Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Conseil des ministres : l'idée d'un règlement intérieur refait surface

Dans la polémique endémique qui les oppose sur la délimitation des pouvoirs, les présidents négligent une zone d’ombre jamais éclaircie: les prérogatives du vice-président du Conseil. La question avait été pourtant étudiée lors de la conférence fondatrice de Taëf. On en retrouve trace dans le compte-rendu de la séance au cours de laquelle le sujet avait été débattu.
Le vice-président du Conseil des ministres devrait, convenaient les députés, remplacer le chef du gouvernement à chacune de ses absences. Mais le document final de la conférence, dit de l’entente nationale, et la Constitution qui en découle ne font aucune mention des attributions de la vice-présidence du Conseil qui restent donc sans définition.
Parallèlement, certains chefs de gouvernement ont contesté au président de la République le droit de convoquer le Conseil des ministres en l’absence du chef du gouvernement. Ils ont affirmé que seul ce dernier se trouve autorisé, par l’alinéa 6 de l’article 64 de la Constitution, à lancer une telle convocation et à fixer l’ordre du jour du Conseil.
Un autre élément conflictuel avait pris corps lorsque certains projets ont été décrétés hors des normes décidées par le Conseil des ministres…
Tout cela mis ensemble a relancé l’idée, défendue par M. Nabih Berry du temps où il était lui-même ministre et pâtissait du système baptisé «troïka», d’un règlement intérieur précis pour le Conseil des ministres. Un dispositif qui rendrait obligatoire la rédaction d’un compte-rendu détaillé de chaque séance, comme à la Chambre des députés, pour éviter toute déviation dans la formulation des décrets. Aux termes de ce même mécanisme nouveau, et sans qu’il soit besoin de modifier la Constitution, il serait précisé qu’il revient au vice-président de convoquer le Conseil, au titre de la continuité, en l’absence du chef du gouvernement.
En réalité, mais qui s’en souvient, il existe un projet en bonne et due forme concocté naguère par une commission ministérielle formée de MM. Michel Murr, Marwan Hamadé, Khatchig Babikian, Chawki Fakhoury et Abdallah el-Amine. Son rapport, se référant à l’alinéa 5 de l’article 65 de la Constitution, commence par rappeler que le Conseil des ministres doit se réunir périodiquement et avoir son propre siège. De même, en vertu de l’alinéa 6 de l’article 64, c’est le président du Conseil qui convoque et en cas d’absence ses prérogatives sont assumées par le vice-président, à l’instar de ce que précise l’article 6 du règlement intérieur de l’Assemblé nationale. A titre exceptionnel ce pouvoir reviendrait au chef de l’Etat, s’il le juge nécessaire, et en accord avec le président du Conseil (alinéa 12 de l’article 53 de la Constitution). Lors des échanges, certains membres de la commission ministérielle ont suggéré que le Conseil puisse être convoqué hors cycle si le tiers de ses membres en fait la demande.
En ce qui concerne l’ordre du jour, la commission recommande qu’y soient portés automatiquement tous les sujets, projets ou propositions dont le traitement revient par nature au Conseil, en vertu de la Constitution et des lois ou règlements en vigueur. Elle ajoute que tout ministre doit avoir le droit de demander l’inscription d’une question concernant son département et souligne que les projets de lois et de décrets-cadres doivent être communiqués aux membres du Conseil des ministres une semaine au moins avant d’être soumis au débat, les autres points de l’ordre du jour devant leur être communiqués deux jours au moins avant la tenue du Conseil.

Majorité

Bien entendu la séance est présidée par le chef du gouvernement, ou par le président de la République quand il en exprime le souhait, sa participation se faisant sans droit de vote. C’est le vice-président du Conseil qui dirige les débats en l’absence des deux présidents. Quant aux ministres, il leur faut réunir une majorité des deux tiers pour demander la réunion du Conseil, conformément à l’article 65.
La première partie d’une séance est consacrée aux questions offrant un caractère d’urgence et la deuxième aux impromptus non inscrits à l’ordre du jour. Les décisions sont prises par consensus et en cas d’impossibilité par vote à la majorité absolue des présents, sauf pour les questions cruciales qui nécessitent une majorité des deux tiers, toujours en vertu de l’article 65 de la Constitution.
La commission ministérielle recommande ensuite que les débats soient enregistrés puis retranscrits dans un compte-rendu écrit, mais résumé, qui doit être approuvé. Bien entendu ces débats ne peuvent être rendus publics. Le secrétariat général de la présidence du Conseil doit après chaque séance s’atteler à la rédaction des décrets qui doivent être prêts dans un délai de cinq jours. Les textes et les enregistrements phoniques des séances sont conservés en une section du siège du Conseil des ministres où chaque membre du Cabinet peut les consulter quand il le souhaite.
Les décisions du Conseil deviennent exécutoires au plus tard deux semaines après qu’elles ont été prises.
Le rapport de la commission insiste beaucoup sur un point: le Conseil des ministres est un tout aux parties étroitement solidaires. Toute violation de ce principe peut amener le Conseil, son président ou une majorité des deux tiers à appliquer les dispositions de l’article 69 de la Constitution qui prévoient le limogeage du ministre coupable. Et de rappeler que toute décision prise par consensus ou par vote est impérative, tout ministre devant s’y soumettre sans plus s’y opposer publiquement ni tenter de l’entraver sous peine d’enfreindre la règle absolue de la cohésion gouvernementale.
Cependant le chef du gouvernement de l’époque, M. Omar Karamé, n’avait pas approuvé ce rapport et il avait notamment rejeté l’idée que le vice-président du Conseil remplace en tout le président du Conseil en son absence. Il avait souligné qu’il y aurait en effet à craindre que dans de telles conditions, le vice-président ne profite de ces pouvoirs pour présenter la démission du Cabinet. Toujours est-il qu’on avait reparlé du règlement intérieur sous le fugace mandat du Cabinet de élections qu’avait dirigé durant l’été de 1992 M. Rachid Solh qui avait naturellement demandé qu’on laisse ce problème de côté pour après les élections qui accaparaient totalement son attention, d’autant qu’il était lui-même candidat. Cependant au 1er août 1992 un décret portant le numéro 2.552 avait été promulgué pour organiser les travaux du Conseil des ministres mais on n’y trouvait aucune mention des prérogatives du vice-président du Conseil. Et cela malgré un avis du Conseil d’Etat qui estimait que par respect du principe de la continuité des pouvoirs, le vice-président devrait pouvoir diriger les débats du Conseil en l’absence du chef du gouvernement, droit qui reviendrait au doyen d’âge au cas où le numéro deux du Cabinet ne serait lui-même pas disponible.

E.K.
Dans la polémique endémique qui les oppose sur la délimitation des pouvoirs, les présidents négligent une zone d’ombre jamais éclaircie: les prérogatives du vice-président du Conseil. La question avait été pourtant étudiée lors de la conférence fondatrice de Taëf. On en retrouve trace dans le compte-rendu de la séance au cours de laquelle le sujet avait été...