l’opinion comprendrait mal car elle aurait à ses yeux valeur de consécration d’un privilège au mépris du droit commun.
— D’autant que les rapports de l’intéressé avec l’Administration deviendraient plutôt troubles: en tant que président d’un conseil municipal, son action est souvent soumise à l’aval du mohafez ou du caïmacam qui, bien sûr, se sentiraient moins libres à son égard s’il était député. Inversement il est peu séant pour un membre de l’Assemblée nationale d’être quelque part, d’une certaine manière, dominé par de simples fonctionnaire non élus...

Suffrage universel

Le deuxième point que l’on discute déjà en coulisses, toujours dans le cadre du projet de code municipal, concerne l’innovation qui consiste à faire élire directement par le peuple le président de la municipalité et son premier adjoint, qui jusque-là étaient élus par les autres conseillers à la premièe réunion du conseil. Nombre de politiciens estiment que c’est là une mauvaise idée car à leur avis la compétition va s’en trouver encore plus tendue, les tensions et les passions (déjà redoutables car les municipales se passent en champ clos) encore plus exacerbées, ce qui risque de provoquer des heurts sanglants entre familles ancestralement rivales. Ces parlementaires soulignent en outre le dilemme que poserait la disparition d’un président ou de son adjoint: faudrait-il alors organiser de nouvelles élections municipales pour les remplacer? Le projet de loi prévoit pour sa part que dans un tel cas on reviendrait à la règle de la désignation par les membres; mais cela poserait un problème — constitutionnel du reste — de légitimité mandataire et de disparité.

Rattrapage

Le «gros point» noir du projet, on le sait, a failli être la disposition donnant au gouvernement le droit de désigner lui-même, sans passer par les urnes, le quart des édiles dans les municipalités de première catégorie. Cette anomalie démocratique était tout près de provoquer une tempête quand, se ravisant, le président du Conseil a annoncé son annulation, s’inclinant ainsi devant les sévères critiques formulées dimanche dernier en chaire par le patriarche Sfeir.
Dans le projet initial on avait prévu une telle dérogation par «esprit de justice», pour permettre aux résidents non inscrits sur les listes électorales de leur agglomération d’exercer des responsabilités municipales. Une catégorie, faisait-on valoir, particulièrement nombreuse — à cause de la guerre domestique ou des agressions israéliennes — dans d’importantes localités comme Bhamdoun, sofar, Aley, Sin el-Fil, Bourj Hammoud, Jdeydé et la banlieue-sud. Là les listes d’électeurs n’incluent encore qu’une minorité de la population sédentaire effective et permanente qui devrait avoir le droit de participer à la gestion des affaires de la commune, surtout qu’il s’agit souvent de gens qui y ont acquis de propriétés, des immeubles, des appartements, des entreprises, des magasins. Mais à bien y regarder, rien ne les empêche de faire transférer leur état civil de leur village d’origine... Ce à quoi les auteurs du projet, sans réaliser là aussi l’absurdité de leur réponse, répliquaient en affirmant qu’un déplacement en masse des papiers reviendrait à vider électoralement et administrativement des régions entières désertées physiquement par leur population. Un autre argument peu démocratique avancé pour justifier le projet initial était que par la désignation on pourrait doter les conseils municipaux de cadres hautement instruits, docteurs, ingénieurs, ou avocats... Heureusement, le président du Conseil s’est aperçu que démocratie et élitisme ne font pas bon ménage et il a donc rappoté cette disposition.

Les effets et les causes

L’on a par ailleurs renoncé à ramener à 18 ans l’âge légal pour exercer le droit de vote aux municipales, car cela aurait nécessité une révision de la Constitution.
D’autre part des députés proposent que l’on réduise les délais pour la correction et la mise à jour annuelle des listes d’électeurs, afin que cette double opération soit achevée avant la fin avril, ce qui permettrait d’organiser les élections dès début mai et de ne compromettre ni les examens officiels ni la saison touristique d’été en les fixant à la mi-juin. Du côté du gouvernement on se déclare disposé à envisager un tel changement de date, le ministère de l’Intérieur laissant entendre qu’il est sur le point d’en finir avec le lifting des listes d’électeurs et que de plus il pourrait distribuer la nouvelle carte électorale individuelle à partir de la mi-février...
l Toujours est-il que beaucoup de députés affirment qu’il faut plancher en premier lieu sur le dossier de la décentralisation administrative, du moment qu’il peut entraîner des effets certains sur le code municipal. En effet les interactions entre les municipalités et les conseils futurs de mohafazats sur le plan du développement régional seraient innombrables. Par contre au niveau des mohafazats et des cazas, une source ministérielle affirme qu’on va s’en tenir aux nombres actuels (respectivement cinq et 24) parce que le projet de multiplication suscite trop d’objections d’ordre politique ainsi que de multiples difficultés de caractère administratif.
Mais on risque fort de retomber dans ce domaine dans l’irrespect des règles démocratiques car le gouvernement envisage de nommer lui-même le tiers des membres de futurs conseils de mohafazat, toujours pour y introduire les élites...

E.K.
Deux débats cousins attendent la Chambre après le Budget: la décentralisation administrative et le nouveau code municipal. Les projets du gouvernement suscitent déjà nombre de remarques et de réticences:— L’interdiction de cumul entre la députation et la présidence d’un conseil municipal alarme les élus qui en bénéficient ou comptent le faire à l’occasion des...