A peine franchi le vestibule, le ton est donné. Trois dessins d’Eugène, son fils, expliquent tout. Ces planches d’illustrations désopilantes s’accompagnent d’une légende éloquente: «Le collectionneur est un éternel insatisfait... Car, une collection n’est jamais complète... Mais quand on est fou de ce qu’on collectionne on ne s’en lasse pas!».
Frida Debbané raffole de ses foulards Hermès. Elle les bichonne, les plie précautionneusement, les range dans des cartons qu’elle a recouverts de papier Hermès ou de bolducs multicolores (les rubans des emballages d’origine). Durant la guerre, elle les a même transportés d’abri en abri avec ses objets les plus précieux: les photos, les lettres et ses écrits.
C’est un voilier aperçu dans une vitrine à Hamra qui est à l’origine de la collection. Le coup de foudre a lieu, il y a plus de vingt-cinq ans, un samedi soir. Dès qu’elle aperçoit l’«A Tribord», Frida le veut. Elle en rêve tout le week-end, et le lundi matin se pointe, à la première heure, l’acheter. Depuis, il y a eu «Les rubans du cheval», «Les Etriers», «Brides de Gala»... jusqu’aux «Automobiles», le soixante quinzième, reçu l’été dernier. Mors, gourmettes, sangles, étriers, chevaux... sont les motifs qu’elle préfère. «Je n’ai que de très rares dessins de fleurs ou d’oiseaux. Que je garde», dit-elle, «uniquement par fidélité au souvenir des personnes chères qui me les ont offerts. Chaque foulard est lié à une personne ou à une période de ma vie», ajoute-t-elle.
Contrairement aux collections habituelles, celle-ci n’est pas «fermée sous clé». Mieux, elle est régulièrement de sortie. D’autant que Frida semble avoir faite sienne cette devise: jamais sans mon foulard! «En hiver je porte quotidiennement un carré de soie. Que j’harmonise au gré de mes envies et de mon humeur aux couleurs unies de ma garde-robe».
Cet attachement qu’elle ne s’explique pas est si fort qu’elle dit être «hantée par le foulard» qu’elle n’a pas. C’est pourquoi, en collectionneuse organisée Frida a dressé une liste des modèles qu’elle possède et une autre de ceux qu’elle recherche. La deuxième fluctue, évidemment, au gré de ses acquisitions. «Sur les 75 foulards que j’ai réunis, je n’en ai acheté qu’une dizaine», déclare-t-elle. «J’en reçois beaucoup de mes amis. Que je charge d’ailleurs systématiquement, lorsqu’ils voyagent, de passer chez Hermès pour m’échanger certains modèles, et me rapporter les catalogues des nouvelles collections». Frida rêve devant ces dépliants qui présentent chaque année deux collections de douze carrés chacune. Elle contemple si longuement chaque modèle qu’elle finit par mémoriser le moindre motif. «Je peux connaître un modèle Hermès de très loin», dit-elle. «Même si je n’aperçois qu’un petit bout du tissu».
Elle a d’ailleurs souvent étonné les vendeuses de la maison Hermès par sa connaissance parfaite des noms des foulards exposés en vitrine. Une cliente pas comme les autres, dont l’impressionnante liste de foulards a retenu l’attention du directeur du musée Hermès, M. Côme Rémy. Qui entretient depuis avec la collectionneuse une correspondance régulière.
Théières
Parallèlement aux foulards, Frida collectionne les théières. Commencée il y a quatre ans, sa série comporte aujourd’hui 150 pièces. En porcelaine, en argent massif, en cuivre, en verre, en céramique, en jade... Des théières grandeur nature ou miniature. Des pièces rares, d’autres plus communes, des classiques, des modernes aux formes bizarroïdes... Dans la salle à manger, tout un pan de mur est occupé par des étagères où sont exposées les grandes pièces. Tandis que les miniatures trônent au centre d’une maison de poupée mise en vitrine au salon. Et ça et là, sur une table, dans un coin, traînent des petites théières-bibelots, d’autres recyclées en pied de lampe...
«Le collectionneur facilite la tâche à ses amis», dit Frida en riant. «Les miens m’ont rapporté des théières de Chine, d’Amérique, de France, du Japon, du Mexique...».
A la base Frida recherchait surtout les théières miniature. Aujourd’hui, elle ne jure plus que par les théières bleues, quelle qu’en soit la taille. «A ses débuts», indique-t-elle, «le collectionneur commence par amasser, ensuite il devient plus sélectif».
Au début il y a donc le coup de foudre, l’attirance instinctive. «Sait-on pourquoi on aime une chose ou un objet», s’interroge Frida. «C’est un plaisir que d’avoir des objets qu’on aime...».
Pour Frida Debbané, c’est sûr, les objets inanimés ont une âme!
Zéna ZALZALs
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